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Retour de congé maladie, réaffectation de l’agent et Covid-19

Rappel de l'objet de la demande

Un agent administratif de votre établissement a vocation à reprendre ses fonctions à la suite d’un arrêt consécutif à un accident de service. L’avis rendu par la commission de réforme préconise que cette reprise s’effectue sur son ancien poste (à ce jour occupé par un agent contractuel, donnant toute satisfaction).

Dans le cas de la crise liée au Covid-19, vous souhaitez toutefois affecter l’intéressé sur un autre poste administratif pour des raisons de service s’imposant au regard de l’état d’urgence sanitaire.

À son retour de congé de maladie et compte tenu de l’intérêt du service, l’employeur public peut-il réaffecter un agent sur d’autres missions que celles correspondant à son poste habituel ?

Textes de référence

  • Code du travail, articles L. 4121-1 à L. 4121-5 ;
  • Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, articles 12, 23, 28 et 29 ;
  • Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, articles 81 à 83 et article 99 ;
  • Décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière.

Réponse

Le changement d’affectation d’un fonctionnaire : cadre juridique de droit commun

Conformément aux dispositions de l’article 12 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, tout fonctionnaire est titulaire de son grade, mais non de son emploi. Ainsi, les agents publics ne sont pas en mesure de se prévaloir d’un droit acquis au maintien de leurs fonctions, ce qui permet à l’Administration de les réaffecter à de nouvelles missions en raison des nécessités du service.

Cependant, cette faculté discrétionnaire est notamment soumise au respect d’une exigence substantielle : la réaffectation de l’agent sur l’agent ne peut avoir lieu que sur un emploi que son grade lui confère vocation à occuper.

Ainsi, l’Administration a l’obligation d’affecter un fonctionnaire à un emploi correspondant à son grade. À défaut, l’administration commet une faute de nature à engager sa responsabilité (CE, 23 juillet 2003, n° 241816).

Partant, dès lors que l’emploi d’affectation de l’agent demeure conforme à son grade, dans le sens où il n’est pas porté atteinte à ses attributions professionnelles, le changement d’affectation de l’agent s’analyse traditionnellement comme une simple mesure d’ordre intérieur (MOI), insusceptible de recours contentieux (en ce sens : CE, 17 décembre 2008, n° 294362 ; CE, 6 mai 2009, n° 304977 ; CE, 27 janvier 2011, n° 335271).

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé que les mesures conduisant à modifier l’affectation des agents ou les tâches qu’ils ont à accomplir constituent de simples MOI, à la triple condition suivante (CE, 25 septembre 2015, n° 372624) :

  • Ne pas porter atteinte aux droits et prérogatives que les agents tiennent de leur statut ;
  • Ne pas faire obstacle à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux ;
  • N’emporter aucune perte de responsabilités ou de rémunération.

Attention toutefois puisque l’autorité administrative demeure tenue de respecter un certain cadre procédural avant de procéder à une quelconque mesure de mutation interne, notamment la possibilité pour l’agent de consulter son dossier individuel (CE, 26 octobre 1988, n° 66148 ; CAA Paris, 30 avril 1998, n° 96PA01292 ; CE, 29 août 2008, n° 308317).

En revanche, la mutation dans l’intérêt du service n’est pas au nombre des décisions devant être motivées au sens de la Loi n°79-587 du 11 juillet 1979, désormais codifiée aux articles L. 211-2.s du Code des relations entre le public et l’administration (CE, 21 octobre 1983, n° 39921 ; CE, 24 juin 1994, n° 139491).

NOTA BENE : en pratique cependant, tant pour des raisons de bonne administration que de sécurité juridique, il reste recommandé de toujours motiver à minima les décisions de changement d’affectation, quand bien même cette motivation serait superfétatoire.

Changement d’affectation en cas d’urgence : cadre dérogatoire.

