Pour la 17e édition des assises des médecins coordonnateurs à Paris trois membres de la mission sur l’attractivité des métiers du grand âge sont venus évoquer leur travail. L’heure est encore aux constats et non aux préconisations mais aussi aux CDD.
C’est sur la problématique de l’attractivité des métiers du grand âge que les assises nationales des médecins coordonnateurs (Medco) et infirmiers coordinateurs (Idec) se sont ouvertes à Paris ce 14 octobre. La remise du rapport de la mission confiée à Myriam El Khomri sur ce sujet a été reportée. Ses préconisations seront officiellement délivrées à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, le 29 octobre au lieu du 17 octobre, a confirmé le cabinet ministériel. Évoquant cette modification d’agenda, Luc Broussy, directeur de publication du Journal du médecin coordonnateur, organisateur des assises, rapporte que le groupe, piloté par l’ancienne ministre du Travail, aurait reçu une soixantaine de contributions et encore très récemment. Il souligne au passage que « rien pour le moment ne permet de dire si la future loi grand âge et autonomie sera ambitieuse ou pas mais, au regard des attentes suscitées, tout commande qu’elle le soit« . Le futur rapport de la mission métiers est donc dans tous les viseurs et pourrait ainsi servir d’indicateur pour la suite réglementaire.
État des lieux alarmant
Myriam El Khomri semble l’avoir bien compris, depuis plusieurs semaines, elle ou les membres de son comité restreint sont presque de tous les débats du secteur. Des journées de la Fédération française des services à la personne et de proximité (à Paris, le 17 septembre, lire notre article) en passant par le congrès des âges et du vieillissement (à Paris, le 23 septembre, lire notre article) ou encore les assises nationales de l’aide à domicile (à Paris, le 27 septembre, lire aussi notre article). À chaque fois, leurs interventions ne dévoilent aucune proposition. Mais ils insistent sur la gravité de la situation et tout particulièrement celle des aides-soignantes (AS) et des auxiliaires de vie sociale (AVS) en Ehpad. Les principaux arguments mis en avant pour illustrer les difficultés des professionnels sont par exemple le taux de sinistralité, le sentiment des AS et AVS d’avoir leur travail empêché ou encore d’être en première ligne des mécontentements des familles. Pour donner du poids à leur discours, ils multiplient les exemples.
Autres constats entendus, un tiers des places des écoles de formation d’aides-soignants et des dizaines de milliers de vacance de poste en Ehpad ne trouvent pas preneur. « 30 à 40% de ces professionnels sont en contrat à durée déterminé (CDD)« , a souligné Philippe Denormandie, directeur des relations santé de Nehs, un des membres de la mission présent aux assises des Medco et Idec. Interrogé sur le manque de reconnaissance des AS et AVS, il a reconnu que les modèles d’organisation actuelle des établissements ne donnent pas ou peu la parole à ces professionnels. Et cela malgré leur positionnement stratégique au quotidien au plus près des résidents. Il a aussi déploré le fait que tout particulièrement les AS ne soient que peu sollicités dans les prises de décisions de leur direction. « Les aides-soignants ne disposent pas (ou peu) d’espaces d’écoute« .
Un CDD plutôt qu’un CDI
Dans ce contexte le contrat à durée indéterminée (CDI) n’est pas la panacée. D’autant plus que de nombreux professionnels — infirmiers, aides-soignants — à qui notre société demande toujours plus, se retrouvent parfois en souffrance car ils n’arrivent pas à remplir toutes leurs missions, signale Blandine Delfosse, présidente de la Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices (Ffidec). Elle dit aussi avoir constaté que « de plus en plus de soignants en Ehpad préfèrent travailler en contrat à durée déterminée » (CDD). Et ce choix n’est pas seulement le fait des plus jeunes (génération Z, personnes nées après 1995) mais touche, selon elle, tous les âges. D’autant plus que les rémunérations en CDD, comprenant une prime de précarité, sont plus importantes que celles des CDI. Dans les établissements, des personnels sous contrat déterminé peuvent assurer régulièrement des remplacements s’inscrivant ainsi dans une certaine fidélité d’emploi. Certains assurent ainsi les remplacements des périodes de congés. Ce serait une façon, dit-elle, de supporter la charge de travail des Ehpad et l’image ingrate qui lui est associée. Ces professionnels en CDD gardent en quelque sorte la main sur leur organisation se garantissant des périodes de repos (parfois toutefois imposées ou voulues). Néanmoins le turn-over du personnel — conséquence de l’absentéisme ou par manque de salariés en CDI — reste problématique dans l’organisation à long terme. « Difficile en effet de construire des projets avec des équipes qui ne restent pas en place » sur une période significative, regrette Blandine Delfosse.
Bon sens et management
Pour Alice Casagrande, directrice de la formation, innovation et vie associative à la Fehap (et également dans la mission métier du grand âge) le sens donné au travail des AS et AVS est primordial. Elle déclare qu’aujourd’hui les lycéens, professionnels de demain, ont « une très mauvaise image des métiers d’aide-soignant en Ehpad » et que les grilles diffusées par Pôle emploi ne correspondraient pas à la réalité du terrain. Elle doute aussi du déploiement à grande échelle de certaines démarches de prise en charge basée sur l’empathie. De son côté, Johan Girard, délégué national personnes âgées et domicile pour la Croix-Rouge française (CRF, autre membre de la mission métiers présent aux assises des Medco et Idec) préconise de redynamiser le secteur en repensant son management. Il pense que « ce n’est qu’en donnant plus d’autonomie aux salariés que les Ehpad pourront préserver l’autonomie de leurs résidents« . Il a suggéré de soutenir les innovations organisationnelles qui permettent aux professionnels de s’engager collectivement avec toujours l’objectif ultime d’améliorer la vie des résidents.
Les différents témoignages des membres de la mission, menée depuis juillet par Myriam El Khomri, dénotent une prise de conscience des problèmes du secteur qui restent nombreux. En insistant fortement sur toutes ces lacunes à chaque congrès, reprenant presque les mêmes exemples, ils laissent donc présager que le futur plan métier ou la loi ne pourront pas tous les résoudre. Côté professionnels — qui pourraient bénéficier des futurs mesures —, AS et AVS restent au premier plan. Les autres sont vaguement évoqués. Outre les arbitrages politiques nationaux attendus dans la loi, les acteurs du secteur devront donc trouver des réponses au niveau territorial pour bouger les lignes et changer leurs pratiques.
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