Au cœur du règlement amiable des conflits une fois tentée la conciliation, la médiation a connu un doublement des saisines en 2021. Le dispositif reste pour autant méconnu. Un plan d’actions s’annonce pour inciter les établissements à sauter le pas.
80 saisines en 2020, 159 en 2021. Au vu du dernier bilan annuel dressé ce 8 novembre à Hospimedia par la médiatrice nationale Danielle Toupillier (à télécharger ci-dessous), force est de constater que le dispositif national et (inter)régional de médiation monte bel et bien en puissance dans la fonction publique hospitalière. « Cela reste quand même pour l’instant une saisine limitée » par rapport aux situations conflictuelles possibles ainsi qu’au volume de personnels et d’établissements couverts, « et probablement si on écoute les niveaux de conflictualité dont on peut entendre parler« , nuance la responsable, qui a succédé il y a tout juste un an dans ses fonctions à Édouard Couty. Certes, le dispositif est encore très récent. Son décret originel et la charte associée ne sont sortis qu’à la fin de l’été 2019 et les médiateurs (inter)régionaux n’ont été nommés qu’au mois de novembre suivant*. Ensuite, l’emballement du Covid-19 est venu très rapidement enrayer sa mise en route. Par ailleurs, certaines demandes ont pu être effectuées en dehors du champ de compétences et certains dossiers interrompus en cours d’année pour finalement reprendre quelques semaines plus tard, faussant quelque peu le bilan annuel.
Un suivi au long cours des CHU et Ehpad
Pour autant, le détail statistique de l’année 2021 confirme des tendances de fond (lire notre article). Par exemple, les saisines (inter)régionales prennent de plus en plus le pas sur leur pendant national : respectivement 122 et 37 saisines l’an dernier (soit 77 et 23%) contre 47 et 33 en 2020 (soit 59 et 21%). D’après Danielle Toupillier, il s’agit là d’un « mouvement naturel et légitime au regard du droit » confirmant « la grande priorité donnée aux saisines (inter)régionales qui sont légitimes en premier niveau« . Selon elle, cette prépondérance donnée à l’échelon local devrait continuer à s’affirmer, la médiatrice anticipant in fine un volet (inter)régional proche des 80% et des saisines nationales stabilisées en dernier recours aux alentours des 20%.
Autre évolution notable, la quasi parité femmes-hommes de 2020 (49-51%) tend à s’estomper et s’établit désormais à 54-46%. En soi, cela reste encore bien moindre que le taux de féminisation dans la fonction publique hospitalière, situé aux environs des 75 à 80%. Cet écart s’explique aussi par la forte proportion de médecins dans le dispositif de médiation, une profession nettement moins féminisée (55%). Ceux-ci concentrent à eux seuls 59% des dossiers (dont une part significative d’hospitalo-universitaires) contre 20% pour les paramédicaux et 21% pour les filières administratives, ouvrières et techniques. Quoi qu’il en soit, « le tendanciel femme devrait quand même se confirmer comme dominant dans les années à venir et davantage correspondre aux pourcentages de la représentation nationale« , souligne la médiatrice.
Par catégorie d’établissements, le bilan 2021 est marqué par un renforcement de la surreprésentation des CHU, ces derniers grimpant de 21 à 38% par rapport à l’année précédente. Inversement, les CH ne représentent que 37% des établissements où « pour la première fois » apparaissent des Ehpad (2%). Au vu de ces éléments, un suivi au long cours de la situation dans les CHU se dessine pour savoir s’il existe un lien entre cette émergence des conflits et la taille d’un établissement. « Pour l’instant, ce n’est pas très dominant mais nous nous posons des questions, sans certitude à ce stade« , ajoute Danielle Toupillier. De même, la faiblesse de la part des Ehpad, des structures pourtant « très éprouvées« , va amener la médiation nationale à suivre dans la durée ce secteur d’activité.
