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Courriers RAR et abandon de poste pendant la crise du Coronavirus

Rappel de l'objet de la demande

Depuis le début de la crise sanitaire, un agent de l’établissement a cessé de se présenter à son poste. Cet établissement est sans nouvelles de ce dernier depuis lors. Par plusieurs courriers recommandés avec accusé de réception (RAR), la direction a mis en demeure l’agent de reprendre ses fonctions, sous peine d’être considéré en abandon de poste.

N’ayant pu être remis à l’intéressé lors du passage à domicile de l’employé chargé de la distribution, ces courriers ont cependant été mis à disposition en bureau de poste début avril, à charge pour l’agent de les récupérer sous quinzaine.

  • Au regard de l’ensemble de ces diligences, et dans la mesure où ces envois consécutifs sont restés sans réponse, l’établissement est-il fondé à considérer que l’agent a abandonné son poste à compter de la date à laquelle il avait été enjoint de reprendre son poste ?
  • La réglementation d’exception liée à l’épisode épidémique de Covid-19 fait-elle obstacle au décompte d’un quelconque délai lié à un envoi postal en recommandé avec accusé de réception ?

Textes de référence

  • Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite Loi dite loi Le Pors, articles 28 et 29 ;
  • Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, article 4 ;
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;
  • Arrêté du 7 février 2007 pris en application de l’article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
  • Arrêté du 15 avril 2020 modifiant l’arrêté du 7 février 2007 modifié pris en application de l’article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
  • Circulaire du 11 février 1060 N° 463/FP du Premier ministre relative à l’abandon de poste par un fonctionnaire.

Réponse

Sur la caractérisation d’une situation d’abandon de poste

Le fonctionnaire est tenu à l’obligation de servir correspondant notamment à l’obligation d’effectuer son service dans le cadre du planning imposé par son employeur. L’abandon de poste constitue un manquement à cette obligation de servir et au devoir d’obéissance hiérarchique, tel que prévu à l’article 28 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983.

Le statut général de la fonction publique est toutefois quasiment muet à son propos. Seuls les articles 69 de la Loi du 11 janvier 1984 (FPE) et 88 de la Loi du 9 janvier 1986 (FPH) se contentent d’évoquer cette notion.

En dehors de la jurisprudence, la seule trace de la théorie de l’abandon de poste réside au sein de la Circulaire du 11 février 1960 qui précise que la radiation des cadres ou le licenciement peuvent, à partir de cette date, être prononcés sans accomplissement des formalités prescrites en matière disciplinaire.

Attention, l’abandon de poste ne saurait cependant résulter du seul constat de l’absence inexpliquée ou du refus de reprise des fonctions d’un agent. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être prononcée qu’à la condition qu’une mise en demeure soit adressée à l’agent, et que cette mise en demeure soit restée sans réponse (CE, 10 janvier 2000,
Boualaoui, n° 197591).

Dès lors qu’un agent n’occupe pas le poste auquel il est affecté, l’Administration doit ainsi lui adresser une mise en demeure préalable à la mesure de radiation des cadres (titulaires) ou des effectifs (contractuels). Cette formalité indispensable pourra ensuite, selon la réponse fournie par l’agent, permettre de le révoquer ou licencier sans appliquer les garanties disciplinaires.

Cette première étape est rappelée dans la Circulaire du 11 février 1960 : la mise en demeure « vise à provoquer la justification de l’absence ou le retour dans le service ». Son importance est donc capitale puisque l’irrégularité de la mise en demeure rendra impossible la constitution de l’abandon de poste et conduira à l’annulation de la mesure de radiation des cadres ou des effectifs.

Concrètement, et compte tenu des principes dégagées par le juge administratif dans sa jurisprudence Casagranda (CE, 11 décembre 1998, Casagranda, n° 147511-147512), l’Administration doit :

  • Adresser une mise en demeure prenant la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé par LRAR ou signifié par exploit d’huissier de justice. L’auteur de la mise en demeure doit être identifiable et le document doit être daté. La mise en demeure doit explicitement sommer l’agent de reprendre ses fonctions. Une lettre constatant l’absence de l’agent ou lui demandant des explications sur celle-ci ne pourra être considérée comme une mise en demeure régulière.
  • La mise en demeure doit exposer les griefs retenus à l’encontre de l’agent et les risques qu’il encourt (radiation des cadres ou licenciement, sans application des garanties disciplinaires).
  • La mise en demeure doit fixer un délai clair et ferme à l’agent pour rejoindre son poste. Ce délai doit être suffisamment pertinent pour permettre à l’agent de réagir dans les temps. Ainsi, ce délai doit être déterminé sans être trop court (délai raisonnable, apprécié au cas par cas).

L’envoi d’une mise en demeure préalable répondant à ces critères constitue une condition préalable indispensable à la régularité de la procédure pour abandon de poste.

Le juge administratif appréciera la présence de ces différents éléments, leur absence rendant illégale la décision de radiation des cadres (vice de procédure substantiel en ce qu’il prive les intéressés d’une garantie, au sens de la jurisprudence Danthony : CE, ass., 23 décembre 2011, n° 335033).

