Répondre à l’urgence et bâtir l’avenir. C’est l’objectif du travail mené depuis un an par la psychiatrie publique. Il en ressort une série de propositions pour développer l’attractivité de ses métiers puis mieux les reconnaître. À ce volet ressources humaines s’ajoutent deux focus sur l’organisation territoriale et les modalités de prise en charge.
D’un côté, la psychiatrie publique concentre 85% des patients suivis en établissement, avec une proportion de malades pris en charge en ambulatoire proche des 80% chez les adultes et des 95% pour les enfants et les adolescents, le tout pour un nombre total de patients en hausse de 7% sur 2014-2022. De l’autre, 40% des établissements comptent de un à trois quarts de leurs postes de psychiatres vacants et pour 8% ces postes médicaux non pourvus fluctuent entre 51 et 75%, si bien qu’in fine 7% des lits de psychiatrie étaient fermés fin 2023… Devant ce tableau, la FHF a publié le 2 avril une première série de propositions sous forme de livre blanc « pour répondre à l’urgence et bâtir l’avenir de la psychiatrie » (à télécharger ci-dessous). À l’initiative d’un groupe de travail interne pluriprofessionnel piloté par la Dr Sylvie Péron, ce volet se penche sur les ressources humaines, l’organisation territoriale des soins et les modalités de prise en charge (lire l’encadré). Le second opus attendu dans le courant du deuxième semestre portera pour sa part sur la recherche, la psychiatrie infanto-juvénile et les droits des patients.
Plus de stage dans les formations initiales
Si les fermetures de lits s’expliquent également par l’évolution des pratiques, « le déficit de psychiatres et de paramédicaux conduit à des difficultés majeures pour trouver des lits d’hospitalisation« , rappelle la FHF. Certes, l’importance de la santé mentale pour tous semble mieux perçue depuis la pandémie de Covid-19. Pour autant, le secteur n’en finit pas de faire face à « des défis majeurs pour attirer et fidéliser« , surtout les services intra-hospitaliers. Ainsi, « les stigmates persistants associés aux troubles mentaux, les craintes véhiculées par la société sur la potentielle dangerosité des personnes soignées, l’impression d’une incompréhension des personnes atteintes de troubles sévères et le sentiment d’incapacité relationnelle dissuadent souvent les professionnels de la santé de s’engager dans des carrières psychiatriques« . À cela s’ajoutent des conditions de travail sans doute parmi les plus difficiles dans le milieu hospitalier « avec des effectifs limités, des exigences croissantes et des formations insuffisantes« , autant de situations perçues ou réelles qui ne peuvent que « limiter l’attrait » pour ces métiers (lire notre article).
Il convient d’augmenter le nombre d’IPA en formation sur les cinq prochaines années, afin de prévoir la présence d’au moins un IPA par secteur psychiatrique sur l’ensemble du territoire. Extrait du premier volet du livre blanc de la FHF
Pour lutter contre les idées reçues, la FHF réclame des campagnes d’information doublées d’une sensibilisation des conseillers d’orientation et lycéens par les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Cet effort de déstigmatisation repose également sur le développement des stages en psychiatrie. Ils gagneraient à être systématisés au moins une fois durant l’externat de médecine mais aussi les études infirmières. Pour ce cursus en Ifsi, il s’agirait en complément de doubler le nombre d’heures de psychiatrie durant la formation initiale. Chez les psychologues, cela passe par une meilleure valorisation de la place des stagiaires en master 2 avec un quota minimal par établissement. De même, les possibilités pour les externes d’effectuer leur stage dans des établissements hors CHU autorisés en psychiatrie devraient être développées tout comme l’est l’idée de favoriser la présence d’un nombre « pertinent » d’internes au sein des services pour garantir l’individualisation de leur formation. La FHF recommande en outre de rééquilibrer la répartition de ces mêmes internes, ce qui passe là aussi par l’universitarisation de terrains de stage hors CHU.
Une prime pour travailler en UMD et UHSA
Toujours sur ce volet ressources humaines, la cible à atteindre serait de prévoir « la présence d’au moins un infirmier en pratique avancée (IPA) par secteur psychiatrique sur l’ensemble du territoire« . Cette « politique ambitieuse » nécessite d’augmenter le nombre de soignants en formation, de développer l’apprentissage en distanciel — particulièrement outre-mer —, d’harmoniser les différents cursus entre les universités et in fine d’améliorer la reconnaissance salariale. Le besoin de reconnaissance concerne tout autant les professionnels en exercice. À titre d’illustration, cela concerne directement les enseignants en activité physique adaptée avec « un statut à la hauteur de leur niveau de formation« , ou encore les psychologues avec un plan de stagiairisation chez ceux disposant de plus de deux ans d’ancienneté et un développement des titularisations par le biais de concours réservés. À cela se greffe « une proposition d’intéressement financier » pour les professionnels de la santé opérant en unité pour malades difficiles (UMD) ou unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).
Plus largement, l’amélioration des conditions de travail en psychiatrie repose sur le développement de nouveaux rythmes de travail à travers les plannings en douze heures, la semaine de quatre jours ou divers dispositifs hybrides, ainsi qu’une meilleure documentation des enjeux inhérents à la charge en soins. La réduction des contraintes administratives et logistiques revient également en tête de liste tout comme l’est le besoin de partager les contraintes au sein des établissements et sur le territoire entre secteurs public et privé. Ce dernier point nécessite entre autres « un meilleur équilibre des sujétions entre médecins d’un même hôpital, afin de ne pas créer des inégalités entre professionnels qui conduiraient à rendre moins attractifs certains postes« . En tout cas, « une reconnaissance de l’exercice en milieu hospitalier s’impose, à défaut d’une régulation« . Enfin, l’effort en faveur de la qualité de vie au travail invite non seulement à promouvoir le management participatif mais aussi à développer l’expertise en promouvant les délégations de tâches et en élargissant les missions dévolues aux soignants.
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