Dans le contexte actuel de crise sanitaire, et afin de garantir la continuité du service public, il est possible de recourir au dispositif prévu à l’article 99 de la Loi n° 86-33 qui prévoit que :

« En cas d’empêchement du fonctionnaire chargé d’un travail déterminé, et en cas d’urgence, aucun autre fonctionnaire ayant reçu l’ordre d’exécuter ce travail ne peut s’y soustraire pour le motif que celui-ci n’entre pas dans sa spécialité ou n’est pas en rapport avec ses attributions ou son grade.
Toutefois, l’application de cette disposition ne peut faire échec aux règles d’exercice des professions réglementées par des dispositions législatives. »

Le principe de continuité du service public impose à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service public dont elle est responsable et, en cas de nécessité, de faire face à des situations imprévues de nature à porter atteinte à la continuité ou au bon fonctionnement du service en prenant spontanément les mesures appropriées (principe reconnu de longue date par la jurisprudence Jamart : CE, 7 février 1936, n° 43321).

Il s’avère donc possible de confier à un agent d’autres tâches que celles correspondant à son poste de travail habituel au regard de l’urgence et de l’absentéisme, sauf si cette tâche relève d’une profession règlementée.

Conséquences et limites du refus de l’agent.

En principe, le refus pour l’agent de se conformer aux instructions de sa hiérarchie et d’exécuter les tâches qui lui sont confiées constitue un manquement au devoir d’obéissance hiérarchique prévu à l’article 28 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983.

Une telle faute est dès lors susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire, en application de l’article 29 de cette même loi (CE, 21 juillet 1995, n° 115332 : refus d’un agent d’assurer la permanence du standard téléphonique).

Ce raisonnement est également susceptible de s’appliquer alors même que la mission confiée à l’agent était étrangère aux tâches normalement dévolues à son grade : le refus opposé doit s’analyser comme un manquement fautif au devoir d’obéissance (CAA Versailles, 10 avril 2019, n°17VE02407).

Il convient toutefois d’assortir ce principe de plusieurs limites.

Tempéraments au devoir d’obéissance hiérarchique

D’une part, il y a lieu de rappeler que l’exercice de l’action disciplinaire s’exerce sous le contrôle du juge administratif quant à la proportionnalité de la sanction infligée au regard de la gravité des fautes commises (pour un exemple récent : CAA Nancy, 25 février 2020, n° 18NC01473 : annulation de la sanction de révocation prononcée pour des comportements relevant notamment du non-respect du devoir d’obéissance).

NOTA BENE : soulignons en outre qu’un changement d’affectation ne peut donner lieu au licenciement pour insuffisance professionnelle de l’agent dans l’exercice de ses fonctions, si ces dernières ne relevaient pas de son grade (CAA Marseille, 26 avril 2005, n°00MA02621).

D’autre part, l’article 28 précité du statut général prévoit que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Pour exciper de cette règle, l’agent ne peut toutefois se contenter d’établir qu’une seule de ces conditions était réunie (conditions cumulatives : illégalité de l’ordre et atteinte grave à l’intérêt public).

Tempéraments relatifs à la santé et sécurité de l’agent

Par principe, les avis de la commission de réforme ou du comité médical n’ont qu’un caractère consultatif et préparatoire à la décision, de sorte qu’ils ne lient pas l’Administration. La jurisprudence est sur ce point constante : les avis de ces instances ne s’imposent pas à l’autorité administrative qui demeure libre de s’y conformer (en ce sens par exemple : CE, 2 février 1998, n° 135799 ; CE, 3 décembre 2010, n° 327845 ; CE, 12 avril 2012, n° 335231).

Cependant, l’employeur public est également assujetti à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé des agents, en application de l’article 23 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des dispositions du Code du travail applicables aux établissements de la fonction publique hospitalière ((art. L. 4111-1 et L. 4121-1.s CT).

Il s’ensuit que lorsque la reprise de fonctions d’un agent est subordonnée à l’aménagement de son poste de travail, l’employeur est tenu de s’y conformer, sauf à démontrer qu’il lui était impossible de suivre les recommandations médicales et procéder à de tels aménagements. À défaut, l’établissement s’expose à devoir réintégrer l’intéressé sur un poste compatible avec son état de santé, le cas échéant sous astreinte (TA Lille, 06 juillet 2016, n° 1403244).

