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Droit de retrait dans la fonction publique dans le cadre de la crise sanitaire

Le droit de retrait est-il applicable dans la fonction publique hospitalière ?

La loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 a reconnu à tout salarié un droit d’alerte et de retrait face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Cette loi a été insérée dans le code du travail.

Ainsi, l’article L4131-1 du code du travail défini le droit de retrait comme la situation dans laquelle le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Dans cette hypothèse, le salarié peut se retirer d’une telle situation.

Le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 a introduit le dispositif du droit de retrait dans la fonction publique d’État, assurant ainsi la transposition de la directive-cadre n°89/391/CEE du 12 juin 1989 relative à la protection de la santé et de la sécurité au travail.
Concernant la fonction publique hospitalière, l’article L. 4111-1 du code du travail prévoit que les dispositions relatives au droit de retrait dans le code du travail sont également applicables aux aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi qu’aux groupements de coopération sanitaire de droit public mentionnés au 1° de l’article L. 6133-3 du code de la santé publique.

Quelles sont les conditions du droit de retrait?

Le droit de retrait peut s’exercer à deux conditions :

  1. Si la situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié/agent;
  2. Si l’agent/salarié constate une défectuosité dans les systèmes de protection.

Un danger est « grave » s’il représente une menace pour la vie ou la santé du travailleur. A ce titre, la dernière circulaire relative au droit de retrait du 12 octobre 2012 précise que « la notion de danger grave et imminent est entendue, par référence à la jurisprudence sociale, comme étant une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l’agent, c’est-à-dire une situation de fait pouvant provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de la personne »

Il est « imminent » si le risque peut survenir immédiatement ou dans un délai proche. Au regard des connaissances et expériences du salarié, celui-ci doit apprécier si la situation présente pour lui un danger « grave » et « imminent » pour sa vie ou sa santé. Par ailleurs, la mise à disposition de moyens de protection individuelle adaptés, dans un environnement de travail dangereux, doit être prise en compte comme de nature à limiter le recours à ce droit.

NOTA BENE : Le juge apprécie in concreto chaque situation. Il peut notamment tenir compte de l’âge du salarié, de son état de santé, de sa qualification ou encore de son expérience professionnelle.

Ainsi, les possibilités de recours à l’exercice du droit de retrait sont fortement limitées pour le coronavirus, dès lors que l’employeur a pris les mesures de prévention et de protection nécessaires, conformément aux recommandations du gouvernement (notamment par la mise en place de mesures barrières).

Existe t-il un droit de retrait pour le personnel médical ?

Au delà des deux conditions nécessaires à l’exercice du droit de retrait citées précédemment, s’agissant de l’hypothèse d’un droit de retrait pour le personnel médical, il est nécessaire de préciser que la mise en œuvre du droit de retrait d’un poste de travail se doit également de ne pas faire obstacle à l’obligation de continuité du service public. (Circulaire n° 5564 du 6 juin 1983 relative à l’application de certaines dispositions de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux CHSCT, BO n°83/26)

Or, il a pu être jugé que les personnels exposés au risque de contamination du fait de la nature de leur mission ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de la pandémie. En effet, les juges ont retenu que l’admission dans un établissement hospitalier de malades porteurs du VIH ou de l’hépatite virale B ne présentait pas, par elle-même, le caractère d’un danger grave et imminent justifiant un droit de retrait dès lors qu’un tel établissement, en raison même de sa mission, doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents et pour les tiers. (Hadjab et autre C/ Administration générale de l’Assistance publique, TA de Versailles, 2 juin 1994.)

Ainsi, selon l’article R. 4127-4 du code de la santé publique : « Le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée. »
Par conséquent, en raison de l’impératif de continuité du service public hospitalier le droit de retrait du personnel médical est difficile à mettre en oeuvre.

Quelle est la procédure de droit de retrait ?

Conformément à l’article L. 4131-1 du Code du travail, le travailleur doit alerter immédiatement son employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

La procédure de droit de retrait est divisée en plusieurs étapes :

  1. Précision du danger grave et imminent (DGI) : Le représentant du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) doit consigner le DGI par écrit sur le registre de consignation des dangers graves et imminents. Il doit y préciser la nature du danger, sa cause et le nom du ou des salariés exposés.
  2. L’enquête : L’employeur ou son représentant est alors tenu de procéder sur-le-champ à une enquête avec le représentant du CHSCT qui a consigné le danger. L’employeur doit prendre les dispositions nécessaires pour remédier au danger.
  3. Réunion d’urgence du CHSCT : En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CHSCT est réuni d’urgence dans un délai ne pouvant excéder 24 heures. Dans ce cas, l’employeur doit informer immédiatement l’inspecteur du travail et l’agent du service prévention de la caisse régionale d’assurance maladie, qui peuvent assister à la séance du CHSCT.

A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du CHSCT sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est immédiatement saisi par l’employeur.

Quelles sont les conséquences du droit de retrait ?

Lorsque le droit de retrait est utilisé légitimement, l’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
L’employeur ne peut amputer la rémunération correspondant au temps de retrait du poste de travail et aucune sanction ne peut être appliquée.

ATTENTION : Dès lors que le retrait est jugé injustifié, l’employeur peut opérer une retenue sur salaire. Si, après enquête, l’employeur arrive à établir que le danger n’est pas avéré, le salarié est tenu de reprendre immédiatement son travail, sous peine d’être sanctionné (abandon de poste injustifiée). Le juge administratif sanctionne le recours excessif au droit de retrait dès lors que l’appréciation de l’agent apparaît illégitime et manifestement erronée.
A titre d’illustration, dans un arrêt du 22 mai 2009, la Cour d’appel de Bourges a pu confirmer l’avertissement reçu par deux infirmières employées d’un centre psychothérapeutique, qui invoquant leur droit de retrait, avaient refusé d’assurer le transfert d’un détenu hospitalisé en unité d’hospitalisation protégée vers un autre bâtiment du site.

La reprise de l’activité de l’agent

Le Conseil d’État a rappelé que l’agent doit reprendre le travail dès que la situation de danger a cessé, sans avoir à attendre une notification de l’administration des mesures prises pour faire cesser le danger.
(CE, 2 juin 2010, ministre de l’Éducation nationale c/ Melle Stéphanie F, n° 320935)

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