Rappel de l'objet de la demande
Lorsqu’un résident demande expressément la pose d’une ou deux barrières dans son lit pour se sentir plus en sécurité, est-ce considéré comme de la contention (et donc faut-il une ordonnance pour une barrière ? pour deux barrières ?) ou bien suffit-il de le tracer dans le dossier tout en considérant qu’il s’agit d’une « sécurisation » et non d’une « contention » ?
- Qu’en est-il si c’est la famille qui exige la pose des barrières sans que le résident soit en mesure de donner son accord ?
- Et que se passe-t-il si la famille les veut mais pas le résident ?
- Quelles seraient les conséquences pour l’établissement s’il accède à la demande de la famille et que le résident décède en raison de la pose de ces barrières (chute par-dessus la barrière, étranglement) ?
- Et les conséquences si l’établissement refuse et que le résident décède d’une chute de son lit ?
- Existe-t-il un texte prévoyant expressément la révision de la contention toutes les 24h par le médecin ?
- Peut-il prévoir une vérification hebdomadaire ou mensuelle du besoin de la contention ?
Textes de référence
- Code de la santé publique (CSP) : articles L.1142-1 et L.3222-5-1 ;
- Code de l’action sociale (CASF) : article L.311-4-1 et Annexe 3-9-1 ;
- Haute Autorité de la Santé (HAS) – Recommandation de bonnes pratiques (RBP) – Isolement et contention en psychiatrie générale – Mars 2017.
- ANAES-HAS -Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée, Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé – Octobre 2000 ;
- AFSSAPS – Bonne utilisation des barrières de lit – Janvier 2006 ;
- Défenseur des droits, Rapport : Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD, Mai 2021.
Réponse
La Haute Autorité de Santé, dans une recommandation de bonne pratique de Février 2017 distingue plusieurs types de contention, dont deux plus particulièrement :
- La contention physique : consiste au maintien ou à l’immobilisation du patient en ayant recours à la force physique.
- La contention mécanique : revient à utiliser tous moyens, méthodes, matériels (donc la ceinture) ou vêtements empêchant ou limitant les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans un but de sécurité pour un patient.
Concernant le recours à la contention en établissement
- La contention dans un établissement de santé
Le premier alinéa de l’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique vient apporter quelques conditions concernant le placement en isolement ou en contention. Ainsi, la contention (tout comme l’isolement) :
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- Doit être une pratique de dernier recours : la contention du patient intervient à un moment critique, c’est-à-dire lorsqu’aucune autre solution envisageable ne peut être suffisante pour mettre fin à une période de tension. En ce sens, la Haute Autorité de Santé est venue préciser que l’utilisation de la contention ne peut s’effectuer « uniquement lorsque des mesures alternatives différenciées, moins restrictives, ont été inefficaces ou inappropriées. ». Ainsi, est justifié le maintien d’un patient, souffrant d’une dissociation psychique et comportementale, en contention lorsque le traitement médical testé auparavant est inefficace. De 2plus, n’est pas illégal le placement en isolement/contention du patient dès lors que des tentatives vaines d’alternatives (traitement médicamenteux, entretien, temps d’apaisement, intervention verbales…) avaient été entreprises.
- Ne peut concerner que les patients en hospitalisation complète sans consentement : ainsi, il convient que l’établissement ait la possibilité de prendre en charge des patients sans leur consentement (sur demande d’un tiers, en cas de péril imminent, sur demande du représentant 45de l’État, du maire, ou sur décision du juge pénal).
- Ne peut être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui : la HAS précise, dans sa recommandation de bonne pratique, qu’un tel placement ne peut être justifié que par la prévention d’une violence imminente du patient ou en réponse à une violence immédiate, non maîtrisable, sous-tendue par des troubles mentaux, avec un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui. Il ne pourra jamais être mise en place pour punir, infliger des souffrances, de l’humiliation ou établir une domination envers le patient. Les juges civils ont précisé que le placement en contention d’un patient était justifié dès lors que le placement était pour éviter la tentative de suicide d’un patient et qu’aucune autre mesure alternative ne s’était avérée efficace, ou lorsque le patient, à plusieurs reprises se montrait « très sthénique, hostile, avec un comportement hétéro-agressif sur l’équipe de soins ». Enfin, il est nécessaire, afin de caractériser un dommage immédiat ou imminent, que la cause de la contention du patient soit étayée par des éléments circonstanciés.