Surtout, l’agent pourra rechercher la responsabilité de l’Administration du fait du non-respect des préconisations médicales lui permettant d’exercer son emploi dans des conditions préservant sa santé. Cette négligence fautive de l’employeur s’agissant de ses obligations en matière de santé et sécurité sera susceptible de donner lieu à l’indemnisation des préjudices de l’agent au titre de son préjudice moral, voire au titre d’un harcèlement moral (TA Pau, 15 septembre 2017, n° 1501364).

NOTA BENE : cette interprétation est également partagée par le juge judiciaire : l’employeur confiant des tâches mettant en jeu la santé du salarié de manière habituelle, en méconnaissance des préconisations d’adaptation de son poste de travail, peut s’analyser comme un harcèlement moral (Cass. soc., 07 janvier 2015, n°13-17.602).

Ces circonstances sont ainsi de nature à faire obstacle ou, à tout le moins, à limiter la faculté dont dispose l’Administration de modifier les tâches confiées à un agent à son retour de congé de maladie : le poste de travail auquel sera, le cas échéant, réaffecté l’intéressé devra s’avérer conforme aux éventuelles recommandations formulées par le comité médical ou la commission de réforme.

Enfin, et de manière plus générale, rappelons que la modification des tâches confiées à l’agent pourra trouver sa limite dans l’exercice par celui-ci de son droit de retrait. Encadré par les articles L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail (opposables aux employeurs publics), le droit de retrait constitue un principe général du droit (PGD), permettant ainsi à tout agent de s’en prévaloir (TA Besançon, 10 octobre 1996, n°960071).

L’exercice de ce droit suppose cependant la réunion de deux conditions d’interprétation stricte (notamment quant au caractère cumulatif de celles-ci) :

  • Un danger grave pour la vie ou la santé de l’agent : c’est à dire une menace directe pour l’intégrité physique de la personne.
  • Un danger à caractère imminent : le risque doit être susceptible de se présenter, avec une relative certitude, dans un avenir poche.

Par principe, seule la preuve avérée et circonstanciée d’un danger grave et imminent – ou, à tout le moins, un motif raisonnable laissant penser qu’un tel risque est sur le point de survenir – permettra aux personnels d’un service d’invoquer ce droit. En d’autres termes, la potentialité du risque n’est pas de nature à fonder, de plein droit, l’exercice du droit de retrait, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’abandon de poste.

Conclusion

Dans le contexte d’état d’urgence sanitaire relatif à l’épidémie de Covid-19, il est possible de recourir au dispositif prévu à l’article 99 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 permettant, en cas d’absentéisme ou d’urgence, de confier à un agent des tâches qui ne lui sont pas habituellement dévolues dans l’intérêt du service.

Si ces dispositions permettent de déroger, de manière exceptionnelle, au principe constant selon lequel l’Administration a l’obligation d’affecter un fonctionnaire à des tâches correspondant à son grade, elles trouvent toutefois leurs limites, notamment :

  • Dans l’interdiction de confier à l’intéressé, en tout état de cause, des missions relevant d’une profession réglementée (infirmiers, assistants de service social …) ;
  • Dans le respect des éventuelles préconisations médicales relatives à l’adaptation du poste de travail de l’agent (compatibilité des tâches confiées avec son état de santé) ;
  • Dans l’exercice, plus généralement, de leur droit de retrait par les personnels concernés.

Sous ces réserves, le refus de l’agent pourra s’analyser comme un manquement fautif à son devoir d’obéissance hiérarchique, dès lors susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

Cependant, l’employeur public est également assujetti à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé des agents, en application de l’article 23 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des dispositions du Code du travail applicables aux établissements de la fonction publique hospitalière ((art. L. 4111-1 et L. 4121-1.s CT).

