Prises en application de l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, 25 ordonnances ont été adoptées dimanche par le Parlement pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
Il s’agit de mesures d’exception, qui ont vocation, en principe, à ne s’appliquer que pendant cette période de crise sanitaire. Ces ordonnances sont applicables à compter de leur entrée en vigueur soit le 26 mars 2020 puisqu’elles ont été publiées ce jour au journal officiel.
Parmi les ordonnances concernant les établissements de santé ainsi que les professionnels de santé, cinq ordonnances seront développées :
- L’Ordonnance n°2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux;
- Ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale;
- Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19;
- Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19;
- Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.
L’Ordonnance n°2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux
L’Ordonnance évoque différents points qu’il conviendra d’aborder successivement.
Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles peuvent accueillir ou accompagner des personnes même ne relevant pas de la zone d’intervention autorisée prévue à l’article L. 313-1-2 de ce code, pour une prise en charge temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.
Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisés qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert, peuvent accueillir des adolescents de 16 ans et plus, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.
Les établissements qui ne sont plus en mesure d’accueillir dans des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 les personnes handicapées peuvent adapter leurs prestations afin de les accompagner à domicile, en recourant à leurs personnels ou à des professionnels libéraux ou à des services mentionnés aux 2°, 3°, 6° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code qu’ils rémunèrent à cet effet.
ATTENTION : Cette disposition ne s’applique que pour certains établissements spécifiques, dont :
- Les établissements ou services d’enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation ;
- Les établissements ou services :
a) D’aide par le travail, à l’exception des structures conventionnées pour les activités visées à l’article L. 322-4-16 du code du travail et des entreprises adaptées définies aux articles L. 323-30 et suivants du même code ;
b) De réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle mentionnés à l’article L. 323-15 du code du travail ; - Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisés, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert.
L’article 2 de l’ordonnance n°2020-313 précise que ces dispositions sont applicables à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclarée par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, le cas échéant prolongée dans les conditions prévues par cet article. Les mesures prises en application de ces mêmes dispositions prennent fin trois mois au plus tard après la même date.
En cas de sous-activité ou de fermeture temporaire résultant de l’épidémie de Covid-19, le niveau de financement des établissements et services mentionnés au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles n’est pas modifié. Pour la partie de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I du même article L. 312-1 qui ne relèvent pas de dotation ou de forfait global, la facturation est établie à terme mensuel échu sur la base de l’activité prévisionnelle, sans tenir compte de la sous-activité ou des fermetures temporaires résultant de l’épidémie de Covid-19. Toutefois, cette disposition ne rentre en vigueur qu’au 1er janvier 2021, comme le mentionne l’article 2 de l’ordonnance n°2020-313.
Ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale
Cette ordonnance permet d’assurer aux établissements de santé, pendant la période de crise, une garantie minimale de recettes établie au regard des différents impacts de la crise sanitaire sur leur activité respective.
Plus précisément, pendant une période d’au moins trois mois et qui ne peut excéder un an, se terminant au plus tard en 2021, les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés bénéficient d’une garantie de financement pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement par l’établissement, notamment au titre de ses activités (article 1 de la-dite Ordonnance).
De même, elle autorise également le régime général de sécurité sociale à accorder des concours en trésorerie aux régimes complémentaires dans la mesure où ceux-ci seront amenés à participer aux décisions de report des échéances de paiement des cotisations qui leur sont dues pour les entreprises qui le souhaitent (Vie publique : « Ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale »).
Autrement dit, pendant la période concernée, lorsque les recettes issues de leurs activités sont inférieures au montant du niveau de cette garantie pour une période d’un mois, les établissements bénéficient du versement d’un complément de recettes leur permettant d’atteindre ce niveau (article 1al2 de l’Ordonnance n°2020-309).
Ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos
Sur les 25 ordonnances présentées au Conseil des ministres du 25 mars, trois concernent le champ du droit du travail. L’une des trois offre à l’employeur la faculté de s’affranchir des règles de droit commun en matière de temps et durée du travail ( Dalloz Actualités, «Coronavirus : mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos » Caroline Dechristé, 26 mars 2020).
Quel est l’objet de l’Ordonnance 2020-323 ?
