Une étude pointe les effets néfastes du travail en 12 heures sur la santé des soignants

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 30.08.2023 par Clémenc Nayrac
Article Hospimedia

Les infirmiers et aides-soignants qui travaillent en horaires prolongés sont plus exposés aux risques psychologiques, plus sujets aux addictions, à la fatigue et aux erreurs. C’est ce que démontre une étude dévoilée ce 28 août.

Examiner la relation entre différents horaires de travail, les conditions de travail autodéclarées et les comportements à risque pour la santé chez les infirmiers et les aides-soignants en France. Tel était l’objet du nouveau volet de l’étude Amadeus — pour améliorer l’adaptation à l’emploi pour limiter la souffrance des soignants — menée par un groupe de professionnels marseillais au printemps 2021 (lire l’encadré). Ce troisième volet, dont les résultats ont été communiqués le 28 août, porte donc spécifiquement sur les horaires de travail et pointe les risques liés aux horaires prolongés.

Les horaires prolongés remis en cause

« Les analyses multivariées ont révélé que les infirmiers et aides-soignants travaillant avec des horaires prolongés ont signalé des demandes psychologiques plus élevées, un épuisement plus fréquent, un nombre plus élevé de cigarettes fumées quotidiennement et une plus grande consommation de café« , résume le Dr Guillaume Fond, responsable du centre expert schizophrénie et dépression résistante de l »Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Ces constatations étaient indépendantes d’autres facteurs tels que le secteur d’emploi, le type d’établissement de santé, le statut professionnel, les horaires de travail, les quarts de nuit, la spécialité du service, l’âge ou encore les responsabilités familiales. Il en ressort donc que « les soignants qui travaillent en 10 heures et 12 heures ont un risque de dépression et de burn-out beaucoup plus élevé que ceux qui exercent en 7 heures ou en 7h48« , confirme l’auteur de l’étude, Guillaume Lucas, cadre de santé et docteur en santé publique. Les chercheurs objectivent en effet une « charge mentale beaucoup plus élevée » pour ceux qui exercent sur les temps plus longs, combinée souvent à une plus grande conduite addictive.

Et Guillaume Lucas de souligner un paradoxe : « Les plus jeunes — mais c’est le cas dans toutes les générations de soignants — souhaitent très souvent un exercice en 10 ou 12 heures, car cela leur permet de rester moins présents à l’hôpital, en travaillant trois jours dans la semaine. Mais le temps de récupération est beaucoup plus long sur ce type d’horaire, et les risques sont accrus« , constate le cadre de santé. Le professionnel évoque aussi les risques liés au manque de vigilance impliquant plus d’erreurs médicamenteuses. L’impact est donc double car il pénalise à la fois les soignants et les patients.

Ces constats poussent les chercheurs à recommander une réorganisation des horaires en établissement de santé. « Passer en 12 heures n’est pas la solution face à l’épuisement au travail« , insiste Guillaume Lucas. « Cela souligne l’importance de considérer des horaires de travail favorables à la santé pour aborder les demandes psychologiques élevées et l’épuisement professionnel vécu par les infirmiers et aides-soignants avec des horaires prolongés« , écrit aussi Guillaume Fond. La mise en place de changements dans les horaires de travail pourrait ainsi potentiellement améliorer le bien-être global et la satisfaction au travail de ces professionnels de la santé. Des préconisations qui sont aussi prônées par plusieurs études européennes, relayées par l’équipe. « Ces études mettent en avant que, pour la santé des soignants, passer en 8 heures de travail par jour sur quatre jours par semaine, soit 32 heures, serait optimal« , poursuit Guillaume Lucas. Le jour « libre » devant être déconnecté du week-end pour permettre « une vraie pause« . Cela nécessite néanmoins de « repenser en profondeur l’organisation, y compris avec les équipes de nuit« , souligne enfin Guillaume Lucas. La mise en place de trois équipes sur 24 heures nécessiterait en effet et « a fortiori » des embauches.

Repère

L’étude Amadeus a été menée en mai et juin 2021 (lire l’article Hospimedia) par une équipe de chercheur marseillais, autour de Guillaume Fond, médecin psychiatre à l’AP-HM. Elle vise à mesurer précisément la prévalence de l’épuisement au travail des soignants, leur état de santé mentale et l’influence des conditions de travail. L’article en question a été publié dans la revue BMC nursing, le 3 août dernier. Les participants étaient des infirmiers et des aides-soignants travaillant dans des établissements de santé publics et privés en France. Les chercheurs ont évalué l’environnement de travail ainsi que l’épuisement professionnel. 3 133 infirmiers et aides-soignants ont participé à l’étude, dont 2 369 infirmiers (75,6%) et 764 aides-soignants (24,4%). Parmi eux, 1 811 professionnels (57,8%) suivaient un horaire de travail de 7 heures, tandis que 1 322 individus (42,2%) avaient un horaire de travail prolongé.

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