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Isolement et OPP : quelles marges de manœuvre en psychiatrie ?

Rappel de l'objet de la demande

Est-il possible d’isoler un mineur ou l’hospitaliser en secteur adulte faute de place ? Si la décision médicale prime, le cadre légal de l’OPP fixe des limites strictes. Quelles sont les conditions cumulatives et les recommandations essentielles pour gérer ce type de situations ?

Textes de référence

• Code civil (CC) : articles 375 à 375-9 ;
• Code de procédure civile (CPC) : articles 1181 à 1192 ;
• Code de la santé publique (CSP) : articles L.2212-7, L3222-5-1, R.6123-175, R.6123-191 et R.6123-200 ;
• Décret n° 2022-1263 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions d’implantation de l’activité de psychiatrie ;
• Instruction N° DGOS/R4/2022/257 du 2 décembre 2022 relative à la mise en œuvre de la réforme des autorisations de l’activité de psychiatrie ;
• Ministère de la santé : L’ordonnance de placement provisoire ;
• Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport sur « l’isolement et la contention dans les établissements de santé mentale », 2016
• Haute autorité de santé, « Isolement en psychiatrie générale », synthèse de la recommandation de bonne pratique, février 2017 ;
• Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport sur « les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale », 2017 ;
• Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport sur « les droits fondamentaux des mineurs enfermés », 2021.

Réponse

À titre liminaire,

Pour rappel la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance. En dessous de cet âge, la personne est considérée comme mineure et reste sous l’autorité parentale.

Deux exceptions à ce principe peuvent être recensées :
Le cas du mineur émancipé : Tel est le cas lorsque le mineur est marié où que, à l’âge de ses 16 ans, il en fait la demande.
Le cas du majeur protégé : La personne est majeure (plus de 18 ans) mais se retrouve dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

❖ L’ordonnance de placement provisoire (OPP)

L’OPP est une des mesures de protection pouvant être décidée lorsque les conditions de l’éducation de l’enfant sont gravement compromises ou que sa santé, sécurité, ou moralité sont en danger.

L’article 375-5 du Code civil dispose que :

« A titre provisoire mais à charge d’appel, le juge peut, pendant l’instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation, soit prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4.

En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Si la situation de l’enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d’hébergement des parents, sauf à les réserver si l’intérêt de l’enfant l’exige.

Lorsqu’un service de l’aide sociale à l’enfance signale la situation d’un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné.

Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant, qu’il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d’accueil adaptées. (…) »

Lorsqu’un mineur est en situation de danger, le juge des enfants peut prononcer un placement provisoire dans une structure d’accueil – comme un CDEF, une famille d’accueil, ou tout autre lieu sécurisé. Cette décision est fondée sur les éléments d’urgence, l’intérêt supérieur de l’enfant, et peut être réévaluée périodiquement.

Le cas de l’unité mixte

Afin de limiter toute problématique pouvant toucher à la tranche d’âge 16/18 ans (le passage à l’âge adulte, le rapport à la scolarisation et aux études, l’apparition de premiers symptômes psychotiques…), il peut être possible de proposer une unité mixte, regroupant ainsi des jeunes adolescents et des jeunes adultes. Pour ouvrir de telles unités, le titulaire doit être autorisé pour les deux mentions (de l’adulte et de l’enfant et de l’adolescent). Là encore, le patient mineur ne pourra partager de chambre avec le patient adulte.

Les mesures d’assistance éducative sont prises par le juge des enfants du lieu où demeure, selon le cas, l’un des parents, le tuteur du mineur ou de la personne, ou le service à qui l’enfant a été confié.

L’ordonnance de placement provisoire a une durée de 6 mois. Elle peut être prorogée de la même durée après avis du procureur de la République.

Le placement d’un mineur peut se faire dans différents types de structures, y compris médico-sociales ou sanitaires lorsque cela s’avère nécessaire pour le mineur (tel est le cas par exemple d’une unité de soins psychiatriques d’un EPS). Lorsqu’un mineur est admis dans une telle unité à la suite d’une OPP, celui-ci est soumis au régime prévu par le Code de la santé publique.