- Ne peut s’effectuer que sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient : la HAS précise en ce sens que toute mesure de contention doit être « pleinement justifiée par des arguments cliniques ».
- Une fois mise en place la contention doit faire l’objet d’une surveillance stricte, autant somatique que psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical : il conviendra à l’équipe médicale de constater si l’état clinique permet, ou non, d’appliquer cette mesure de contention mais aussi de mener une réflexion de bénéfices-risques lorsqu’il existe des risques liés à l’état somatique du patient, une affection organique dont le diagnostic ou le pronostic peut être grave.
Comme précisé ci-dessus, les unités d’un établissement de santé n’effectuant pas d’hospitalisation sans consentement ne rentreront pas dans la catégorie d’établissement cité dans la deuxième condition. En ce sens, il ne sera pas possible d’effectuer une mesure d’isolement ou de contention à un patient hospitalisé au sein d’une autre unité que celle de SPSC.
En effet, avant 2021, certains protocoles de soins prévoyaient initialement la contention des patients agités en services. Ce principe n’était pas contredit par le juge des libertés et de la détentionet découlait de l’ancienne rédaction de l’article L.3222-5-1 du CSP lequel ne prévoyait pas la condition d’hospitalisation sans consentement du patient. Néanmoins, cette version a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel, ce qui a conduit les législateurs à rédiger une 16nouvelle version, apportant désormais la condition d’hospitalisation sans consentement.
Ainsi, telle mesure, effectuée dans le cadre où le patient ne serait pas en hospitalisation complète sans consentement serait jugée comme irrégulièreet, par conséquent, la mainlevée de la mesure sera immédiatement prononcée.
- La contention dans un établissement médico-social
Le Défenseur des droits, dans un rapport relatif à la protection des droits fondamentaux aux personnes âgées accueillies en EHPAD, est venue rappeler que le législateur « n’attribue un cadre juridique à la contention que dans le seul secteur sanitaire psychiatrique ». En effet, lors d’une séance au Sénat en date du 19 septembre 2015, il a été rappelé par les sénateurs et le gouvernement le refus de la transpositions des dispositions applicables aux établissements sociaux et médico-sociaux.
Ainsi, la contention en établissement médico-social n’a jamais été prévue légalement ou réglementairement. Ainsi deux hypothèses peuvent découler :
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- L’article L.3222-5-1 du CSP autorise l’utilisation de contention dans l’unique cas des hospitalisations sans consentement, en l’absence de dispositions légales autorisation une telle pratique dans les établissements médico-sociaux, le recours à la contention devrait donc être proscrit (aspect théorique) ;
- L’article L.3222-5-1 n’a pas vocation à s’appliquer aux établissements médico-sociaux et en l’absence de disposition l’interdisant, il est possible de recourir à la contention dans des situations extrêmement précises et allant dans l’intérêt du résident.
ATTENTION : Bien qu’en pratique très fréquent, le recours à la contention en établissement 23médico-social ne trouve aucun fondement légal (aucune pratique n’étant pas prévue légalement ne peut braver les droits fondamentaux d’une personne). Néanmoins, des sources officielles comme l’Agence Régionale de la Santé (ARS) ou l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) mentionnent le cas de la contention en établissement médico-social.
- Concernant l’installation de barrière de lit
Dans les établissements médico-sociaux, sont couramment utilisées divers moyens dans l’objectif d’éviter la chute ou la blessure de résident. Tel est le cas par exemple de barrières de lit. En ce sens, les barrières de lit doivent, selon l’agence régionale de santé (ARS) d’Île de France, être considérée comme des moyens de contention, dès lors « qu’elles empêcheront le résident de sortir du lit ». Également, les juridictions civiles ont, à plusieurs occasions, reconnu l’utilisation de barrière de lits comme des moyens de contention.