En conséquence, il conviendra de vous assurer que chacun de ces éléments figurait au sein des différents courriers émis. Ce n’est qu’après avoir satisfait à cette exigence, et acquis la certitude que l’agent souhaite rompre les liens avec le service, que votre établissement pourra prononcer sa radiation des cadres, sans qu’il soit besoin d’appliquer les garanties disciplinaires.

NOTA BENE : en tout état de cause, rappelons que l’envoi a posteriori d’un certificat médical, après l’expiration du délai fixé par l’Administration dans la mise en demeure, ne permet pas à l’agent de faire obstacle à sa radiation des cadres pour abandon de poste dès lors que celui-ci ne démontre pas l’impossibilité de justifier son absence avant le délai imparti (CE, 10 octobre 2007, n° 271020).

Sur la régularité de la notification en cas de non-retrait des courriers par l’agent

Régime juridique de droit commun

Sur le fondement de l’article 7 de l’Arrêté du 7 février 2007 pris en application de l’article R. 2-1 du Code des postes, la remise d’une LRAR fait courir le délai à la condition que la personne concernée soit présente, le pli lui étant remis directement. Dans le cas contraire, c’est la date du retrait dans le bureau de poste qui est prise en compte. Lorsque le destinataire ne retire pas le pli, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de l’intéressé.

En conséquence, le juge administratif considère que la mention « pli avisé et non réclamé » sur une lettre recommandée adressée par l’Administration à un agent public ne retire pas le caractère de la notification de la décision administrative (CE, 27 mars 1987, n° 53192).

De jurisprudence constante, le fait, pour le destinataire d’un pli recommandé, de ne pas le retirer n’empêche donc pas de considérer que ce courrier ait été régulièrement notifié : après expiration du délai de 15 jours calendaires, la LRAR est considérée comme ayant été notifiée au jour de sa présentation au domicile du destinataire (CE, 24 avril 2012, n° 341146 ; CAA Lyon, 22 octobre 2015, n° 13LY02448).

Ainsi, lorsque le destinataire refuse d’accepter ou ne va pas chercher un courrier recommandé auprès des services postaux, trois situations sont susceptibles de s’appliquer :

  1. Présent à son domicile lors de la distribution, l’agent refuse toutefois le courrier : la notification est réputée effectuée à la date du refus du pli (en ce sens : CE, 10 février 1975, n° 90811).
  2. Absent de son domicile lors du passage, l’agent retire le pli auprès du bureau de poste dans un délai de 15 jours : la notification est réputée effectuée à la date du retrait du pli au guichet.
  3. Absent de son domicile lors du passage, l’agent ne va pas retirer le pli dans le délai de 15 jours : la notification est réputée effectuée à la date du dépôt de l’avis de passage au domicile, soit à la date de première présentation par le facteur (CE, 09 novembre 1992, n° 132878).

Régime d’exception durant l’état d’urgence sanitaire (Covid-19)

Eu égard à la situation sanitaire, un Arrêté du 15 avril 2020 introduit des modalités dérogatoires de dépôt et de distribution des envois postaux. L’adaptation de ces procédures se substitue aux règles définies par l’Arrêté du 7 février 2007 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (à ce jour, jusqu’au 23 mai 2020).

Pendant cette même période, l’article 5 de l’ l’Arrêté du 7 février 2007 modifié prévoit désormais que : « Dans l’hypothèse où le destinataire est absent, le prestataire l’informe par tout moyen que l’envoi postal est mis en instance ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré [avec apposition de la mention « procédure spéciale covid-19 »] Les envois mis en instance depuis le 20 mars 2020 seront conservés en instance pendant une durée égale à la durée d’application de l’état d’urgence sanitaire déclaré à l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisé, allongée de quinze jours ouvrables. »

Les destinataires de courriers RAR disposent ainsi d’une prorogation temporaire du délai de retrait des plis mis en instance, par dérogation à la règle de retrait sous quinzaine.

En d’autres termes, votre agent ne pourra être regardé comme ayant été mis en demeure de reprendre ses fonctions (rétroactivement, à la date de première présentation) qu’à l’expiration du délai dérogatoire dont il dispose pour retirer les LRAR mises en instance (date de fin de l’état d’urgence sanitaire + 15 jours).

Conclusion

De jurisprudence constante, l’abandon de poste ne saurait être caractérisé que par l’absence de réponse de l’intéressé suite à une mise en demeure lui indiquant le risque d’abandon de poste, et à défaut de justification de son absence dans un délai raisonnable fixé par l’Administration (un délai compris entre 15 jours et un mois étant généralement préconisé, en l’état de la jurisprudence).

La notification régulière de cette mise en demeure s’avère déterminante pour la légalité de la procédure.

  • Lorsque ce courrier n’a pu lui être remis, l’agent dispose d’un délai de 15 jours pour le retirer auprès des services postaux : la mise en demeure est réputée lui avoir été notifiée à la date dudit retrait.
  • À l’expiration de ce délai de 15 jours, la mise en demeure sera réputée avoir été notifiée à la date de première présentation au domicile de l’agent par l’employé chargé de la distribution (date renseignée sur l’avis de passage).