❖ Concernant l’isolement d’un patient mineur

Conformément au Code de la santé publique, l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Ces mesures ne peuvent être prises que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

Il est précisé que ces mesures doivent être prise « sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ».

En ce sens, l’article L.3222-5-1 du CSP accorde la possibilité de placer un patient hospitalisé sans son consentement en isolement ou contention. Il n’est pas précisé des conditions d’âge. Le Sénat a déjà eu l’occasion de rappeler que ledit article « n’interdit nullement la pratique de la contention et de l’isolement sur les mineurs admis pour des soins psychiatriques et ne prévoit aucune disposition spécifique les concernant ».

Ainsi, les modalités d’isolement et de contention prévues par le Code de la santé publique sont les mêmes pour les patients mineurs que les patients majeurs. En cas de placement en isolement ou contention du mineur, il conviendra de prévenir les responsables de l’autorité parentale.

Dans une recommandation publiée dans un rapport sur les droits fondamentaux des mineurs enfermés, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, précise que : « L’isolement psychiatrique d’un enfant ou d’un adolescent doit être évité par tout moyen ; cette pratique ne doit en aucun cas pallier l’absence de structure d’accueil adaptée à son âge ».

Lorsque l’isolement ne peut être évité, le patient mineur doit être informé de la décision avec la remise d’un support écrit précisant ses droits. Les mêmes informations doivent être affichées dans la chambre d’isolement. Enfin, dans un rapport sur les droits des mineurs en établissement de santé, le CGLPL est également venu préciser que :

« Les unités recevant des mineurs devraient bénéficier d’une chambre d’apaisement permettant une mise à l’écart sans enfermement et dans des conditions de confort. La nécessité de disposer d’une chambre d’isolement devrait être réfléchie en équipe, dans le cadre du projet médical. Les chambres d’isolement devraient être exclues des unités recevant des enfants de moins de 13 ans. Les équipes de psychiatrie infanto-juvéniles devraient recevoir une formation spécifique, destinée à prévenir les crises et à y répondre par d’autres moyens que le placement en chambre d’isolement. Les représentants légaux doivent être informés de l’existence d’une chambre d’isolement et des modalités de son utilisation ; lorsque la mise à l’isolement est effective, ils doivent être informés dans les meilleurs délais. »

❖ Concernant l’unité d’hospitalisation du mineur

Le Décret du 22 septembre 2022 est venu instaurer, au sein du Code de la santé publique, une section concernant l’activité de psychiatrie. En ce sens, l’article R.6123-175 de ce Code distingue l’activité en psychiatrie selon quatre mentions :

1. La mention « psychiatrie de l’adulte » assurant les prises en charge de l’adulte ;
2. La mention « psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent » assurant les prises en charge de l’enfant et de l’adolescent de la naissance à l’âge de dix-huit ans (soit dix-sept ans révolus) ;
3. La mention « psychiatrie périnatale » organisant les soins conjoints parents-bébés, dès l’antéconceptionnel et le prénatal ;
4. La mention « soins sans consentement » assurant les prises en charge dans le cadre d’hospitalisation sans le consentement du patient.

Ce Décret est également venu modifier l’article R.3221-1 du Code de la santé publique indiquant les secteurs psychiatriques prévus. Ceux-ci sont au nombre de trois :

Secteur Version en vigueur du 1er avril 2010 au 1er juin 2023 Version à partir du 1er juin 2023
Secteur 1 Secteur de psychiatrie générale lorsqu’ils répondent principalement aux besoins de santé mentale d’une population âgée de plus de seize ans. Secteurs de psychiatrie de l’adulte lorsqu’ils répondent principalement aux besoins de santé mentale d’une population âgée de plus de dix-huit ans.
Secteur 2 Secteur de psychiatrie infanto-juvénile lorsqu’ils répondent aux besoins de santé mentale des enfants et adolescents ; chaque secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie générale. Secteurs de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent lorsqu’ils répondent aux besoins de santé mentale des enfants et adolescents ; chaque secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie de l’adulte.
Secteur 3 Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire lorsqu’ils répondent aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d’une région pénitentiaire. Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire lorsqu’ils répondent aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d’une région pénitentiaire.

