Un malaise général. Cet été, 54 directeurs d’hôpital ont été promus à la hors classe par le Centre national de gestion. Ce processus d’avancement statutaire, bridé par un taux de promotion à 32% aux multiples effets délétères, navre les syndicats.
Réapparu en 2021 au grand dam des syndicats de directeurs d’hôpital (DH), le ratio promus-promouvables sur l’avancement statutaire à la hors classe n’en finit pas de susciter des effets délétères dans son application et par effet domino déceptions et mécontentements. À ce titre, le tableau 2024 mis en ligne mi-juillet par le Centre national de gestion (CNG) ne déroge pas à la règle (à télécharger ci-dessous). Il pouvait difficilement en être autrement, comme le soulignent le Syncass-CFDT, le SMPS et le CH-FO dans leurs communiqués respectifs : le taux de promotion 2024, fixé à 32% et publié dans un arrêté ministériel le 26 juin au Journal officiel, campe en effet sur un statu quo par rapport à 2023, soit deux points de plus que le taux 2022 (30%) mais dix de moins par rapport à 2021 (40%). Surtout, il reste très en deçà des attentes des organisations syndicales, qui de concert déplorent la persistance d’un sérieux frein sur le déroulé de la carrière.
Un pyramidage du corps qui se déforme
Depuis l’instauration du taux, les conditions d’élaboration du tableau d’avancement « ne font que se dégrader« , écrit le CH-FO. Alors que « le nombre de promus augmente uniquement parce que la file d’attente gonfle« , la situation « ne peut qu’empirer avec l’arrivée de promotions plus nombreuses qui commencent à remplir les conditions« . Précisément, 54 DH ont été promus cette année contre 48 l’année dernière, 38 en 2022 et 35 en 2021. En 2020, dernière année ou ce même tableau était élaboré en l’absence de ratio, 70 directeurs ont pu accéder à la hors classe. Surtout, « la file d’attente grossit inexorablement« , note le Syncass-CFDT.
Le stock de DH promouvables non promus ne cesse de gonfler, passant de 94 en 2021 (sur un total de 125 directeurs proposés à avancement par leurs collègues évaluateurs) à 89 en 2022 (pour 127 DH), 102 en 2023 (sur 150 DH) et désormais 116 cette année (pour 170 DH). Certes, « l’effectif de la hors classe baissera en 2024 puisque 50 directeurs ont été promus en classe exceptionnelle et que de nombreux départs en retraite sont prévisibles. Pour autant, le pyramidage du corps se déforme de façon sensible avec des effectifs qui augmentent en classe normale et qui stagnent ou régressent sur les deux grades supérieurs du corps. »
Pour le Syncass-CFDT, ce ratio, « toujours trop faible« , fragilise clairement l’application des critères d’appréciation. « Les 88 nouveaux dossiers « entrants » en 2024, pour un quota d’inscriptibles à la hors classe de 54 propositions, font prendre la mesure de l’ampleur de la file d’attente, de la saturation des présentations itératives (souvent trois voire quatre propositions) et des limites de l’exercice« . Un autre écueil apparaît : ces dossiers entrants sont masculins à 62%, attestant que l’un des aspects néfastes de la procédure actuelle est qu’elle semble s’effectuer en défaveur des femmes, confirmant la permanence de stéréotypes sexistes lors des évaluations. Bon an mal an, le tableau final aboutit tout de même à la nomination de 29 femmes et 25 hommes (lire l’encadré).
Des évaluateurs profondément désavoués
Au SMPS, on ne cache pas que le maintien du quota de sélection « ne va faire qu’accroître la tension entre le « stock » des non-promus, cumulant deux, trois, quatre voire cinq propositions consécutives quand, dans le même temps, de nouveaux éligibles seront chaque année proposés et promus« . Ainsi, « le taux de promotion à la hors classe confirme ainsi son statut de « couperet » pour de trop nombreux DH, et ce malgré leur mérite individuel« . Le malaise s’est même « généralisé« , appuie le CH-FO, selon qui « le mécontentement monte à proportion de l’indifférence des pouvoirs publics. Il ne s’agit plus seulement de la déception des ajournés, c’est maintenant la colère et l’incompréhension des évaluateurs. »
Cette frustration se propage effectivement aux chefs d’établissement évaluateurs, acquiesce le Syncass-CFDT. En « première ligne » pour observer et apprécier les performances de leurs équipes, « ils peuvent légitimement ressentir un profond désaveu« . Certes, tous les profils sont représentés en termes de type de postes occupés, y compris en détachement, de taille d’établissements, de nature du concours passé ou de voie d’entrée dans le corps. Certaines nominations s’appliquent également à des fins de carrière. Cependant, « lorsqu’ils soumettent des propositions motivées pour la reconnaissance de leurs adjoints, basées sur des critères solides et des observations directes, et que ces propositions ne débouchent pas de façon répétée, cela remet en question leur propre jugement et leur capacité à valoriser le mérite de leur équipe. »
La réalité, outre qu’elle ne facilite pas les débuts de carrière, c’est un « esprit d’équipe affaibli » et « la compétition privilégiée plutôt que le travail bien fait« , déplore le CH-FO. Viennent aussi « le découragement et le dégoût face au sentiment d’une peine à durée indéfinie« … Effectivement, abonde le SMPS, cette arithmétique binaire ne peut qu’entacher la motivation des DH « qui, malgré leurs efforts individuels depuis des années, ne bénéficient pas de la reconnaissance méritée pour leur engagement et leur manière de servir« . Quant à l’évaluation, censée être un rendez-vous permettant de faire le point sur un parcours et les réalisations d’une année, « elles ne sont orientées plus que vers l’acquisition de la hors classe« , conduisant à une « prime au lyrisme » qui pénalise de nombreux directeurs et nuit à l’attractivité.
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