Quelles sont les obligations déontologiques des agents publics en période électorale ?

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 31.07.2024 par Maxime Mathieu-Chef
Article Hospimedia

Les élections sont une période propice au débat, mais l’expression publique doit être appréhendée avec prudence et mesure. 

À l’approche, pendant ou à l’issue d’une période d’élections, voire à l’occasion de tout événement animant fortement l’actualité publique, les agents publics doivent savoir tracer la frontière entre ce qui relève de la liberté d’opinion ou des réserves que leur impose la déontologie. Et ce, afin de concilier la juste contribution au débat républicain avec le risque de sanction disciplinaire en cas de manquement avéré.

Notion de période de réserve électorale

Outre l’interdiction de certaines communications et réunions la veille d’un scrutin à minuit (article L49 du Code électoral), la notion de « période de réserve électorale » renvoie aussi à une « tradition républicaine« , consistant à s’abstenir de participer à toute manifestation ou cérémonie à caractère électoral. Elle concerne cependant essentiellement la fonction publique d’État et ses hauts fonctionnaires ou emplois pour lesquels il revêt une importance particulière d’afficher une stricte neutralité à l’égard des partis et candidats.

Pour la très grande majorité des personnels de la fonction publique, en particulier dans l’Hospitalière, il n’y a donc pas de période de réserve électorale à observer stricto sensu, si ce n’est le devoir de réserve classique. Ils « ont, comme tout citoyen, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède, [mais] sont tenus de le faire dans des conditions qui ne constituent pas une méconnaissance de leur part de l’obligation de réserve » (décision du Conseil d’État, 10 mars 1971). La liberté d’opinion et la liberté d’expression des fonctionnaires restent le principe, bien qu’elles s’apprécient au prisme des autres obligations générales issues de leur statut.

Neutralité des agents dans l’exercice des fonctions

Le devoir de neutralité trouve à s’appliquer pendant le service et impose à l’agent de ne pas manifester ses convictions à l’égard des usagers, par ses propos, sa tenue ou son comportement (article L121-2 du Code général de la fonction publique). Cette obligation fait in fine écho à l’égalité de traitement devant le service public, les agents ne devant pas laisser penser qu’ils — ou l’administration à laquelle ils appartiennent — pourraient traiter différemment les usagers du fait de leur adhésion ou non à certaines opinions.

La participation à la campagne ou au débat public doit se faire en dehors du service. De ce fait, la question du devoir de neutralité ne se pose que de façon résiduelle en période électorale, sauf à envisager le cas d’agents qui feraient ouvertement état de leurs opinions sur le lieu d’exercice des fonctions, par des propos, badges, pancartes, ou même en organisant une perturbation ou manifestation collective dans les locaux de l’administration (décision de la cour administrative d’appel de Nantes, Loire-Atlantique, 13 février 2017).

Devoir de réserve

D’origine purement jurisprudentielle, cette obligation se définit comme un devoir de modération et de mesure dans l’expression publique d’opinions, en dehors des fonctions. Il s’agit donc d’un tempérament à la liberté d’expression : il n’interdit pas au fonctionnaire de s’exprimer, il lui défend de le faire avec outrance.

L’appréciation de cette modération est à géométrie variable, toujours au cas par cas. Elle varie selon la forme, l’intensité, la nature des propos et les circonstances dans lesquels ils ont été tenus mais également en fonction de la situation de l’agent (fonctions et positionnement hiérarchique) ainsi que du degré de publicité des déclarations et leur résonance (canal de diffusion, republications, reprises par les médias, etc.). L’idée directrice est de ne pas « excéder les limites de la politique électorale« , selon la formule consacrée en jurisprudence. Critiquer une politique ou un candidat est possible tant que les propos respectent ces limites, dès lors que cela est fait sans afficher sa qualité d’agent public (décision de la cour administrative d’appel de Nancy, Meurthe-et-Moselle, 3 décembre 2015).

