Rappel de l'objet de la demande
Dans le cadre de la crise sanitaire, les agents d’un établissement proposent de revenir travailler sur leurs congés annuels, repos hebdomadaires ou jours fériés.
L’établissement les rémunère alors au titre de l’accomplissement d’heures supplémentaires, sans toutefois que les intéressés ne récupèrent les jours de congés ou de repos correspondants. Cette situation est-elle conforme à la réglementation ?
Textes de référence
- Décret n°2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- Décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- Décret n° 2020-297 du 24 mars 2020 relatif aux heures supplémentaires et à leur dépassement dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
Réponse
Sur le recours aux heures supplémentaires
L’article 8 du Décret n° 2002-9 autorise le chef d’établissement, après avis du CTE, à fixer l’aménagement et la répartition des horaires de travail de chaque agent, « compte tenu de la nécessité d’assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit ».
En outre, lorsque les besoins du service l’exigent, les agents peuvent être appelés à effectuer des heures supplémentaires faisant l’objet soit d’une récupération au moins d’égale durée, soit d’une indemnisation .
Les règles applicables aux heures supplémentaires ont très récemment été modifiées par le Décret n° 2020-297 du 24 mars 2020 (modifiant l’article 15 du Décret n° 2002-9) :
- Relèvement du plafond des heures supplémentaires : porté à 240 heures par an pour l’ensemble des agents de la fonction publique hospitalière (et à 20 heures pour les cycles de travail mensuels).
- Déplafonnement des heures supplémentaires à titre exceptionnel (notamment au regard des impératifs de continuité du service public ou de la situation sanitaire) : les établissements peuvent être autorisés par le directeur général de l’ARS ou le préfet du département à dépasser les bornes horaires fixées par le cycle de travail, pour une durée limitée et pour les personnels nécessaires à la prise en charge des usagers.
En tout état de cause cependant, il ne saurait être dérogé à l’article 6 du Décret n°2002-9 prévoyant que la durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d’une période de 7 jours et que les agents doivent bénéficier :
- d’un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum ;
- d’un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum ;
- de 4 jours de repos pour 2 semaines, deux d’entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche.
À la lumière de la Directive n° 2003/88/CE sur l’aménagement du temps de travail, le juge administratif considère en effet que les règles encadrant le repos des agents constituent des « garanties minimales » impératives auquel l’employeur ne peut déroger (CE, 06 novembre 2013, n°359501).
Or, le respect des garanties précités est susceptible de faire obstacle à ce que les agents puissent reprendre leur service sur leurs jours de repos (sans préjudice de la possibilité dont ils disposent d’exercer une activité accessoire ou d’accomplir des actions de volontariat en dehors de leurs obligations de service afin d’apporter leur concours dans le cadre de la crise sanitaire).
Sur le travail effectué par les agents durant leurs congés annuels
En application de l’article 1er du Décret n° 2002-8 relatif aux congés annuels des agents de la fonction publique hospitalière :
- Tout fonctionnaire a droit à un congé annuel d’une durée égale à 5 fois ses obligations hebdomadaires de service (25 jours ouvrés pour une année de service accomplie sur la base de fonctions à temps plein).
- Les agents contractuels en activité ont droit à un congé annuel rémunéré, déterminé dans les mêmes conditions que celui accordé aux fonctionnaires (art. 8 du Décret n° 91-155).
En la matière, le juge administratif a été amené à se prononcer sur l’impossibilité pour l’employeur public d’imposer à un agent de revenir travailler pendant un congé annuel qui lui a été régulièrement accordé (CAA Paris, 1er décembre 1998, n° 96PA02305).
La jurisprudence est en revanche silencieuse quant à l’hypothèse d’une reprise de service anticipée intervenant à l’initiative de l’agent en congé annuel (en pratique, cette reprise étant convenue et organisée en accord avec l’employeur).
Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a indiqué que la mobilisation des personnels dans les établissements de santé pouvait s’effectuer selon plusieurs modalités : recours aux heures supplémentaires (ou au temps de travail additionnel pour les personnels médicaux) ; réaffectation des personnels en interne ; réexamen de la situation individuelle des agents à temps partiel sur demande ; réintégration anticipée des personnels en disponibilité sur leur statut pour la période où ils acceptent de revenir ; recours au volontariat ou à la réserve sanitaire ; réquisition préfectorale.
Si la situation des personnels en congés n’est pas évoquée, il semble légitime de considérer que ces derniers puissent reprendre leur service de manière anticipée (à l’instar des fonctionnaires en disponibilité réintégrés avant le terme de la mesure).
Toutefois, de la même manière qu’il ne saurait simultanément bénéficier de deux formes de congés, un agent ne peut en toutes hypothèses se trouver à la fois en congé annuel et en service, l’Administration ayant l’obligation de placer ses agents dans une position régulière conforme à son statut.
Dans la mesure où le Droit européen reconnait le droit au congé annuel comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière et comme une garantie fondamentale dont disposent les travailleurs (CJUE, aff. C-214/10 du 22 novembre 2011), le report des jours de congés apparait devoir être privilégié.
En d’autres termes, à sa demande (de préférence tracée par écrit), l’agent pourra voir ses congés interrompus pour tout ou partie, tout en conservant son droit à la fraction non utilisée de congé annuel. Cette fraction pourra être reportée ultérieurement après autorisation de l’Administration, selon les nécessités de service et les règles de report statutaires.
Conclusion
L’employeur peut aménager les horaires de travail des agents afin de tenir compte des besoins du service. Le contexte de crise sanitaire permet également de dépasser le plafond des heures supplémentaires (récemment porté à 240 heures par an ou 20 heures par mois pour un cycle de travail mensuel) sur autorisation du DG ARS.
Nonobstant ces possibilités, le respect des garanties de repos prévus à l’article 6 du Décret n° 2002-9 s’impose en revanche en tout état de cause. À défaut, l’employeur pourrait se voir reprocher la violation manifeste de l’obligation de sécurité lui incombant en matière de sécurité et santé de ses agents.
S’agissant des agents en congés annuels, ceux-ci ne peuvent pas statutairement se trouver de manière simultanée en service et en congés. En dehors de l’hypothèse d’une intervention sur la base du volontariat leur réintégration anticipée peut être envisagée. Le cas échéant, celle-ci s’analyserait toutefois comme une interruption du congé annuel, la fraction de congé restante restant acquise à l’agent qui pourra ultérieurement utiliser ce reliquat pour poser de nouveaux congés ou alimenter un CET.
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