La surveillance épidémiologique en santé mentale doit passer à l’avenir par un suivi régulier des hospitalisations pour tentatives de suicide, en particulier chez les adolescents et jeunes adultes, estime Santé publique France.
Un suivi régulier de l’indicateur hospitalisations pour tentative de suicide s’impose comme un élément du dispositif de surveillance épidémiologique de la santé mentale, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes, dans le futur, relève Santé publique France en conclusion d’un article sur l’incidence de ces hospitalisations.
Paru dans l’édition du 4 juillet du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), cet article analyse une étude sur l’évolution en 2020-2021 des séjours hospitaliers liés à une tentative de suicide dans les établissements de soins aigus durant la pandémie de Covid. Ces résultats convergent avec d’autres indicateurs et confirment des tendances inquiétantes déjà observées, sur lesquelles ont vivement alerté, notamment ces derniers mois, les professionnels concernés jusqu’à la tête de l’État (lire nos articles ici et là). Santé publique France relève globalement qu’à l’évidence, « une souffrance psychologique [est] encore présente à la fin de la période d’observation chez les adolescents et jeunes adultes, […] particulièrement impactés par les bouleversements sociaux et économiques induits par la crise sanitaire ».
Hausse des hospitalisations chez les jeunes
Comme l’a montré un récent rapport de l’Observatoire national du suicide (lire notre article), les premiers effets de la crise Covid sur les tentatives de suicide sont dans l’ensemble contrastés. « Si globalement les incidences des hospitalisations pour tentative de suicide sont inférieures en 2020 par rapport à celles des années 2017-2019, l’analyse de l’évolution de cet indicateur chez les jeunes femmes présente [cependant] des spécificités qu’il est important de souligner d’un point de vue de santé publique », explique Santé publique France dans l’article paru ce 4 juillet. « L’incidence des hospitalisations pour tentative de suicide dans cette catégorie de la population, d’abord très diminuée durant la première phase de confinement, augmente nettement au cours des phases suivantes pour dépasser significativement les niveaux des années précédentes », développent les chercheurs. Ainsi, tous les courts séjours dans les établissements français publics et privés des personnes âgées de dix ans et plus hospitalisées entre le 2 janvier 2017 et le 31 mai 2021 pour un geste suicidaire ont été sélectionnés.
En 2020, le taux estimé d’hospitalisations pour tentative de suicide tous âges confondus était de 13,3 pour 10 000, alors qu’il était de 14,8 en 2019 et 15,2 en 2018. Lors du premier confinement, les taux de ces hospitalisations étaient inférieurs à ceux observés en moyenne entre 2017 et 2019 quel que soit le sexe, à l’exception des hommes de 75 ans et plus. « Ces taux sont restés inférieurs pour les personnes entre 35 et 85 ans », note Santé publique France. Cependant, « ils ont progressivement augmenté chez les jeunes de 11 à 24 ans, jusqu’à devenir significativement supérieur à la moyenne de 2017-2019 après le deuxième confinement, et dès le deuxième confinement pour les filles de 10 à 14 ans ». L’étude relève par ailleurs que « le recours à des modalités violentes apparaît alors plus fréquent quel que soit l’âge ».
Des groupes vulnérables à suivre
Ces résultats « alertent sur une atteinte du bien-être psychique et émotionnel de cette population [jeune] lors de la crise qui ne semble pas diminuer à moyen terme ». Ce phénomène « mérite d’être étudié plus en profondeur, en prenant en compte les différents déterminants qui président à son évolution », insistent les auteurs. Ils estiment plus globalement qu’il est « très important de poursuivre la surveillance de cet indicateur [hospitalier] sur l’ensemble de la population, ainsi que sur les groupes vulnérables ». Ils citent alors les enfants et adolescents des deux sexes, mais aussi les adultes socio-économiquement défavorisés ou les personnes âgées « dont la situation peut se fragiliser en fonction de l’évolution de la situation économique et sociale » à la suite de la crise liée au Covid-19.
Les limites de cet indicateur sur les hospitalisations restent qu’il ne permet pas d’étudier l’ensemble de la population ayant tenté de se suicider, en ne prenant pas en compte « les personnes qui n’ont pas cherché à se soigner ou qui ont exclusivement consulté un médecin en ambulatoire, ni celles qui ont été vues aux urgences sans être transférées dans les services d’hospitalisation ». En outre, les auteurs de l’article regrettent que le recueil des données sociodémographiques dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) en MCO reste limité au sexe, à l’âge et au lieu de résidence. « Aucune donnée n’est recueillie sur les situations professionnelles, familiales ou scolaires — facteurs de risque de suicide bien connus — qui auraient été pertinentes à étudier dans ce contexte de crise liée à la pandémie », soulignent-ils.
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