Rappel de l'objet de la demande
Un établissement souhaite mettre en place une activité de médiation équine. L’activité sera menée par une psychologue du DAME. C’est elle qui interviendra auprès des chevaux pour guider et mener l’activité. Une éducatrice du DAME accompagnera un groupe de 3 à 4 jeunes. C’est cette dernière qui sera en responsabilité de l’accompagnement des jeunes. La psychologue a suivi une formation (dans le cadre du plan de formation de votre établissement), intitulée « compétences fondamentales en médiation équine », attestation en pièce jointe et dispose de son Galop 7 et d’une licence de cavalière auprès de la FFE. L’activité aurait lieu chez un particulier (accessoirement les parents de la psychologue) qui vous mettrait à disposition ses chevaux. Il ne seront pas montés, mais promenés et brossés.
- L’activité d’un DAME peut-elle se dérouler chez un particulier ou doit-elle nécessairement se faire dans un lieu habilité à recevoir du public ?
- Si elle se fait chez un particulier, en cas d’incident, quelles sont les responsabilités de chacune des parties ?
- Si une telle activité ne peut pas se faire chez un particulier mais dans un centre équestre, peut-elle être menée par la psychologue et accompagnement de l’éducatrice, ou le centre équestre doit-il mettre à disposition de l’établissement un salarié ?
- Si elle se fait chez un particulier l’établissement souhaite établir une convention. Dans ce cas, quels sont les éléments importants à y faire paraître, telles que les vaccinations des animaux et la responsabilité civile du fait chevaux par exemple ?
Textes de référence
- Code de l’action sociale et des familles (CASF) : articles L. 311-3, L. 312-1, D. 312-11, et D. 312-12 ;
- Code rural et de la pêche maritime (CRPM) : articles L. 211-10-1, D. 214-37-1 ;
- Code civil (CC) : article 1243 ;
- Décret n° 2022-1012 du 18 juillet 2022 relatif à la protection des animaux de compagnie et des équidés contre la maltraitance animale ;
- Arrêté du 29 décembre 2022 listant les diplômes, titres et certificats permettant aux détenteurs professionnels d’équidés d’attester de leur connaissance des besoins de l’espèce.
Réponse
La médiation animale ou la zoothérapie a pu être reconnue par la Haute Autorité de Santé comme une méthode d’intervention thérapeutique non médicamenteuse « utilisée comme auxiliaire aux thérapies conventionnelles où l’animal joue un rôle d’intermédiaire entre le thérapeute et la personne ciblée. L’animal est ici considéré comme un adjoint thérapeutique »
Cette médication implique l’intervention de professionnels, notamment des zoothérapeutes, ayant suivi une formation particulière et nécessite de mettre en place des objectifs et des évaluations.
Bien que certaines études ont pu montrer le bénéfice apporté par la médiation animale en établissement santé ou médico-social, il n’existe à ce jour aucun régime juridique permettant son encadrement, qu’elle soit réalisée au sein de l’établissement en charge des usagers, ou au domicile de ces derniers.
Pour autant, il n’y est fait aucune interdiction. Certaines dispositions légales et recommandations de bonnes pratiques permettent toutefois de déterminer une tendance juridique et de délimiter un cadre propre à la médiation animale.
Obligations de l’établissement dans le cadre d’une médiation équine
L’obligation de sécurité de l’établissement
Les établissements et services qui accueillent et accompagnent des enfants, des adolescents présentant un déficit intellectuel, sont tenus auprès de ces derniers, comme tout établissement social ou médico-social, d’une obligation de sécurité de moyens.
Ainsi, la mise en en place d’une activité de médiation équine par un établissement médico-social peut entraîner l’engagement de sa responsabilité et/ou de ses professionnels en cas de dommage survenu sur la personne de l’usager, mais aussi pour les dommages causés par celui-ci.
Les missions accomplies par un établissement médico-éducatif sont déclinées à l’article D. 312-12 du CASF :
« L’accompagnement mis en place au sein de l’établissement ou du service tend à favoriser l’épanouissement, la réalisation de toutes les potentialités intellectuelles, affectives et corporelles, l’autonomie maximale quotidienne et sociale des enfants ou des adolescents accueillis. Il a également pour objectif d’assurer leur insertion dans les différents domaines de la vie, la formation générale et professionnelle. Cet accompagnement peut concerner les enfants adolescents aux différents stades de l’éducation précoce et, selon leur niveau d’acquisition, de la formation préélémentaire, élémentaire, secondaire et technique. Les missions de l’établissement ou du service comprennent :
- L’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de l’enfant ou de l’adolescent ;
- Les soins et les rééducations ;
- La surveillance médicale régulière, générale ainsi que de la déficience et des situations de handicap ;
- L’établissement d’un projet individualisé d’accompagnement prévoyant :
- a) L’enseignement et le soutien permettant à chaque enfant de réaliser, dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation, en référence aux programmes scolaires en vigueur, les apprentissages nécessaires
- b) Des actions tendant à développer la personnalité de l’enfant ou de l’adolescent et à faciliter la communication et la socialisation. »
Dans le cadre d’un contentieux, les juridictions retiennent à l’égard des établissements et professionnels une obligation de surveillance des personnes accueillies, en vertu de leur obligation de sécurité de moyens.
