Le cadre légal relatif aux prérogatives des directeurs d’établissement en matière d’interdiction d’une visite a été modifié.
Avant l’entrée en vigueur de la loi Bien vieillir, un directeur d’établissement de santé pouvait restreindre les visites conformément aux articles L6143-7 et R1112-47 du Code de la santé publique. Le directeur d’un établissement public social ou médico-social tenait cette prérogative d’un pouvoir de police administrative général en application de l’article L315-17 du Code de l’action sociale et des familles.
Un nouveau dispositif de restriction
Le 15 décembre 2022, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France envisageait un article visant à « promouvoir la bienfaisance en luttant contre les maltraitantes envers les personnes vulnérables et à renforcer les droits des personnes en perte d’autonomie ». Au sein de cette proposition d’article, il était prévu d’instaurer « un droit de visite pour les proches ». Cette loi est entrée en vigueur le 8 avril 2024 et inscrit le droit de visite au rang des droits des usagers et des personnes malades accueillies en établissement, sans précision d’un droit de visite uniquement « pour les proches« .
Désormais, le régime juridique encadrant les restrictions des visites par le chef d’établissement est unifié. En effet, le Code de la santé publique et le Code de l’action sociale et des familles listent, de manière exhaustive et dans des termes quasiment identiques, les motifs pour lesquels un directeur d’établissement peut s’opposer à une visite. Un directeur peut s’appuyer sur trois critères :
- une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement ;
- une menace pour la santé du résident, pour celle des autres résidents ou pour celle des personnes qui y travaillent, cette menace est appréciée par le médecin coordonnateur et les professionnels de santé ;
- un risque pour la santé de la personne hospitalisée, pour celle des autres patients ou pour celle des personnes qui y travaillent. Cette menace est appréciée par le médecin responsable de la prise et les professionnels de santé.
La décision d’un directeur visant à limiter une visite doit être motivée et notifiée sans délai au résident et à la personne sollicitant la visite. L’exigence de motifs légaux pour interdire une visite limite ainsi le pouvoir discrétionnaire des chefs d’établissement.
Aucun de ces deux articles ne prévoit de décret d’application permettant d’une part de préciser les conditions d’appréciation des motifs précités et d’autre part de préciser la motivation attendue et la méthode de notification d’une telle restriction. En pratique, la motivation de la décision doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
Enfin, l’article R1112-47 du Code de la santé publique n’a pas été modifié par loi, par conséquent pour les directeurs d’établissements de santé, il existe une contradiction.
Sous le prisme des anciennes dispositions
Concernant l’appréciation des motifs de « menace pour la santé« , « risque pour la santé » et « menace pour l’ordre public« , elle devra être précisée à l’avenir par les juges compétents pour contrôler la légalité des décisions visant à limiter une visite. En effet, les éléments de faits soumis au contrôle du juge administratif sous l’ancien régime des interdictions de visites pourraient ne pas tous présenter une menace d’ordre public, un risque pour la santé ou une menace pour la santé. Par exemple, aujourd’hui ne pourrait plus être admises :
- l’interdiction de visite à un proche qui refusait de respecter des consignes internes comme ne pas être seule dans la chambre avec la patiente et laisser la porte de la chambre ouverte (tribunal administratif de Pau, 13 octobre 2022, n° 1902314) ;
- l’interdiction de visite à un proche en raison du non-respect des horaires de visites et des exigences particulières vis-à-vis du personnel (tribunal administratif de Rennes, 6 décembre 2013, n° 1104221).
A contrario, pourrait encore être admise l’interdiction de visite d’un proche qui ne respecte pas les prescriptions médicales, est agressif et se plaint continuellement auprès du personnel soignant générant à son égard un état d’anxiété (tribunal administratif de Pau, 21 septembre 2023, n° 2302393).
Néanmoins, la position du juge administratif devrait toujours consister à contrôler : que la décision d’interdiction d’une visite est motivée, proportionnée à la situation et aux buts recherchés ; qu’une telle décision ne revêt pas un caractère général ou absolu ; qu’elle est bien limitée dans le temps.