De ce point de vue, les réseaux sociaux — qui se rattachent à une sphère personnelle, sans être souvent tout à fait privée — constituent un point de vigilance. Un propos largement relayé s’appréciera plus sévèrement, d’autant que l’usage d’un pseudonyme ou d’un ton satirique ne délie pas l’agent de ses obligations (décision du Conseil d’État, 27 juin 2018). En ce sens, lors d’élections législatives, les prises de position d’un professionnel peuvent lui être reprochées s’il est fait état de sa qualité d’agent public sur son profil ou certaines publications du réseau social, en « excédant les limites de la politique électorale » (tribunal administratif de Montpellier, Hérault, 21 septembre 2016**). Les publications sans paramétrage ni restriction de diffusion présenteront ainsi un degré de gravité accru (tribunal administratif de Montreuil, Seine-Saint-Denis, 21 avril 2023 ; décision de la cour administrative d’appel de Paris, 28 août 2023).

Un agent pourrait ainsi être sanctionné pour avoir appelé à voter pour un parti susceptible d’être considéré comme extrême, qui plus est « dans un contexte préélectoral, où devoir de réserve et obligation de neutralité sont particulièrement sollicités » (cour administrative d’appel de Nantes, Loire-Atlantique, 1er juin 2021). Il en va de même pour un agent hospitalier qui tiendrait des propos pénalement répréhensibles (en l’occurrence, à caractère homophobe) ce qui excède évidemment les limites de la simple polémique électorale (décision de la cour administrative d’appel de Marseille, Bouches-du-Rhône, 4 décembre 2020). Manifester ou se rendre à des meetings n’est pas interdit, mais participer à des débordements serait évidemment tout aussi sanctionnable, comme lorsqu’un agent s’est joint, durant les d’élections, à un groupe d’opposition politique ayant tenté d’envahir un bâtiment public, l’évènement ayant ensuite été rapporté dans la presse (tribunal administratif de Versailles, Yvelines, 13 mai 2011**).

Droit et/ou devoir de désobéir

Quoiqu’ayant fait couler beaucoup d’encre, le devoir de désobéissance est une notion qui doit être relativisée. Tout agent public est « responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées » et « doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique » (articles L121-9 et L121-10 du Code général de la fonction publique). Le principe est et reste donc le devoir d’obéissance hiérarchique.

Il n’est possible de s’en délier qu’en présence d’un ordre manifestement illégal et compromettant gravement un intérêt public, ces deux conditions étant cumulatives. Auquel cas, il ne s’agit pas d’une simple possibilité : le fonctionnaire doit désobéir (Conseil d’État, 10 novembre 1944). « Si l’agent croit se trouver en présence d’un tel ordre, il a le devoir de faire part de ses objections à l’autorité qui l’a donné, en indiquant expressément la signification illégale qu’il attache à l’ordre litigieux » (décision du Conseil d’État, 5 décembre 2011). De telles applications restent toutefois rares, n’importe quelle illégalité n’étant pas admise (décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux, Gironde, 27 mars 2012). A contrario, le manquement au devoir d’obéissance hiérarchique, couplé au devoir de loyauté, est un motif de sanction disciplinaire très fréquent en jurisprudence.

Autre possibilité de désobéissance pour un agent public, l’exercice de son droit de retrait, qui suppose « un motif raisonnable de penser [qu’une situation de travail] présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé« , à charge pour l’agent de le démontrer.

En définitive, la question de la désobéissance des agents publics reste essentiellement rhétorique. Elle ne doit pas être assimilée aux cas où l’agent estime qu’un ordre est illégitime ou contraire à son éthique personnelle, ni même confondue avec une idée de « résistance à la loi » suite au désaccord avec une réforme. La déontologie impose à l’agent public de « respecter les lois et règlements de toute nature« , sous peine de se soustraire à ses obligations professionnelles et de s’exposer à une sanction. Refuser d’appliquer un programme politique national ou local n’est ainsi pas envisageable. Il n’existe pas de clause de conscience dans la fonction publique, hormis pour des cas très spécifiques, comme pour les praticiens hospitaliers.

Il n’est pas possible de refuser d’exécuter un ordre, au seul motif que cet ordre irait à l’encontre de ses convictions politiques personnelles. Il n’y a qu’une seule solution pour l’agent en cas d’opposition aux politiques déclinées, celle de démissionner, voire de demander une disponibilité ou un congé équivalent.

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