Une réussite de la médiation pour trois quarts des situations
Globalement, les taux de réussite observés en 2021 reproduisent peu ou prou ceux de 2020 s’agissant des dossiers traités par médiation. Ils présentent en effet un taux à 76% (+1 point), en incluant au taux d’accords conclus en fin d’année (57%) ceux alors en cours mais signés depuis (19%). Les situations d’arrêt ou d’absence d’accord comptent pour 24% des dossiers. En revanche, le taux de réussite des interventions sous la forme de missions d’appui, de conseil et d’accompagnement connaît un certain repli, passant de 95 à 76%, mais 16% des saisines étaient toujours d’actualité fin 2021. Seules 8% des interventions n’ont pas été résolues.
Un élargissement aux étudiants paramédicaux
Un autre suivi dans le temps concerne la typologie des conflits, plus de la moitié (55%) ayant trait à l’institutionnel et des difficultés relationnelles entre la hiérarchie et un ou plusieurs agents voire avec un ou entre représentants de la gouvernance. Le reste se répartit pour un quart (26%) sur des conflits interpersonnels et dans une moindre mesure (19%) par la combinaison de ces deux facteurs explicatifs. Face à cela, la médiatrice nationale n’exclut pas d’envisager collectivement la mise en place d’un plan d’actions pour renforcer cette qualité relationnelle entre institutionnels et professionnels si cette situation venait à rester inchangée dans les prochaines années.
Si le recours possible à la médiation et la compréhension de ce dispositif commence à se diffuser, un vaste plan de communication se profile début 2023 pour accélérer le processus assorti de retour d’expériences. En parallèle, plusieurs pistes d’évolution sont sur la table. Outre l’incitation faite aux établissements à se doter d’une conciliation locale comme préalable indispensable avant toute tentative de médiation pour essayer de gérer au plus près du terrain les conflits interpersonnels (lire notre article), le décret de 2019 gagnerait également à être modifié pour clarifier la médiation. Par exemple, en ajoutant les étudiants paramédicaux dans le champ des publics cibles ou encore en préférant le terme « accord » à « contrat » en fin de dispositif. L’idée serait aussi d’élargir le champ de compétences à la prévention des risques et à la médiation de projets complexes.
« Nous ne sommes pas là à révéler des dysfonctionnements mais s’il y en a qui sont révélés, à essayer de voir comment par le biais de la médiation et une entente entre les parties, elles vont trouver en elles-mêmes et en lien avec la gouvernance les moyens de remédier à ces situations pour que l’apaisement soit dans la relation« , rappelle Danielle Toupillier. Pour cela, les six principes originels restent en tout point d’actualité : confidentialité absolue des échanges et illimitée dans le temps, liberté des parties d’entrer en médiation et de l’interrompre, indépendance à l’égard de tous, neutralité, impartialité et équité. Pour éviter le « phénomène de répétition« , la médiatrice milite en faveur d’un dispositif d’accompagnement professionnel à la réintégration des personnels après une longue absence pour motifs d’ordre disciplinaire, d’insuffisance professionnelle, de prolongation de stage ou de période probatoire ainsi que de maladie liée à une période de conflit. À noter qu’une enveloppe expérimentale à hauteur de vingt équivalents temps plein annuel est sollicitée pour aider à ces repositionnements professionnels.
Une « médiation préventive » qui prend corps
Cette logique de « médiation préventive » implique aussi une meilleure « compréhension des processus de décision (nomination dans des fonctions de responsabilités, promotion…) » pour les rendre parfaitement lisibles, compréhensibles et donc acceptables. En résumé, il s’agit d' »éviter les faux espoirs« , note l’intéressée, par exemple sur les modes de promotions et nominations d’hospitalo-universitaires. Il s’agirait aussi de « systématiquement » former les responsables et cadres à la gestion des ressources humaines, la prévention et la gestion des risques, le traitement rapide des difficultés relationnelles et des conflits interpersonnels ou institutionnels, ou encore les valeurs partagées de respect, de confiance et de reconnaissance. Enfin, la médiatrice souhaite « renforcer juridiquement certains accords de médiation en passant par l’homologation du juge pour leur donner une force juridique supérieure« , une demande déjà poussée de l’avant l’an dernier par Édouard Couty dans les conflits les plus sévères et les plus lourds.
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