Que recouvre le principe de laïcité dans les établissements médico-sociaux publics ?

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 26.07.2023 par Léa Bouaita
Article Hospimedia

La laïcité est un principe fondamental de la République. Elle impose aux agents des structures médico-sociales une obligation de neutralité. Chaque mois, l’équipe d’Hospimedia Réponse expert apporte son décryptage juridique sur un sujet d’actualité dans le journal Hospimedia.

L’obligation de neutralité des agents du service public figure comme un principe général à l’article L121-2 du Code général de la fonction publique. La violation de l’obligation de neutralité est caractérisée lorsqu’elle est directe ou corrélée au manquement au devoir de réserve de l’agent. Ceux-ci doivent donc globalement s’abstenir de toute expression publique en faveur d’opinions ou d’activités incompatibles par elles-mêmes avec la nature ou la dignité des fonctions exercées. S’agissant de déontologie, tout agent ne respectant pas ses obligations pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Le point sur le cadre juridique applicable aux agents, usagers et collaborateurs du service public dans les établissements médico-sociaux.

L’apport de la jurisprudence

Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises cette obligation de neutralité. En effet, dans une fiche-question sur le port du voile intégral, il précise que « le principe de laïcité implique avant tout que l’État respecte les croyances de chacun et ne privilégie aucun culte. C’est la raison pour laquelle les agents publics ne peuvent, dans l’exercice de leur fonction, porter aucun signe religieux visible. »

Aussi, toute forme de prosélytisme de la part d’un agent médico-social auprès d’autres agents ou des usagers est constitutive d’une faute. Il en va de même quant à la distribution par un agent public aux usagers, y compris par voie électronique, de documents à caractère religieux à l’occasion de son service — selon une décision rendue par le Conseil d’État le 19 février 2009 — ou de propos visant à diffuser ses convictions religieuses (décision du 30 juin 2016 de la Cour administrative d’appel de Versailles).

Dans une décision rendue le 28 juillet 2017, le Conseil d’État a réaffirmé sa position, pour l’ensemble de la fonction publique hospitalière. « Les élèves infirmiers doivent respecter les obligations qui s’imposent aux agents du service public hospitalier« , a-t-il indiqué. S’ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public. » Lorsque ces élèves effectuent leur stage dans un établissement n’ayant aucune mission de service public, « ils doivent respecter, le cas échéant, les dispositions du règlement intérieur de cet établissement qui fixent les conditions dans lesquelles ses agents peuvent faire état de leurs croyances religieuses« .

Du côté de la jurisprudence européenne, la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa décision rendue le 26 novembre 2015, consacre le principe de neutralité absolue de tous les agents publics français. Ainsi, la cour estime que les autorités nationales françaises n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses et l’obligation de s’abstenir de les manifester et ce en faisant primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’État. En conséquence, dans les établissements publics médico-sociaux, le principe de neutralité peut primer.

La liberté de conscience des usagers

Contrairement aux agents, le juge administratif se montre plus souple pour les résidents, usagers du service public, pour lesquels le port d’un signe d’appartenance religieuse n’est pas considéré comme incompatible avec le principe de laïcité, sous réserve qu’il n’y ait pas de troubles dans le bon fonctionnement du service public (réalisation de soins) et que la tranquillité des autres usagers soit préservée (chambre partagée avec d’autres résidents).

Dans un établissement de santé comme dans les autres services publics, les usagers ont la liberté de manifester leur conviction religieuse. Cependant, cette liberté est encadrée notamment par la nécessité d’assurer la tranquillité des autres personnes hospitalisées et de leurs proches et le fonctionnement régulier du service. Ainsi, [les] prières pourront être interdites par l’administration dans la mesure où elles gênent la tranquillité des autres patients ou rendent difficile la circulation.
Extrait d’un rapport de l’Observatoire de la laïcité

Une nuance est à apporter quant à l’exercice du culte par le résident au sein de sa chambre. Il s’agit d’un lieu qualifié de privatif dans lequel celui-ci peut librement exercer son culte religieux, sans toutefois porter atteinte à la tranquillité des autres usagers, ni porter atteinte à la continuité du service public.

Les usagers collaborateurs du service public

Concernant les usagers collaborateurs du service public, le principe est quelque peu nuancé. Il s’agit par exemple des bénévoles intervenant au sein des établissements médico-sociaux. Ces derniers sont tenus de respecter les obligations classiques du service public, telles que l’égalité et la non-discrimination ou encore la neutralité.

Le dispositif prévu par l’article 1er de la Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République répond en partie à cette nécessité, en visant parmi les personnes soumises au respect de l’égalité et de la neutralité celles se voyant confier l’exécution du service public. Par conséquent, un collaborateur du service public est tenu à l’obligation de neutralité durant l’accomplissement de sa mission, faisant obstacle à toute manifestation de son appartenance religieuse.

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