Rappel de l'objet de la demande
Dans le cadre de la crise sanitaire en lien avec l’épidémie de COVID-19, un établissement public de santé s’interroge quant au sort de la mesure de suspension prononcée, à titre conservatoire, à l’égard d’un praticien hospitalier faisant l’objet d’une procédure disciplinaire.
L’intéressé a en effet été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, au visa de l’article R.6152-627 du Code de la santé publique. L’enquête a toutefois été suspendue en raison du contexte sanitaire et les auditions de témoins reportées.
Un mécanisme juridique permet-il de prolonger la suspension au delà des 3 mois prévus à l’article R. 6152-627 du Code de la santé publique ?
Textes de référence
- Code de la santé publique, articles L. 6143-7, R. 6152-626 et R. 6152-627
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période
Réponse
En avant-propos, il convient de rappeler que la suspension de fonctions d’un praticien hospitalier est susceptible d’intervenir sur plusieurs fondements distincts :
Mesure | Durée | Nature | Fondement |
Exclusion temporaire de fonctions à titre disciplinaire | 6 mois maximum | Sanction disciplinaire | CSP, article R. 6152-626 6° |
Suspension de fonctions au cours d’une procédure disciplinaire (ou pour insuffisance professionnelle) |
3 mois maximum | Mesure conservatoire | CSP, article R. 6152-627 |
Suspension de participation à la continuité des soins ou à la permanence pharmaceutique |
3 mois maximum | Mesure conservatoire | CSP, article R. 6152-607 |
Suspension des activités cliniques et thérapeutiques d’un praticien hospitalier |
Indéterminée | Mesure conservatoire | CSP, article L. 6143-7 |
Conformément aux dispositions de l’article R. 6152-627 alinéa 1er du Code de la santé publique (CSP), les praticiens attachés et attachés associés faisant l’objet d’une procédure disciplinaire peuvent être suspendus de leurs fonctions pour une durée de 3 mois au maximum : « Dans l’intérêt du service, un praticien attaché faisant l’objet d’une procédure disciplinaire peut
être suspendu de ses fonctions par décision du directeur de l’établissement après avis du président de la commission médicale d’établissement, pour une durée maximale de trois mois. »
Ces dispositions appellent toutefois deux remarques :
- D’une part, cette mesure de suspension conservatoire présente une durée plus courte que celle applicable aux autres catégories de praticiens (6 mois) ou même aux agents de la fonction publique hospitalière (4 mois).
- D’autre part, il n’est pas expressément prévu que cette suspension puisse être « prolongée pendant toute la durée de la procédure, lorsque l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales », à la différence là encore des PH à temps plein et temps partiel (art. R. 6152-77 et R. 6152-252).
Il s’ensuit que la durée maximale de 3 mois de la suspension présente un caractère impératif, de sorte que l’établissement ne saurait en principe y déroger.
La jurisprudence a ainsi considéré comme irrégulière la procédure de suspension d’un praticien hospitalier excédant de 2 mois la durée fixée par les textes. La circonstance qu’un tel délai était nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, afin de mener l’instruction sur ce dossier complexe a été regardée comme inopérante et ne pouvait légitimer la méconnaissances des dispositions du CSP (CAA Marseille, 1er octobre 2013, n° 12MA02273).
Mesures dérogatoires dans le cadre de la crise sanitaire liée au COVID-19
L’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit une suspension générale des délais pour « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement » (article 2).
Les principaux délais applicables aux procédures disciplinaires apparaissent ainsi susceptibles d’entrer dans le champ d’application de ce dispositif.
S’agissant des mesures de suspension, la question est explicitement tranchée par l’article 3 de l’ordonnance : les mesures de suspension à titre conservatoire qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sont automatiquement prorogées :
« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; […] »
Ce mécanisme s’applique ainsi de plein droit à la suspension d’un praticien hospitalier qui parviendrait à échéance pendant la période d’état d’urgence sanitaire : la mesure est prorogée d’une durée de 2 mois à l’issue de ladite période.
Conclusion
En application des dispositions statutaires prévues par le Code de la santé publique, le comportement ou les agissements fautifs d’un praticien hospitalier sont susceptibles de justifier sa suspension, dans l’intérêt du service, durant la période nécessaire pour mener la procédure disciplinaire.
L’objectif poursuivi par cette mesure vise à éloigner temporairement l’intéressé du service lorsque tout maintien dans ses fonctions serait de nature à perturber la bonne marche et la continuité du service. La suspension de l’intéressé ne doit ainsi pas être confondue avec l’exclusion temporaire de fonctions. La première s’analyse comme une mesure conservatoire tandis que la seconde constitue une sanction disciplinaire.
Si une telle suspension est normalement limitée à une durée de 3 mois s’agissant des praticiens attachés (contre 6 mois pour les praticiens temps plein ou temps partiel), l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit toutefois la prorogation de 2 mois pour les mesures de suspension conservatoires qui expireraient pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
Ce mécanisme trouve également à s’appliquer aux fonctionnaires suspendus en application de l’article 30 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ainsi qu’aux mesures de suspension prises à égard des agents contractuels de la fonction publique hospitalière sur la base de l’article 39-1 du Décret n°91-155 du 6 février 1991.
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