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Avant l’entrée en vigueur de la loi Bien vieillir, un directeur d’établissement de santé pouvait restreindre les visites conformément aux articles L6143-7 et R1112-47 du Code de la santé publique. Le directeur d’un établissement public social ou médico-social tenait cette prérogative d’un pouvoir de police administrative général en application de l’article L315-17 du Code de l’action sociale et des familles.
Un nouveau dispositif de restriction
Le 15 décembre 2022, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France envisageait un article visant à « promouvoir la bienfaisance en luttant contre les maltraitantes envers les personnes vulnérables et à renforcer les droits des personnes en perte d’autonomie ». Au sein de cette proposition d’article, il était prévu d’instaurer « un droit de visite pour les proches ». Cette loi est entrée en vigueur le 8 avril 2024 et inscrit le droit de visite au rang des droits des usagers et des personnes malades accueillies en établissement, sans précision d’un droit de visite uniquement « pour les proches« .
Désormais, le régime juridique encadrant les restrictions des visites par le chef d’établissement est unifié. En effet, le Code de la santé publique et le Code de l’action sociale et des familles listent, de manière exhaustive et dans des termes quasiment identiques, les motifs pour lesquels un directeur d’établissement peut s’opposer à une visite. Un directeur peut s’appuyer sur trois critères :
- une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement ;
- une menace pour la santé du résident, pour celle des autres résidents ou pour celle des personnes qui y travaillent, cette menace est appréciée par le médecin coordonnateur et les professionnels de santé ;
- un risque pour la santé de la personne hospitalisée, pour celle des autres patients ou pour celle des personnes qui y travaillent. Cette menace est appréciée par le médecin responsable de la prise et les professionnels de santé.
La décision d’un directeur visant à limiter une visite doit être motivée et notifiée sans délai au résident et à la personne sollicitant la visite. L’exigence de motifs légaux pour interdire une visite limite ainsi le pouvoir discrétionnaire des chefs d’établissement.
Aucun de ces deux articles ne prévoit de décret d’application permettant d’une part de préciser les conditions d’appréciation des motifs précités et d’autre part de préciser la motivation attendue et la méthode de notification d’une telle restriction. En pratique, la motivation de la décision doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
Enfin, l’article R1112-47 du Code de la santé publique n’a pas été modifié par loi, par conséquent pour les directeurs d’établissements de santé, il existe une contradiction.
Sous le prisme des anciennes dispositions
Concernant l’appréciation des motifs de « menace pour la santé« , « risque pour la santé » et « menace pour l’ordre public« , elle devra être précisée à l’avenir par les juges compétents pour contrôler la légalité des décisions visant à limiter une visite. En effet, les éléments de faits soumis au contrôle du juge administratif sous l’ancien régime des interdictions de visites pourraient ne pas tous présenter une menace d’ordre public, un risque pour la santé ou une menace pour la santé. Par exemple, aujourd’hui ne pourrait plus être admises :
- l’interdiction de visite à un proche qui refusait de respecter des consignes internes comme ne pas être seule dans la chambre avec la patiente et laisser la porte de la chambre ouverte (tribunal administratif de Pau, 13 octobre 2022, n° 1902314) ;
- l’interdiction de visite à un proche en raison du non-respect des horaires de visites et des exigences particulières vis-à-vis du personnel (tribunal administratif de Rennes, 6 décembre 2013, n° 1104221).
A contrario, pourrait encore être admise l’interdiction de visite d’un proche qui ne respecte pas les prescriptions médicales, est agressif et se plaint continuellement auprès du personnel soignant générant à son égard un état d’anxiété (tribunal administratif de Pau, 21 septembre 2023, n° 2302393).
Néanmoins, la position du juge administratif devrait toujours consister à contrôler : que la décision d’interdiction d’une visite est motivée, proportionnée à la situation et aux buts recherchés ; qu’une telle décision ne revêt pas un caractère général ou absolu ; qu’elle est bien limitée dans le temps.