L’obligation de surveillance et l’organisation d’ateliers thérapeutiques
Comme énoncé en amont, il n’existe à ce jour aucun régime juridique propre à l’organisation d’ateliers thérapeutiques telles que la médiation équine à destination des usagers.
Par conséquent, il est nécessaire de se référer au droit commun en matière de responsabilité pour la réalisation d’une médiation animale, que celle-ci se déroule au sein de l’établissement, à l’extérieur, ou chez un particulier.
Ainsi, l’obligation de surveillance à la charge de l’établissement dans le cadre d’un atelier thérapeutique ou d’un médiation animale sera appréciée selon deux critères :
- Au regard du public concerné (pathologie des usagers, degré d’autonomie, etc) ;
- Au regard de la nature de l’activité organisée.
Concernant le premier critère d’appréciation, le juge tient compte de l’âge de l’usager, de ses capacités avérées (physiques comme intellectuelles) et du fait que la prise en charge visait justement à développer son autonomie pour exclure la faute de l’établissement. Ce fut notamment le cas, par exemple, lors d’une sortie piscine ; les usagers ne se baignant pas étaient visibles depuis le bassin depuis lequel le moniteur encadrait les autres usagers lors de la baignade, et rien dans le comportement habituel de la victime ne permettait d’anticiper sa mise en danger.
Concernant le second critère d’appréciation et notamment dans le secteur médico-social, le juge a reconnu l’absence de faute de l’établissement après la blessure à l’oeil d’un enfant lors « d’un exercice couramment pratiqué » et dans la mesure où l’agent chargé de la surveillance – qui avait donné toutes les consignes appropriés – n’avait pas pu réagir à temps en raison de la soudaineté du faux mouvement de l’adolescent. La soudaineté, la maladresse ou encore le caractère précipité et involontaire de l’acte sont des éléments pris en compte par les juges dans l’appréciation d’une faute de surveillance.
L’appréciation de la situation litigieuse s’effectue donc au par cas
Focus sur l’organisation d’une médiation équine
Dans la mesure ou cette activité implique un contact entre les usagers et les animaux, il est question de s’interroger quant à la part de responsabilité du fait des comportements des chevaux, parfois imprévisibles, et susceptibles de mettre en danger les usagers.
Par analogie avec le secteur sanitaire, une nuance est alors à apporter quant à l’engagement de la responsabilité de l’établissement à la décharge des co-organisateurs de l’activité thérapeutique. En effet, a été reconnue la responsabilité du centre équestre, spécifiquement dans le cadre d’un activité équestre à visée thérapeutique ou « d’équithérapie ».
Dans cette affaire, un patient atteint d’une trisomie 21, qui vivait au sein d’une institution spécialisée pour les majeurs handicapés mentaux gérée par une association, a participé à une séance d’équitation à visée thérapeutique au sein d’un centre équestre, co-organisateur de l’atelier. Alors que le patient montait un cheval dans le manège, sous la direction d’un maître de manège du centre hippique, ledit cheval s’est soudain cabré et l’a précipité à terre. Le patient, victime d’une fracture tassement de la vertèbre L1, a été atteint d’une paraplégie totale d’emblée. En l’espèce, la Cour d’appel a estimé que :
« Attendu, à supposer que l’association l’ARCHE ait accepté le risque encouru par les adultes handicapés dont elle a la charge lorsqu’ils effectuent une activité d’équithérapie, étant observé qu’elle n’a pas fait participer les dits adultes handicapés mentaux à une activité ludique ou sportive mais à une activité à visée thérapeutique, dont l’objectif est d’apporter une amélioration à l’état du handicapé dans le cadre de projets thérapeutiques individualisés déterminés en concertation, et non de l’exposer à un risque quelconque, que pour autant, cette acceptation du risque, qui n’émane pas de celui qui pratique l’activité et qui a été victime de l’accident, mais d’un tiers qui organise en concertation la dite activité sans avoir la qualité de civilement responsable de la victime ni exercer un quelconque contrôle sur celle-ci lors de l’exercice d’équitation, ne constitue pas le fait d’un tiers susceptible d’exonérer, fut-ce partiellement, l’association CENTRE EQUESTRE SAINT-VICTOR de sa responsabilité présumée du fait de l’animal, puisque la dite acceptation du risque, qui n’est pas celle de la victime, n’a pas eu de rôle actif dans la réalisation de l’accident. »
Ainsi, en cas d’accident qui surviendrait durant un atelier thérapeutique équestre du fait d’une réaction brutale de l’animal, les particuliers pourront voir leur responsabilité engagée du fait des chevaux qui leur appartiennent, dans la mesure ou l’acceptation du risque par votre établissement et par l’usager n’auront aucun rôle actifs dans la réalisation de l’accident.