Il s’ensuit que lorsque la reprise de fonctions d’un agent est subordonnée à l’aménagement de son poste de travail, l’employeur est tenu de s’y conformer, sauf à démontrer qu’il lui était impossible de suivre les recommandations médicales et procéder à de tels aménagements. À défaut, l’établissement s’expose à devoir réintégrer l’intéressé sur un poste compatible avec son état de santé, le cas échéant sous astreinte (TA Lille, 06 juillet 2016, n° 1403244).

Surtout, l’agent pourra rechercher la responsabilité de l’Administration du fait du non-respect des préconisations médicales lui permettant d’exercer son emploi dans des conditions préservant sa santé. Cette négligence fautive de l’employeur s’agissant de ses obligations en matière de santé et sécurité sera susceptible de donner lieu à l’indemnisation des préjudices de l’agent au titre de son préjudice moral, voire au titre d’un harcèlement moral (TA Pau, 15 septembre 2017, n° 1501364).

NOTA BENE : cette interprétation est également partagée par le juge judiciaire : l’employeur confiant des tâches mettant en jeu la santé du salarié de manière habituelle, en méconnaissance des préconisations d’adaptation de son poste de travail, peut s’analyser comme un harcèlement moral (Cass. soc., 07 janvier 2015, n°13-17.602).

Ces circonstances sont ainsi de nature à faire obstacle ou, à tout le moins, à limiter la faculté dont dispose l’Administration de modifier les tâches confiées à un agent à son retour de congé de maladie : le poste de travail auquel sera, le cas échéant, réaffecté l’intéressé devra s’avérer conforme aux éventuelles recommandations formulées par le comité médical ou la commission de réforme.

Enfin, et de manière plus générale, rappelons que la modification des tâches confiées à l’agent pourra trouver sa limite dans l’exercice par celui-ci de son droit de retrait. Encadré par les articles L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail (opposables aux employeurs publics), le droit de retrait constitue un principe général du droit (PGD), permettant ainsi à tout agent de s’en prévaloir (TA Besançon, 10 octobre 1996, n°960071).

L’exercice de ce droit suppose cependant la réunion de deux conditions d’interprétation stricte (notamment quant au caractère cumulatif de celles-ci) :

  • Un danger grave pour la vie ou la santé de l’agent : c’est à dire une menace directe pour l’intégrité physique de la personne.
  • Un danger à caractère imminent : le risque doit être susceptible de se présenter, avec une relative certitude, dans un avenir poche.

Par principe, seule la preuve avérée et circonstanciée d’un danger grave et imminent – ou, à tout le moins, un motif raisonnable laissant penser qu’un tel risque est sur le point de survenir – permettra aux personnels d’un service d’invoquer ce droit. En d’autres termes, la potentialité du risque n’est pas de nature à fonder, de plein droit, l’exercice du droit de retrait, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’abandon de poste.

Conclusion

Dans le contexte d’état d’urgence sanitaire relatif à l’épidémie de Covid-19, il est possible de recourir au dispositif prévu à l’article 99 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 permettant, en cas d’absentéisme ou d’urgence, de confier à un agent des tâches qui ne lui sont pas habituellement dévolues dans l’intérêt du service.

Si ces dispositions permettent de déroger, de manière exceptionnelle, au principe constant selon lequel l’Administration a l’obligation d’affecter un fonctionnaire à des tâches correspondant à son grade, elles trouvent toutefois leurs limites, notamment :

  • Dans l’interdiction de confier à l’intéressé, en tout état de cause, des missions relevant d’une profession réglementée (infirmiers, assistants de service social …) ;
  • Dans le respect des éventuelles préconisations médicales relatives à l’adaptation du poste de travail de l’agent (compatibilité des tâches confiées avec son état de santé) ;
  • Dans l’exercice, plus généralement, de leur droit de retrait par les personnels concernés.

Sous ces réserves, le refus de l’agent pourra s’analyser comme un manquement fautif à son devoir d’obéissance hiérarchique, dès lors susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

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