Concernant les modalités relatives à la contention
- L’objectif : éviter le recours à la contention
Dans un rapport publié par l’ANESM en 2000, il est précisé que l’utilisation de la contention pour les personnes âgées en établissement de santé (et non en établissement médico-social) notamment ne pouvait être être utilisée qu’en cas d’échec des autres alternatives mises en oeuvre. L’ANESM prévoit également un référentiel de 10 critères permettant de limiter l’utilisation d’une telle contention :
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- Critère 1 : la contention est réalisée sur prescription médicale. Elle est motivée dans le dossier du patient.
- Critère 2 : la prescription est faite après l’appréciation du rapport bénéfice/risque pour le sujet âgé par l’équipe pluridisciplinaire.
- Critère 3 : une surveillance est programmée et retranscrite dans le dossier du patient. Elle prévient les risques liés à l’immobilisation et prévoit notamment les soins d’hygiène, la nutrition, l’hydratation et l’accompagnement psychologique.
- Critère 4 : la personne âgée et ses proches sont informés des raisons et buts de la contention. Leur consentement et leur participation sont recherchés.
- Critère 5 : le matériel de contention sélectionné est approprié aux besoins du patient. Il présente des garanties de sécurité et de confort pour la personne âgée. Dans le cas de contention au lit, le matériel est fixé sur les parties fixes, au sommier ou au cadre du lit, jamais au matelas ni aux barrières. Dans le cas d’un lit réglable, les contentions sont fixées aux parties du lit qui bougent avec le patient. En cas de contention en position allongée, les risques liés aux régurgitations et aux escarres sont prévenus.
- Critère 6 : l’installation de la personne âgée préserve son intimité et sa dignité.
- Critère 7 : selon son état de santé, la personne âgée est sollicitée pour effectuer des activités de la vie quotidienne et maintenir son état fonctionnel. La contention est levée aussi souvent que possible.
- Critère 8 : des activités, selon son état, lui sont proposées pour assurer son confort psychologique.
- Critère 9 : une évaluation de l’état de santé du sujet âgé et des conséquences de la contention est réalisée au moins toutes les 24 heures et retranscrite dans le dossier du patient.
- Critère 10 : la contention est reconduite, si nécessaire et après réévaluation, par une prescription médicale motivée toutes les 24 heures.
ATTENTION : Concernant les critères n° 9 et n° 10, l’article L.3222-5-1 du CSP précise que la contention doit prendre une durée maximale de 6 heures renouvelable jusqu’à 24h. Passé ce délai, il convient de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) afin qu’il statue sur la poursuite, ou non, du placement en contention. Néanmoins, et comme précité, cet article n’a pas vocation à s’appliquer aux ESSMS.
De même, l’ARS d’Île-de-France rappelle que le recours à la contention doit rester « exceptionnel » et relève de situations d’urgence médicale et doit faire preuve d’une « réflexion multidisciplinaire ». De manière générale, le recours à la contention doit être, selon les autorités, le plus souvent proscrit. En ce sens, il convient aux établissements de chercher le plus possible d’alternatives afin d’éviter de pratique une telle contention (hors urgence). De même, la Haute Autorité de santé (HAS) est venue proposer un guide dans l’objectif « mieux évaluer le rapport bénéfice/risque des contentions physiques chez les sujets âgés, d’envisager les possibilités de maîtriser les risques et de diminuer sa fréquence d’utilisation.
- Responsabilité de l’établissement
Peut être engagée la responsabilité de l’établissement lorsque celui-ci utilise un moyen de contention :
- Pour défaut de surveillance : l’absence de surveillance de 2 heures d’un patient contentionné par sangle abdominale et décédé par étouffement;
- Pour absence de motif valable : Le recours à la contention d’un patient ne présentant aucun antécédents psychiatriques justifiant une telle pratique sera considérée comme illégal;
- Défectuosité du produit : Peut être engagée la responsabilité de l’établissement pour utilisation de produit défectueux.
À l’inverse, l’absence de contention ne pourra pas être reproché à l’établissement si le résident ne présentait aucun antécédent à risque justifiant un tel placement. En effet, « l’établissement du caractère fautif de l’absence de contention, après traitement d’orthodontie, par un chirurgien-dentiste, implique nécessairement que cette contention aurait pu, si elle avait été mise en place, avoir une influence favorable sur l’évolution de la pathologie ».
