Comment le forfait jours s’applique-t-il aux cadres de nuit dans l’Hospitalière ?

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 26.06.2024 par Anna Zachayus
Article Hospimedia

L’application désormais obligatoire du forfait jours aux cadres de nuit suscite des interrogations quant à l’articulation des dispositions.

Le forfait jours, aussi appelé forfait cadre, est une modalité de décompte du temps de travail. Par dérogation à un décompte en heures, il implique, dans la fonction publique hospitalière, un nombre de jours travaillés fixé à 208 par an, après déduction de 20 jours de réduction du temps de travail (RTT) et hors jours de congé supplémentaires (congés hors saison et fractionnement). Ce dispositif s’applique bien aux cadres de nuit.

L’application obligatoire du forfait jours

Le personnel de direction de la fonction publique hospitalière bénéficiait déjà de façon obligatoire du forfait jours depuis son instauration, alors que les cadres de santé pouvaient choisir d’opter ou non pour cette modalité. Depuis le 1er décembre 2021, la mesure a été étendue aux « agents dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées« , selon les termes du décret du 4 janvier 2002.

L’article 1er de l’arrêté du 22 avril 2022 relatif aux personnels de la fonction publique hospitalière soumis à un régime forfaitaire du temps de travail fixe la liste des corps soumis à cette obligation. Y figurent le corps des cadres de santé, celui des cadres de santé paramédicaux ainsi que des cadres socio-éducatifs. Aucune disposition n’exclut les cadres exerçant leur fonction de nuit. Ainsi, faute de texte prévoyant une telle mesure, le décompte du travail en jours s’applique également aux cadres de nuit.

L’articulation des dispositions

Pour ces personnels, l’une des difficultés concerne l’articulation des règles relatives au forfait jours avec celles du travail de nuit. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 2002 prévoit que, pour les agents travaillant exclusivement de nuit, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 476 heures, hors jours de congé supplémentaires. Cela ne concerne que les agents travaillant exclusivement la nuit c’est-à-dire, selon la définition réglementaire en vigueur, ceux effectuant au moins 90% de leur temps de travail annuel entre 21h et 6h ou pendant neuf heures consécutives entre 21h et 7h.

Ni le juge ni les textes n’explicitent l’articulation de ces dispositions. En revanche, le Conseil d’État a affirmé, dans une décision du 25 mai 2023, que les dispositions relatives au forfait jours « ne dérogent ni aux règles relatives aux temps de repos quotidien et hebdomadaire de travail ni à la durée maximale hebdomadaire de travail fixées par les articles 6, 9 et 9-1 du décret du 4 janvier 2002« .

L’application des règles relatives au temps de repos

Le forfait jours doit être concilié avec l’application des dispositions relatives à l’organisation du temps de travail, à savoir :

  • la durée de travail effectif ne peut excéder 48 heures au cours d’une période de sept jours ;
  • les agents bénéficient d’un repos quotidien de douze heures consécutives minimum (et, par exception onze heures consécutives) ;
  • les agents bénéficient d’un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum ;
  • le nombre de jours de repos est fixé à quatre jours pour deux semaines, deux d’entre eux au moins devant être consécutifs, dont un dimanche.

Le forfait jours est également compatible avec les règles relatives à l’organisation des cycles de travail dont la durée ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines. Le principe applicable est qu’un agent ne peut accomplir plus de 44 heures par semaine mais une annualisation du temps de travail est possible sous réserve que la durée hebdomadaire moyenne soit comprise entre 32 et 40 heures sur la période considérée.

Toutefois, une divergence de jurisprudence est à noter puisque le tribunal administratif de Grenoble (Isère, décision du 6 juin 2023, n° 2106277**) a considéré comme inapplicables aux agents dont le temps de travail est décompté en jours les articles 1er et 6 du décret du 4 janvier 2002. Sur l’article 1er, il s’agit des dispositions fixant la durée hebdomadaire du temps de travail à 35 heures et le décompte annuel du temps de travail à 1 067 heures. Cela est donc effectivement incompatible avec le principe du décompte en jours. Sur l’article 6, cette décision entre en contradiction avec l’arrêt du Conseil d’État de mai 2023 qui considère que les règles relatives à l’organisation du temps de travail et du temps de repos sont applicables aux agents en forfait jours.

Faute de dispositions textuelles claires, il convient, en l’état actuel du droit, d’appliquer la décision du Conseil d’État et ainsi d’appliquer aux agents au forfait jours les règles fixées à l’article 6 du décret du 4 janvier 2002.

La question des heures supplémentaires

Par définition, l’absence de décompte horaire fait obstacle aux heures supplémentaires et à leur compensation ou indemnisation. Les agents au forfait jours bénéficient, en contrepartie, de vingt jours de RTT par an.

La jurisprudence (cour administrative d’appel Nantes, Loire-Atlantique, 24 janvier 2020, n° 18NT00481 ; tribunal administratif Rennes, Ille-et-Vilaine, 26 janvier 2024, n° 2103248) a ainsi rappelé qu’un CHU peut considérer que le décompte en jours « est exclusif de tout décompte [horaire] et donc de récupération d’heures supplémentaires« . Le forfait jours est ainsi « incompatible avec la récupération d’heures supplémentaires » et un agent soumis à ce régime ne peut prétendre au paiement de celles-ci.

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