Dans une décision publiée le 29 juillet au Journal officiel, le Conseil constitutionnel interroge la pertinence de l’interdiction de don aux soignants au regard du droit de propriété et en l’absence de preuve de vulnérabilité d’un patient mourant.
Le Code civil contrevient-il au droit de propriété ? Le 24 mai dernier, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la restriction de dons aux soignants. Sa décision a été publiée le 29 juillet au Journal officiel.
Une mesure, introduite par la réforme de la protection juridique des majeurs du 11 février 2005, prévoit que « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci« . Or, ces dispositions, estiment la requérante, reviennent à interdire à un patient d’effectuer un don ou legs « sans que soit prise en compte la capacité de la personne malade à consentir une libéralité ni que puisse être apportée la preuve de son absence de vulnérabilité ou de dépendance« . Arguant que la disposition « porterait atteinte à son droit de disposer librement de son patrimoine« , elle invoque une « méconnaissance du droit de propriété ».
Pour le législateur, les dispositions de la loi du 11 février 2005 limitent bien la capacité des personnes atteintes d’une telle maladie à disposer librement de leur patrimoine et « portent atteinte » au droit de propriété. En cherchant à « assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état de santé, elles étaient placées dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens par ceux qui leur prodiguaient des soins« , le législateur a cependant « poursuivi un but d’intérêt général » proportionné, estime le Conseil constitutionnel. Ce faisant, la loi est en droit d’apporter des limitations aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées.
Pour la haute autorité, la « nature de la relation entre un professionnel de santé et son patient atteint d’une maladie dont il va décéder » rend donc l’interdiction « bien fondée« . Le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété doit donc être écarté, confirmant la constitutionnalité de la mesure.
L’interdiction jugée inconstitutionnelle pour l’aide à domicile
Le 18 mars 2021, le Conseil constitutionnel était saisi d’une question similaire eu égard à l’interdiction pour les responsables, intervenants et bénévoles des services d’aide à domicile agréés et déclarés — et les salariés en emploi direct —, de recevoir des dons ou des legs de la part des personnes accompagnées (lire notre article). Il avait à l’époque considéré l’atteinte au droit de la propriété comme inconstitutionnelle.
Sa justification ? L’âge, la situation de handicap ou la nécessité de recevoir un accompagnement à domicile ne sont pas systématiquement synonymes d’altération de la capacité à consentir, ainsi que le fait que les services à la personne recouvrent une multitude de tâches et le fait qu’elles contribuent au maintien à domicile des personnes « ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui apportent cette assistance« . Autre argument en faveur de l’inconstitutionnalité : le fait que l’interdiction s’applique même dans le cas « où pourrait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste« . Un point qui était justement mis en avant par le requérant dans la question prioritaire de constitutionnalité du 24 mai.
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