A noter que dans ce cadre, le fait d’inscrire dans une convention la mention selon laquelle l’établissement prend à sa charge la garantie du risque à l’égard des usagers ne pourra pas à elle seule exonérer les propriétaires des chevaux de leur responsabilité (qui serait alors engagée sur le fondement de droit commun de responsabilité du fait des choses et des animaux dont le propriétaire a la garde).
Les obligations relatives aux usagers
Conformément aux recommandations du REPIAS précédemment citées, l’établissement est tenu de prendre certaines mesures d’hygiène afin de limiter le risque d’infection liée au contact entre l’animal et l’usager.
Que l’activité soit réalisée au sein de l’établissement ou chez un particulier, il lui appartient de tout mettre en oeuvre pour sauvegarder le bénéfice de la médiation animale en limitant le risque lié à l’hygiène, auprès des professionnels et des usagers, notamment en ce qu’un tel projet présente un risque de déclaration de zoonose pour lesquels l’établissement pourra voir sa responsabilité engagée.
Dans ce cadre, il appartient à l’établissement de procéder à une vérification méticuleuse de l’état de santé et de la personnalité des animaux. En effet, ceux-ci doivent ne pourront participer à la médiation que sur le fondement d’une bonne santé clinique, et d’un suivi vétérinaire régulier. De plus, les chevaux doivent être calmes, dociles, non bruyants et éduqués afin de limiter le risque de dommage.
Au surplus, il appartient à l’établissement, postérieurement à une conciliation avec les propriétaires des animaux, de déterminer le lieu et les conditions dans laquelle l’activité pourra être réalisée, fondé sur des critères de sécurité pour les usagers, les professionnels, ainsi que l’animal.
Les obligations relatives au personnels encadrant et aux particuliers propriétaires de chevaux
Dans le cadre de la médiation animale, le Réseau de Prévention des Infections et de l’Antibiorésistance (REPIA) recommande des mesures selon lesquelles l’établissement est tenu de définir le membres du personnel responsables des animaux, du suivi vétérinaire, de l’entretien de l’animal et des espaces où il évolue. Aussi, il appartient à l’établissement d’avoir recours à des professionnels de la médiation animale afin d’assurer un réel bénéfice aux usagers.
En effet, à l’égard des professionnels encadrants, et selon l’article D. 214-37-1 du CRPM :
« Toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle, est au contact direct d’un équidé, atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce en justifiant :
- Soit d’une expérience professionnelle au contact direct d’équidés, d’une durée minimale de dix-huit mois au moment de l’acquisition ;
- Soit de la possession d’un diplôme, titre ou certificat figurant sur une liste publiée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; ».
Dans ce cadre, eu égard à la formulation de ces dispositions applicables aux propriétaires, celles-ci on vocation à s’étendre aux professionnels de votre établissement encadrant la médiation équine. Ces derniers doivent être en possession d’un titre ou d’un diplôme figurant au sein de la liste publiée par l’Arrêté du 29 décembre 2022.
Par ailleurs, d’autres dispositions ont vocation à s’appliquer plus particulièrement aux propriétaires des animaux. L’établissement doit alors se conformer aux disposions énoncées par l’article L. 211-10-1 du CRPM, qui énonce que :
« Tout détenteur d’un équidé atteste de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. Lorsque la détention ne relève pas d’une activité professionnelle, l’attestation prend la forme d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce, signé par le détenteur.»
Selon l’article D. 214-37-1 du CRPM, ce certificat est signé par le détenteur de l’équidé et comporte une mention manuscrite par laquelle il s’engage expressément à respecter les besoins de l’animal. Il précise :
- Les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux, y compris en cours de transport, en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques ;
-
Les obligations relatives à la traçabilité et à l’identification de l’animal ainsi qu’aux conditions de transport ;
-
Les implications financières et logistiques liées à la satisfaction des besoins physiologiques, comportementaux et médicaux tout au long de la vie de l’équidé.
