Rappel de l'objet de la demande
Une indemnisation dommages-ouvrage peut-elle, en sus de la réparation de dommages avérés , couvrir des dommages qui vont manifestement survenir dans les mois à venir ?
Textes de référence
- Code civil, articles 1792 à 1792-7 ;
- Code des assurances, article L.242-1.
Réponse
L’assurance de construction dommages-ouvrage est une assurance garantissant au maître de l’ouvrage, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages relevant de la garantie décennale des constructeurs.
Elle couvre ainsi les dommages se produisant dans les 10 ans après la réception des travaux et qui, soit compromettent la solidité de l’ouvrage et ses éléments constitutifs, soit le rendent impropre à sa destination (c’est à dire, qui ne lui permettent plus de remplir la fonction à laquelle il était destiné).
NOTA BENE : les désordres qui ne répondent pas à ce degré de gravité peuvent toutefois être indemnisés sur la base de la garantie des vices intermédiaires, laquelle peut couvrir des désordres moindres (malfaçons sur un revêtement, sur des canalisations extérieures, défaut de conception d’un système d’évacuation, etc). À l’inverse de la garantie décennale cependant (mécanisme de responsabilité présumée), la responsabilité du constructeur ne pourra ici être recherchée qu’en apportant la preuve de sa faute.
Quid des dommages amenés à se manifester à l’avenir ?
Par principe, la jurisprudence n’exclut pas que des dommages, qui ne produiront leurs effets que dans un futur plus ou moins proche, puissent donner lieu à indemnisation.
Deux situations sont toutefois à distinguer puisque ce type de dommage recouvre en réalité deux notions distinctes, mais pourtant fréquemment confondues dans la pratique.
- D’une part, le désordre futur. Il s’agit d’un dommage qui est dénoncé dans le délai de la garantie décennale et ne présente pas encore, à ce stade, les critères de gravité nécessaires pour relever de cette garantie , mais dont on sait de façon certaine qu’il les présentera dans l’avenir, avant l’expiration du délai de 10 ans (il ne s’agit donc pas d’un simple désordre éventuel).
- D’autre part, le désordre évolutif. Un dommage qui, quoiqu’apparu postérieurement à l’expiration du délai d’action de 10 ans, demeure indemnisable dans la mesure où il constitue la suite logique et/ou l’aggravation de désordres qui revêtaient les critères de gravité de la garantie décennale au moment de leur survenance sur le même ouvrage, et dénoncés dans le délai de ladite garantie.
Autrement dit, le désordre futur est un désordre qui va acquérir avec certitude un caractère décennal (atteinte à la solidité ou impropriété à la destination) dans le délai de 10 ans, tandis que le désordre évolutif correspond à des désordres qui se sont produits dans le délai décennal et relevaient déjà de cette garantie, mais qui connaissent une évolution au-delà.
À cet égard, nous attirons votre attention sur une importante différence d’interprétation en fonction de l’ordre de juridiction devant lequel un éventuel litige pourrait être porté. Rappelons à ce titre que compétence juridictionnelle sera principalement commandée par la nature du contrat (contrat d’assurance décennale, marché public de travaux etc) et que l’action en garantie décennale se transmet de propriétaire en propriétaire.
Position du juge judiciaire
Le juge judiciaire adopte une position bien plus sévère en matière d’indemnisation du maître de l’ouvrage. Il est indispensable que le dommage futur se manifeste, dans toute son ampleur, avant l’expiration du délai de 10 ans. Passé ce délai, il n’entre plus dans la garantie décennale (et donc, dans l’assurance dommages-ouvrage qui couvre le même champ).
La certitude de la survenance à court terme du dommage (ou du moins dans un délai prévisible) est donc ici insuffisante dès lors que le dommage, même futur et certain, ne s’est pas réalisé dans le délai décennal d’épreuve.
S’agissant de la réparation des désordres évolutifs, la solution retenue est également plus restrictive puisque subordonnée à deux conditions cumulatives :
- Les dommages initiaux doivent avoir été dénoncés dans le délai de la garantie légale et devaient revêtir le caractère de gravité avant l’expiration du délai de 10 ans ;
- Les nouveaux dommages doivent être la suite, la conséquence ou l’aggravation des désordres initiaux affectant les mêmes ouvrages (« désordre de même nature » qui ne procèdent pas d’une causalité différente des précédents dommages).
Position du juge administratif
A contrario, le juge administratif est plus favorable aux maîtres d’ouvrage public puisqu’il admet l’indemnisation des désordres futurs postérieurement à l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale, dès lors que la réparation en a été demandée avant le délai de forclusion.
Autrement dit, l’indemnisation des dommages futurs est possible, même s’ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai légal de garantie de 10 ans.
Le juge administratif retient ainsi une acception plus large de la notion de désordre futur, s’il est certain que celui-ci remplira, à terme, les critères de gravité requis (solidité compromise / caractère impropre à sa destination).
Seuls importent donc que la demande en réparation soit effectuée avant l’expiration du délai de 10 ans et que le désordre puisse être considéré comme inéluctable.
En droit public, cette exigence est indifféremment appliquée aux dommages futurs ou évolutifs, c’est à dire résultant d’une aggravation des désordres initiaux. Tel est par exemple le cas en présence d’un « processus d’aggravation inéluctable », de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, et ce alors même que les dommages ne s’étaient pas encore entièrement révélés.
Dans la mesure où l’indemnisation dommages-ouvrage couvre les désordres relevant de la garantie décennale de construction, la réparation est susceptible d’englober les dommages avérés mais également des dommages dont la survenance n’interviendra qu’a posteriori.
Dans ce dernier cas, il est nécessaire que le dommage soit futur (il ne s’est pas encore produit) mais également inéluctable (il est certain qu’il se produira). Il doit également être dénoncé par votre établissement durant la période de garantie décennale.
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