Cependant, dans le cadre de la crise sanitaire, une prorogation exceptionnelle de ce délai s’applique à l’ensemble des courriers mis en instance à compter du 20 mars 2020 (Arrêté du 15 avril 2020 modifiant l’arrêté du 7 février 2007).

Sur ce fondement, votre agent disposera ainsi de 15 jours à compter de la fin de l’état d’urgence pour retirer les courriers de mise en demeure émis par votre établissement et placés en attente de retrait depuis le 20 mars.

Sauf à ce qu’il vienne retirer les plis litigieux avant cette échéance, ce n’est qu’à l’expiration de ce délai prorogé que votre agent sera réputé avoir été – rétroactivement – notifié de la procédure à laquelle il s’expose. Dans cette attente, l’absence de mise en demeure fait cependant obstacle à la mise en oeuvre d’une quelconque procédure pour abandon de poste (sans préjudice de la possibilité que conserve votre établissement d’opérer une retenue sur traitement ou d’engager une procédure disciplinaire du fait des absences injustifiées de l’intéressé).

Hors l’hypothèse où l’intéressé refuserait d’accepter les courriers lors de leur présentation à son domicile (notification effectuée à la date du refus) ou se rendrait en bureau de poste pour retirer ceux-ci (notification à la date de retrait), il s’ensuit que votre établissement ne peut mettre en oeuvre la procédure d’abandon de poste, l’ensemble des mises en demeure adressées depuis le 20 mars 2020 étant réputées ne pas avoir été notifiées.

Pendant cette même période, l’article 5 de l’ l’Arrêté du 7 février 2007 modifié prévoit désormais que : « Dans l’hypothèse où le destinataire est absent, le prestataire l’informe par tout moyen que l’envoi postal est mis en instance ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré [avec apposition de la mention « procédure spéciale covid-19 »] Les envois mis en instance depuis le 20 mars 2020 seront conservés en instance pendant une durée égale à la durée d’application de l’état d’urgence sanitaire déclaré à l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisé, allongée de quinze jours ouvrables. »

Les destinataires de courriers RAR disposent ainsi d’une prorogation temporaire du délai de retrait des plis mis en instance, par dérogation à la règle de retrait sous quinzaine.

En d’autres termes, votre agent ne pourra être regardé comme ayant été mis en demeure de reprendre ses fonctions (rétroactivement, à la date de première présentation) qu’à l’expiration du délai dérogatoire dont il dispose pour retirer les LRAR mises en instance (date de fin de l’état d’urgence sanitaire + 15 jours).

Conclusion

De jurisprudence constante, l’abandon de poste ne saurait être caractérisé que par l’absence de réponse de l’intéressé suite à une mise en demeure lui indiquant le risque d’abandon de poste, et à défaut de justification de son absence dans un délai raisonnable fixé par l’Administration (un délai compris entre 15 jours et un mois étant généralement préconisé, en l’état de la jurisprudence).

La notification régulière de cette mise en demeure s’avère déterminante pour la légalité de la procédure.

  • Lorsque ce courrier n’a pu lui être remis, l’agent dispose d’un délai de 15 jours pour le retirer auprès des services postaux : la mise en demeure est réputée lui avoir été notifiée à la date dudit retrait.
  • À l’expiration de ce délai de 15 jours, la mise en demeure sera réputée avoir été notifiée à la date de première présentation au domicile de l’agent par l’employé chargé de la distribution (date renseignée sur l’avis de passage).

Cependant, dans le cadre de la crise sanitaire, une prorogation exceptionnelle de ce délai s’applique à l’ensemble des courriers mis en instance à compter du 20 mars 2020 (Arrêté du 15 avril 2020 modifiant l’arrêté du 7 février 2007).

Sur ce fondement, votre agent disposera ainsi de 15 jours à compter de la fin de l’état d’urgence pour retirer les courriers de mise en demeure émis par votre établissement et placés en attente de retrait depuis le 20 mars.

Sauf à ce qu’il vienne retirer les plis litigieux avant cette échéance, ce n’est qu’à l’expiration de ce délai prorogé que votre agent sera réputé avoir été – rétroactivement – notifié de la procédure à laquelle il s’expose. Dans cette attente, l’absence de mise en demeure fait cependant obstacle à la mise en oeuvre d’une quelconque procédure pour abandon de poste (sans préjudice de la possibilité que conserve votre établissement d’opérer une retenue sur traitement ou d’engager une procédure disciplinaire du fait des absences injustifiées de l’intéressé).

Hors l’hypothèse où l’intéressé refuserait d’accepter les courriers lors de leur présentation à son domicile (notification effectuée à la date du refus) ou se rendrait en bureau de poste pour retirer ceux-ci (notification à la date de retrait), il s’ensuit que votre établissement ne peut mettre en oeuvre la procédure d’abandon de poste, l’ensemble des mises en demeure adressées depuis le 20 mars 2020 étant réputées ne pas avoir été notifiées.

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