Pour éviter tout risque d’annulation par le juge, une procédure d’abandon de poste doit respecter un cadre juridique précis. Chaque mois désormais, l’équipe d’Hospimedia Réponse expert* apporte son décryptage juridique sur un sujet d’actualité sur HOSPIMEDIA.
Le régime de l’abandon de poste résulte, pour l’essentiel, d’une construction jurisprudentielle. En dehors d’une circulaire du 11 février 1960, les textes sont quasiment muets à ce sujet. Ainsi, il n’existe pas de définition législative ou réglementaire de l’abandon de poste. Dans la fonction publique, cette situation constitue un manquement à l’obligation de servir et au devoir d’obéissance hiérarchique auxquels est tenu tout agent. La procédure à suivre est donc la même pour les agents titulaires ou contractuels de droit public.
Comment caractériser l’abandon de poste ?
L’abandon de poste ne peut résulter du simple et seul constat de l’absence inexpliquée ou d’un refus de reprise des fonctions de l’agent. Faute de définition statutaire, l’appréciation se fait nécessairement au cas par cas, sous le contrôle du juge.
Ne peuvent ainsi être qualifiés d’abandon de poste :
- les retards ponctuels ;
- les absences injustifiées de quelques jours ;
- le refus d’occuper un poste donné ou de rejoindre un nouveau site ou service d’affectation ;
- la participation illégale à un mouvement de grève ;
- le fait de se soustraire aux contrôles médicaux ;
- ou, plus récemment, le refus de déférer à une injonction de rejoindre leur poste par des agents ne justifiant pas du respect de l’obligation vaccinale mais bénéficiant d’un congé de maladie régulièrement accordé.
De jurisprudence constante, il est nécessaire d’établir sans équivoque « la volonté de l’agent de rompre ses liens avec le service« . Le silence gardé par l’agent ou son refus de rejoindre son emploi, sans motif légitime et alors qu’il a été dûment mis en demeure de le faire avant un certain délai, caractérise une telle volonté.
Quel formalisme respecter pour la mise en demeure ?
La mise en demeure constitue le point cardinal de la procédure. Elle vise à provoquer la justification de l’absence ou le retour dans le service. Ce n’est qu’après avoir respecté cette formalité, selon la réponse fournie par l’agent, que l’administration pourra le radier des cadres ou le licencier, sans respecter la procédure disciplinaire. Son importance est donc capitale. La moindre irrégularité dans la mise en demeure pourrait entacher la légalité de l’ensemble de la procédure.
Sur la forme, la mise en demeure doit nécessairement être écrite et rester sans réponse. Un courrier adressé en recommandé avec accusé de réception est à privilégier, pour d’évidents enjeux probatoires mais également car son destinataire sera réputé avoir été régulièrement notifié, même s’il refuse les courriers ou ne va pas les retirer au bureau de poste sous quinze jours. Ceci permet d’éviter que l’agent fasse obstacle à la procédure pour abandon de poste en refusant systématiquement les plis qui lui sont adressés par son employeur.
Sur le fond, selon une décision du Conseil d’État du 11 décembre 1998, plusieurs mentions doivent obligatoirement figurer dans le courrier de mise en demeure :
- les éléments d’identification habituels d’un acte administratif (auteur, date, etc.) ;
- un exposé des griefs retenus et les risques encourus par l’agent (radiation des cadres ou licenciement, sans application des garanties disciplinaires) ;
- une sommation explicite de reprendre ses fonctions (une simple lettre constatant l’absence de l’agent ou lui demandant des explications n’est pas suffisante) ;
- un délai clair, ferme et précis pour rejoindre son poste (délai raisonnable).
Quel délai accorder à l’agent ?
Le délai est fixé librement par l’administration, mais il doit être « approprié », c’est-à-dire suffisant pour permettre à l’agent de réagir dans les temps. Si le délai accordé à l’agent est excessivement bref, la mise en demeure sera illégale et la décision ultérieure de radiation des cadres ou de licenciement le sera également.
Dans certains cas, le juge a admis qu’un délai de 24 heures ou 48 heures entre la notification de la mise en demeure et la date fixée à l’agent pour rejoindre son poste était suffisant (deux décisions du Conseil d’État du 28 février 2001 et du 25 juin 2003). Il a en revanche estimé, dans une autre décision du 25 juin 2003, qu’une reprise de fonction le jour même est à proscrire. L’appréciation se faisant au cas par cas, un aussi court délai ne peut pas être systématiquement et indifféremment appliqué à chaque cas d’espèce.
En toute hypothèse, le Conseil d’État précise qu’il est illégal pour l’employeur de prononcer la radiation de l’agent avant la date fixée dans la mise en demeure, voire avant l’expiration du délai de quinze jours dont dispose l’agent pour récupérer le pli recommandé en bureau de poste (décisions du 5 décembre 1994 et du 20 avril 2021).
Quelles conséquences si l’abandon de poste est établi ?
Lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure — et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical de nature à expliquer le retard que l’agent aurait eu à se manifester —, l’employeur est en droit d’estimer que l’intéressé a rompu le lien avec le service.
Dans ce cas, l’abandon de poste est sanctionné par un régime exorbitant du droit commun. Selon qu’il est titulaire ou contractuel, l’agent est radié des cadres ou licencié sans préavis ni indemnité et sans application des garanties disciplinaires, à savoir l’accès au dossier, le respect du contradictoire et des droits de la défense, etc.
En effet, en abandonnant son poste, l’agent est considéré comme ayant délibérément renoncé aux garanties offertes par son statut en se plaçant, de sa propre initiative, en dehors du champ d’application des lois et règlements édictés en vue de garantir l’exercice de ses droits. D’où l’exclusion du service prononcée sans avoir à suivre la procédure disciplinaire de droit commun.
Attention néanmoins car, bien que l’abandon de poste permette à l’administration de s’affranchir des règles prévues en matière disciplinaire, il ne la dispense pas pour autant d’adopter une décision administrative de radiation des cadres ou des effectifs, en bonne et due forme : motivation en fait et en droit, mentions relatives à l’identification et signature de l’auteur de l’acte, mentions des voies et délais de recours.
Enfin, il est à noter que la cessation des fonctions pour abandon de poste ne constitue pas une perte involontaire d’emploi ouvrant droit à l’allocation chômage. Un décret du 16 juin 2020 précise en effet que, contrairement à la démission ou au refus de renouvellement de contrat, peu importe la légitimité des motifs y ayant conduit, l’abandon de poste sera toujours privatif du versement des allocations d’aide au retour à l’emploi (ARE).