La rédaction d’un certificat médical est parfois un exercice à haut risque, au niveau civil, pénal ou ordinal. Des conseils de prudence pour les praticiens sont délivrés par un expert face à certaines demandes de patients ou de leur entourage.
Il faut savoir « tourner sept fois sa plume » avant de rédiger un certificat. Tel est l’un des principaux messages envoyés aux médecins par Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF, lors d’une session dédiée aux risques encourus par les psychiatres dans leur exercice quotidien le 25 janvier au congrès de l’Encéphale à Paris. Cet expert en droit médical a commencé par illustrer les conséquences possiblement lourdes pour le praticien d’une maladresse de rédaction, avant de livrer des recommandations aux professionnels sur « tout ce que l’on ne doit pas écrire dans un certificat ». A fortiori lorsque celui-ci est susceptible d’être utilisé dans une procédure judiciaire…
Plusieurs atteintes possibles à la déontologie
Nicolas Gombault a décrit le cas d’un psychiatre interdit d’exercice pendant une durée de trois mois pour avoir utilisé des formulations ambiguës et imprécises dans un certificat, après avoir reçu une mineure en consultation. Or ce document a été produit par la mère de l’enfant devant le juge pour influencer sa décision quant au mode de garde de l’enfant. Une plainte ordinale a été déposée par le père, au titre de l’article R4127-28 du Code de la santé publique, qui interdit la délivrance d’un rapport tendancieux. Le praticien avait employé des termes qui ne relevaient pas d’une constatation médicale. En outre, l’expression « les vicissitudes » pour qualifier la période de garde estivale du père était de nature à induire une appréciation négative sur ce dernier pour un lecteur extérieur, a estimé l’ordre.
Comme le rappelle également le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), le certificat médical n’est pas une simple formalité. Sa rédaction engage la responsabilité du médecin, soit en raison de son contenu, soit en raison de sa remise à un tiers non habilité à en prendre connaissance, soit en raison de la violation du secret médical, soit en raison de faux certificats. Cette responsabilité peut être engagée devant la justice civile, pénale ou ordinale. Nicolas Gombault a précisé que 20% des plaintes ordinales en première instance étaient en lien avec ces certificats. Les condamnations sont ainsi motivées par le non-respect du secret professionnel (article 4 du Code de déontologie), par la rédaction de certificats de complaisance (article 28) ou encore par la violation de l’article 51 indiquant que « le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».
Des médecins parfois « piégés de bonne foi »
La rédaction d’un certificat n’est pas, sauf exception, obligatoire, a expliqué aux professionnels le directeur général délégué du groupe MACSF (lire l’encadré). Un praticien peut donc refuser une demande qui risquerait de rentrer dans les critères de violation des principes déontologiques précédemment. Il a alors cité l’article R4127-76 du Code de la santé publique, qui prévoit notamment que « l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires« . Il faut savoir dire non aux demandes abusives ou illicites, confirme le Cnom, qui conseille aux professionnels de le contacter pour se renseigner au besoin.
Quand un certificat est-il obligatoire ?
Le certificat médical ne se justifie que s’il a une raison médicale. Il n’est obligatoire que si un texte législatif ou réglementaire l’exige, rappelle le Cnom. Dans de nombreux autres cas, il n’est pas nécessaire, poursuit-il soulignant au passage que « réduire le nombre de certificats médicaux, c’est laisser du temps au médecin pour soigner ses patients ». Afin d’aider les professionnels, le ministère de la Santé a mis en ligne, avec la collaboration de l’ordre, un tableau détaillé des différents types de certificats médicaux, obligatoires ou non.
Nicolas Gombault a souligné que « l’on ne décèle pas toujours la raison pour laquelle un certificat est demandé, ainsi que l’usage qui en sera fait ». Il a alors indiqué que « beaucoup de praticiens se faisaient piéger en toute bonne foi », dans le cadre de divorces, conflits familiaux, garde des enfants, successions, etc. Il a insisté sur le fait que le médecin « ne peut attester que ce qu’il a personnellement constaté ». S’il doit utiliser des déclarations du patient ou de ses proches, il doit impérativement utiliser des guillemets ou le conditionnel. Le Cnom explique en complément que si le médecin peut rapporter, « si utile », les dires du patient, il n’a pas à se prononcer sur ces dires ou la responsabilité d’un tiers.
Précautions de fond et de forme
Après avoir réalisé « un interrogatoire et un examen clinique », le médecin doit « décrire de façon précise et objective les éléments et faits médicaux personnellement constatés », explique l’ordre. En effet « on ne peut rédiger un certificat relatif à l’état de santé d’un patient qu’après l’avoir examiné« , a rappelé le directeur général délégué du groupe MACSF. L’objectivité du certificat signifie par exemple que dans le cas d’une suspicion de violences sexuelles, il doit mentionner les constatations cliniques de sévices.
Le certificat ne peut en principe être remis qu’au patient lui-même, directement, après l’avoir informé de son caractère confidentiel, a poursuivi Nicolas Gombault. Il a recommandé d’utiliser la formulation suivante : « Certificat remis en main propre, à la demande de l’intéressé, qui reconnaît avoir été informé des conséquences éventuelles de sa divulgation, pour faire valoir ce que de droit. » La signature du praticien et celle du patient doivent figurer sous cette mention. Le Cnom conseille aussi de « rédiger le certificat sur papier à en-tête » ou encore de bien dater le certificat du jour de sa rédaction, même si les faits sont antérieurs.
Par ailleurs, Nicolas Gombault a estimé que les professionnels devaient « se méfier des « autorités » réclamant un certificat« , citant par exemple les médecins-conseils des compagnies d’assurances, la police ou encore les avocats. Il a aussi recommandé aux médecins de rédiger systématiquement en double pour conserver un exemplaire du document. Enfin, il a réinsisté sur la nécessité de bien prendre le temps de la réflexion avant de prendre la plume et de se relire attentivement car « une fois le certificat écrit et remis, c’est trop tard ».
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