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a prévu un guide relatif à la bonne utilisation des barrières de lit, en date de janvier 2006, elle prévoit les risques afférents à l’utilisation de telles barrières (étouffements, blessures etc.) et les recommandations à suivre.
- La mise en place de la contention dans le contrat de séjour
Conformément au Code de l’action sociale et des familles (CASF), le contrat de séjour entre le patient et l’établissement peut contenir, en annexe, des « mesures particulières à prendre, autres que celles définies au règlement de fonctionnement, pour assurer l’intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l’exercice de sa liberté d’aller et venir ». Cet annexe doit être modifié tous les 6 mois.
Il serait donc fortement recommandé de prévoir le recours d’une telle contention dans le contrat de séjour du résident, afin d’apporter un fondement contractuel.
Conclusion
La contention est en principe interdite dans les établissements ou unités n’assurant pas une hospitalisation sans consentement. Ainsi, en l’absence de disposition contraire, le recours de la contention en EHPAD n’est pas autorisé. Néanmoins, au vu des diverses sources, le recours à la contention en ESSMS est, en pratique, énormément effectué et est, par conséquent, encadré dans certains textes (notamment de l’ARS et de l’ANESM).
- La pose de barrière de lit est-elle considérée comme de la contention ?
OUI. Selon la jurisprudence et l’ARS d’Île-de-France, la mise en place de barrière de lit est considéré comme un moyen de contention physique. Il conviendra donc d’appliquer les dispositions applicables à la contention.
- Qu’en est-il si c’est la famille qui exige la pose des barrières sans que le résident soit en mesure de donner son accord ? Et que se passe-t-il si la famille les veut mais pas le résident ?
Pour l’utilisation de contention d’un patient en établissement, il convient de recueillir le consentement de la personne intéressée dès que possible. Si le résident peut consentir et refuse un tel recours, il conviendra à l’établissement de ne pas mettre en oeuvre la contention (sauf en cas d’extrême urgence).
- Quelles seraient les conséquences pour l’établissement si vous accédez à la demande de la famille et que le résident décède en raison de la pose de ces barrières (chute par-dessus la barrière, étranglement) ?
En cas de recours à la contention en établissement, celui-ci peut voir sa responsabilité engagée tout d’abord si une telle pratique n’est pas justifiée, mais aussi en cas de défaut surveillance ou de défectuosité du produit. En ce sens, en cas d’accident, la responsabilité de l’établissement pourra être engagée par exemple en cas de dysfonctionnement des barrières de lit (manque de stabilité etc.) ou en cas de mauvaise utilisation et d’absence de vérifications.
- Et les conséquences si votre établissement refuse et que le résident décède d’une chute de son lit ?
Plus largement, considérant le recours à la contention, il convient de préciser que le juge applique un contrôle de proportionnalité et vérifie si l’utilisation d’une telle pratique est ou non adaptée à l’état du patient. Si le patient présente des antécédents à risque (chute de lit, somnambulisme) et que ces risques peuvent provoquer des blessures ou le décès du résident, mais que l’établissement ne procède pas à l’utilisation de contention, il est possible que les juges reconnaissent la responsabilité d’un tel établissement.
- Existe-t-il un texte prévoyant expressément la révision de la contention toutes les 24h par le médecin ?
L’article L.3222-5-1 prévoit un renouvellement de la contention tous les 6 heures dans la limite de 24 heures. Néanmoins, cet article ne s’applique pour les ESSMS. Ainsi, seule le guide publié par l’ANESM prévoit un encadrement à la contention en EHPAD notamment. Il convient donc à l’établissement de procéder à une évaluation de l’état de santé résident toutes les 24 heures et de la reconduire, si nécessaire et après réévaluation, par une prescription médicale motivée toutes les 24 heures.
- Pouvez-vous prévoir une vérification hebdomadaire ou mensuelle du besoin de la contention ?
OUI. Bien qu’aucune disposition ne prévoit une périodicité de réviser du matériel, il est fortement recommandé à l’établissement de procéder à un tel entretien de manière régulière. En effet, sa responsabilité pouvant être engagée en cas d’absence de surveillance et de défectuosité, il convient à l’établissement, de procéder à une vérification régulière.
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