Rappel de l'objet de la demande
Une aide-soignante titulaire de la fonction publique hospitalière (FPH) est, suite à l’avis du comité médical départemental, en congé de longue maladie (CLM) depuis plus un an. Vous précisez que le médecin du travail l’a déclarée apte à la reprise des fonctions à la fin de son CLM en septembre 2020.
Du fait de son absence pour raison de santé, l’agent a été informée qu’elle avait indûment perçu la prime « Grand âge ». L’intéressée conteste cette solution et argue du maintien de la prime sur le fondement du Décret n°2010-997. Elle soutient également que les primes versées lui demeurent acquises (étant rappelé qu’il n’était pas possible pour l’établissement de suspendre le versement de cette prime, dans l’attente de l’avis du comité médical).
L’établissement est-il fondé à à réclamer le remboursement de la prime « Grand âge », versée en intégralité à un aide-soignant pendant la durée de son CLM ?
Textes de référence
- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, article 20 ;
- Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, article 41 ;
- Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article 37-1 ;
- Décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- Décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 portant création d’une prime « Grand âge » pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- Circulaire n° RDFF1309975C du 11 avril 2013 relative au délai de la prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l’Etat en matière de rémunération de leurs agents.
Réponse
Sur le maintien de la prime « Grand âge » lors des congés pour raisons de santé.
De manière générale, il est rappelé qu’un fonctionnaire en congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée ne peut être considéré comme exerçant ses fonctions (CE, 28 décembre 2001, n°236161). Il ne saurait être question, dans ces conditions, d’inclure la totalité des éléments de la rémunération au sens de l’article 20 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
Or, contrairement à la fonction publique de l’Etat, pour lesquels le pouvoir réglementaire a prévu le maintien de certaines primes et indemnités durant les congés pour raisons de santé , aucune disposition ne fixe de telles règles de maintien dans la fonction publique hospitalière.
Le ministère de la fonction publique a cependant souligné que certains éléments de rémunération qui ne sont pas liés à l’exercice effectif des fonctions ou à la compensation des sujétions qu’il occasionne sont susceptibles d’être maintenus pendant ces congés (Rép. minist. QE n° 13338, JO A.N du 21/04/2003 – p. 3196).
La jurisprudence administrative retient elle-même cette distinction entre les indemnités liées au traitement ou inséparables des sujétions découlant tant du statut que de la qualification professionnelle, et les indemnités attachées à l’exercice effectif des fonctions. Ainsi, les agents ne disposent d’aucun droit acquis au maintien des primes et indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions durant un congé pour raisons de santé.
S’agissant de la prime Grand âge, l’article 3 du Décret n° 2020-66 précise que « la prime « Grand âge » est versée mensuellement à terme échu. Elle est réduite, le cas échéant, dans les mêmes proportions que le traitement. »
La prime suit le traitement et ne peut donc, en principe, être réduite que dans la proportion où le traitement lui- même est réduit.
Cependant, la dernière phrase de l’article 2 al.2 du Décret n° 2020-66 indique que pour pouvoir en bénéficier, les agents « exercent de manière effective les fonctions correspondant à leur corps et à leur grade ». La prime est ainsi liée à l’activité et à l’exercice des fonctions.
La FHF en a déduit que la prime Grand âge est une indemnité attachée à l’exercice des fonctions et n’a dès lors pas à être maintenue lors des congés pour raison de santé.
À ce jour, cette interprétation n’a toutefois pas encore été formellement confirmée. La prime Grand âge étant un dispositif récent, il reviendra donc au juge administratif de trancher cette question.
NOTA BENE : il y a toutefois lieu de souligner que l’article 3 du récent Décret n° 2020-1189 du 29 septembre 2020 (prime Grand âge des personnels territoriaux) semble confirmer l’interprétation selon laquelle cette prime appartient bien à la catégorie des indemnités attachées aux fonctions.
Sur la prescription de l’action en répétition de l’indu
La possibilité pour l’Administration de solliciter le remboursement d’un trop-perçu en matière de rémunération de leurs agents doit s’inscrire dans un délai précis. Pour les créances nées postérieurement au 30 décembre 2011, il convient de se référer aux dispositions de l’article 37-1 de la Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
Les créances sur les agents publics sont répétées dans un délai de 2 ans, nonobstant la circonstance que les paiements indus résultent d’une erreur de liquidation ou d’une décision créatrice de droits devenue définitive.
Le délai de réclamation du trop-perçu passe à 5 ans lorsque l’agent concerné n’a pas informé l’Administration du changement de situation ou a fourni des informations inexactes (délai de droit commun issu de la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 instaurant la prescription quinquennale).
En termes de computation, le point de départ de ce délai court à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné. Ce délai se répète à chaque nouveau paiement erroné (délai glissant).
D’un point de vue procédural, la demande de remboursement donne lieu soit à un titre exécutoire émis par l’Administration précisant les sommes trop perçues, soit à une retenue sur la rémunération de l’agent. L’autorité administrative doit tout mettre en œuvre pour procéder à la régularisation de la situation de l’agent public dans un délai raisonnable d’autant que la responsabilité du comptable pourra, elle aussi, être engagée du fait d’un manque de diligence pour recouvrer les recettes (Cour des Comptes, 24 juin 2004, n° 39760).
En effet, en maintenant le versement indu et en tardant à réclamer les sommes trop perçues, l’Administration commet une négligence constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, et ce même lorsque la créance n’est pas encore prescrite (CE, 12 octobre 2009, n° 300300).4
En pratique, la possibilité de récupérer les sommes indument versées par le biais d’une retenue sur les traitements futurs de l’agent demeure toutefois encadrée quant à l’assiette des sommes pouvant être recouvrées : en effet, cette retenue ne peut s’opérer que dans la limite et sur les sommes constituant la part saisissable du traitement.
De surcroit, l’agent doit impérativement être informé de l’échéancier des remboursements. À ce titre, sur demande de l’intéressé ou à l’initiative de votre établissement, soulignons qu’il est pleinement possible d’organiser un report ou un rééchelonnement du remboursement des sommes constitutives d’un trop-perçu (votre établissement disposant, à cet égard, d’une certaine latitude afin de tenir compte des situations individuelles).
Conclusion
En cas de congés de maladie, aucune disposition générale ne prévoit le maintien des primes et indemnités dans la FPH. Le Décret n° 2010-997 du 26 août 2010 n’est applicable qu’aux fonctionnaires de l’Etat.
Dans la mesure où les agents ne disposent d’aucun droit acquis au maintien des primes et indemnités liées à l’exercice des fonctions durant un congé pour raisons de santé, la prime « Grand âge » doit en théorie être suspendue au cours de ces périodes d’arrêt (sous réserve de l’interprétation contraire de la jurisprudence, le versement de cette prime est subordonné à l’exercice effectif des fonctions).
En conséquence, le maintien de cette prime au cours d’un CLM est susceptible de donner lieu à un indu de rémunération dont votre établissement est fondé à réclamer le remboursement dans un délai de 2 ans (point de départ du délai : 1er jour du mois suivant celui du paiement indu).
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