Dans ce cadre, eu égard à votre situation, il convient pour l’établissement de s’assurer :
- Que les professionnels de votre établissement encadrant l’activité son effectivement détenteur des certifications et compétences pour assurer le contact direct avec l’animal en toute sécurité ;
- Que les particuliers propriétaires des animaux détiennent effectivement ce certificat conforme aux présentes dispositions.
La mise en oeuvre de la convention
Considérant l’absence de cadre juridique lié à la mise en oeuvre de la médiation animale par les établissements de santé et médico-sociaux, la rédaction d’une convention entre ceux-ci et les co-organisateurs détenteurs des animaux s’organise sous l’angle de la liberté contractuelle.
Toutefois, par analogie avec le secteur sanitaire, une convention type énoncé à l’annexe 11-1 du CSP s’appliquant pour les bénévoles accompagnant les personnes en soins palliatifs, a vocation à s’appliquer plus largement aux bénévoles intervenant dans les établissements de santés, sociaux et médicaux sociaux.
Dans ce cadre, la médiation équine résultant d’une mise à disposition des animaux par les propriétaires auprès des usagers, il apparait opportun de se rapporter à ce modèle , déclinant 11 articles qui permettent de déterminer les modalités d’organisation de la médiation au sein de l’établissement, ou chez les propriétaires des animaux.
Aucun article ne doit obligatoirement figurer au sein de la convention
Ainsi, y seront utilement précisés les éléments généraux suivants :
- La nature de l’activité ayant vocation à être réalisées ;
- Le ou les lieux d’exécution desdites activités (au sein de l’établissement ou chez les particuliers propriétaire des chevaux) ;
- Les horaires auxquels l’activité est susceptible d’être réalisée ;
- La date d’effet, la durée de la convention et ses modalités de rupture (forme, délai…).
Surtout, la convention constitue l’outil permettant de matérialiser juridiquement les obligations réciproques entre les particuliers et l’établissement d’accueil de l’usager.
Il est ainsi nécessaire d’y faire figurer que les particuliers :
- Lorsque l’activité se déroule au sein de l’établissement, que ceux-ci s’engagent à mettre à disposition leurs animaux dans le respect du règlement intérieur ainsi que celui des règles éthiques (respect des droits des usagers) et de fonctionnement (telles les normes d’hygiène et de sécurité) en vigueur dans l’établissement ou la structure ;
- S’engagent à remettre toute information relative au suivi vétérinaire des animaux et au comportement de ces derniers avec le public.
En contrepartie, il pourra être stipulé que l’établissement :
- Lorsque l’activité se déroule chez les particuliers, s’engage à s’être assuré du respect des normes d’hygiène et de sécurité pour le bon déroulement de la médiation ;
- S’engage à faire encadrer la médiation par des professionnels de l’établissement qualifiés ;
- Désigne un référent, correspondant et/ou coordonateur afin d’assurer l’organisation de la médiation et la liaison avec les professionnels, les usagers et les particuliers ;
- Lorsque l’activité se déroule au sein de l’établissement, s’engage à remettre aux particuliers tout document ou support susceptible de favoriser l’activité (règlement intérieur, charte du patient/ usager…) ;
- S’engage à prendre les dispositions matérielles nécessaires à la réalisation de la médiation ;
- Peut rembourser, sur présentation des justificatifs idoines, certaines dépenses autorisées engagées par les particuliers ayant mis leurs chevaux à disposition, sauf renonciation de leurs part.
Au surplus, il apparait opportun de faire figurer au sein de la convention certaines garanties assurantielles. Dans l’hypothèse selon laquelle la responsabilité de l’établissement serait engagée, la réparation des dommages qui vous incombent dépendra de votre contrat d’assurance et des garanties couvertes par celui-ci. L’assureur ne faisant qu’appliquer le contrat souscrit, ce n’est que si la situation entre dans le champ d’application de votre police d’assurance que celui-ci sera en mesure de l’indemniser.
En cas de doute à cet égard, il reste opportun de procéder à une déclaration de l’activité de médiation animale, afin que l’assureur ne puisse vous opposer la non-déclaration d’un sinistre dans les délais.
Au besoin, il vous faudra souscrire une police d’assurance complémentaire afin de ménager une couverture assurantielle spécifique à ce risque, et ainsi vous prémunir d’une exclusion de garantie pour ce type d’activités hors les murs de votre établissement.
Il convient donc d’établir une convention détaillée avec le particulier propriétaire des chevaux, couvrant tous les aspects de responsabilité, d’assurance, et de sécurité. En suivant ces recommandations, l’établissement pourra mettre en place une activité de médiation équine sécurisée et conforme aux réglementations pour les jeunes participants.
Demande de démonstration
Contenu protégé