 

Concernant la prise en charge de l’enfant de 16 à 18 ans en secteur adulte

Depuis la publication du Décret susvisé, la psychiatrie générale impliquant la prise en charge de l’adulte ne peut s’effectuer, par principe, que pour les patients âgés de plus de 18 ans, c’est-à-dire les patients majeurs.

Cependant, et à titre exceptionnel, il est possible pour le titulaire de l’autorisation de la mention « psychiatrie de l’adulte » d’accueillir des patients mineurs âgés de 16 ans et plus.

Cette prise en charge reste néanmoins encadrée. En effet, l’article R.6123-191 du Code de la santé publique précise que cette prise en charge ne peut se faire qu’en fonction des besoins de prise en charge. Ces besoins de prise en charge sont détaillés au sein de l’Instruction du 2 décembre 2022, laquelle précise que ces besoins peuvent être appréciés « notamment dans les situations d’urgence ou en l’absence de place disponible dans un établissement autorisé en ’’psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent’’».

Lors de son hospitalisation en secteur adulte, « Le patient mineur ne peut partager sa chambre avec un patient majeur [et sa] sécurité […] doit spécifiquement être organisée par la direction de l’établissement.».

Dès que possible, le titulaire de l’autorisation de la mention « psychiatrie de l‘adulte » accueillant un mineur devra organiser le relai vers une prise en charge dans un service de « psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent » ou dans une unité dite mixte.

ATTENTION : Il convient de préciser que cette exception ne pourra pas s’appliquer pour le patient âgé de moins de 16 ans. En effet, dans une réponse ministérielle, le ministère de la santé et de la prévention est venu préciser que « les nouveaux textes indiquent que jusqu’à seize ans un mineur est obligatoirement pris en charge dans un établissement titulaire d’une autorisation à la mention ’’psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent’’ ».

NOTA BENE : Cette exception s’applique également en cas de soins sans consentement. Ainsi, tout patient âgé de plus de 16 ans pourra être pris en charge par un titulaire de la mention « soins sans consentement » et de la mention « psychiatrie de l’adulte ». Le titulaire devra néanmoins disposer d’une convention établie avec un titulaire de la mention « psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent » prévoyant les modalités de prise en charge et de transfert du patient.

Le cas de l’unité mixte

Afin de limiter toute problématique pouvant toucher à la tranche d’âge 16/18 ans (le passage à l’âge adulte, le rapport à la scolarisation et aux études, l’apparition de premiers symptômes psychotiques…), il peut être possible de proposer une unité mixte, regroupant ainsi des jeunes adolescents et des jeunes adultes. Pour ouvrir de telles unités, le titulaire doit être autorisé pour les deux mentions (de l’adulte et de l’enfant et de l’adolescent). Là encore, le patient mineur ne pourra partager de chambre avec le patient adulte.

Pour ouvrir de telles unités, le titulaire doit être autorisé pour les deux mentions (de l’adulte et de l’enfant et de l’adolescent). Là encore, le patient mineur ne pourra partager de chambre avec le patient adulte.

 

Conclusion

• Est-il possible de placer un mineur en chambre d’isolement (et/ou contention) dans le cadre d’une OPP ? Il est précisé que son état de santé le nécessite (décision médicale).

OUI. Un mineur peut être placé en chambre d’isolement dans les mêmes conditions qu’un patient majeur. Les autorités administratives précisent néanmoins que de telles pratiques doivent intervenir en dernier recours. Ce placement devra être évité par tout moyen et ne pourra, en aucun cas, être réalisé sur un mineur de moins de 13 ans.

• De même, peut-il être placé en secteur adulte, faute de place et de chambre d’isolement dans un secteur enfant et adolescent ? Quelles sont les conditions / recommandations à respecter dans ce cadre (secteur adulte / OPP) ?

OUI. Néanmoins, plusieurs conditions devront être également remplies :
‣ Le mineur devra avoir au maximum 16 ans (en dessous de cet âge, il ne pourra pas être placé en secteur adulte) ;
‣ L’établissement devra être également titulaire de la mention « psychiatrie de l’adulte » ;
‣ Le placement devra se faire soit en cas d’urgence soit en cas d’absence de places disponibles dans le secteur « psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent » ;
‣ Le patient mineur ne pourra partager sa chambre avec un patient majeur.

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