Prise en application de l’article 11 de la loi d’urgence sanitaire, cette ordonnance précise les conditions et limites dans lesquelles un accord d’entreprise ou de branche autorisera l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié.
Ainsi, selon l’article 1 de la-dite Ordonnance il est désormais prévu que l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut :
- Déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
- Cet accord peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.
Que prévoit cette ordonnance concernant les jours de réduction du temps de travail, les jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps ?
Concernant les jours de réduction du temps de travail (RTT), les jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, ils pourront, quant à eux, être imposés ou modifiés unilatéralement par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit requis, sous réserve :
- de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc ; (article 4 de la-dite Ordonnance)
- que l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19; (article 2, 3 et 4)
- que le nombre total de jours de repos imposé ou modifié ne soit pas supérieur à 10 jours , étant entendu par jour de repos : RTT, jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps; (article 5) ( Houdart et Associés, Me Marine Jacquet «CORONAVIRUS : CONGÉS PAYÉS, RTT, JOURS DE REPOS ET DURÉE DU TRAVAIL » 26 mars 2020. )
L’Ordonnance prévoit-elle des dérogations au temps de travail dans certains secteurs d’activités ?
Aux termes de l’article 6 de l’Ordonnance n°2020-323, il est prévu que de manière temporaire et exceptionnelle, les entreprises où le secteur est jugé essentiel à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la Nation, qu’il soit possible de déroger aux règles d’ordre public en matière de durée quotidienne maximale de travail, de durée du repos quotidien, de durée hebdomadaire maximale absolue et moyenne, de durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit.
A titre d’illustration, il est mentionné que la durée hebdomadaire maximale fixée à 48 heures à l’article L. 3121-20 du code du travail peut être portée jusqu’à soixante heures. Également que, la durée quotidienne maximale de travail fixée dix heures selon l’article L. 3121-18 du code du travail peut être portée jusqu’à douze heures.
Existe t-il une dérogation à la règle du repos dominical ?
Enfin, l’Ordonnance prévoit en son article 7 une dérogation de la règle du repos dominical fixée par l’article L.3132-3 du code du travail pour les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale.
NOTA BENE : La durée de la période imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19
Cette ordonnance a été prise aux termes de l’article 11, I, 1°, f de la loi n° 2020-290 qui a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure destinée à « adapter les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le Code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
Objet de l’ordonnance
Elle vise à adapter les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation des contrats publics, notamment les règles relatives aux contrats de la commande publique.
Les délais des procédures de passation en cours peuvent être prolongés et les modalités de mise en concurrence aménagées.
Les contrats dont la durée d’exécution arrive à échéance pendant cette période peuvent être prolongés au-delà de la durée maximale fixée par le code de la commande publique, et les autorités contractantes sont autorisées à s’approvisionner auprès de tiers nonobstant d’éventuelles clauses d’exclusivité. (article 4 de l’Ordonnance n°2020-319).
Visées par l’article 6-2-a de l’Ordonnance n°2020-319, des mesures sont également prises pour faire obstacle aux sanctions pouvant être infligées aux titulaires de contrats publics qui ne seraient pas en mesure, en raison de l’état d’urgence sanitaire, de respecter certaines clauses.
L’ordonnance prévoit également des règles dérogatoires s’agissant du paiement des avances et des modalités d’indemnisation en cas de résiliation de marchés publics ou d’annulation de bons de commande. (article 6-3 de l’Ordonnance n°2020-319 – Vie publique « Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 »)
Champ d’application de l’ordonnance n°2020-319
Celle-ci s’applique :
- Aux contrats soumis au code de la commande publique ;
- Aux contrats publics qui n’en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d’une durée de deux mois.
Ces dispositions ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (article 1 de l’ordonnance n°2020-319)
Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de Covid-19
Cette ordonnance vise à adapter les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération :
- des assemblées et des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction des personnes morales ;
- et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.
Ceci étant, dans le but de permettre à ces groupements de droit privé de continuer d’exercer leurs missions malgré les mesures de confinement ( Dalloz Actualités, Xavier Delpech «Coronavirus : la continuité du fonctionnement des groupements assurée », 27 mars 2020. ).
L’article 11 prévoit le champ d’application de cette ordonnance, puisqu’il dispose qu’elle est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020.
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