La vulnérabilité des adultes sous protection juridique nécessite de leur garantir un cadre de vie sécurisant. Des recommandations quant à la gestion de leur argent et objets personnels ont été formulées. Chaque mois, l’équipe d’Hospimedia Réponse expert apporte son décryptage juridique sur un sujet d’actualité dans HOSPIMEDIA.
Quid du statut particulier du majeur protégé ?
Trois principales mesures concernant la protection du majeur protégé existent : la sauvegarde de justice, la curatelle (renforcée ou simple) ou la tutelle. La mesure mise en œuvre sera proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé :
- la sauvegarde de justice sera privilégiée lorsque l’incapacité de la personne est temporaire ou que son état de santé nécessite une protection immédiate pendant l’instruction de la demande aux fins de mise en place d’une mesure plus protectrice (tutelle ou curatelle), c’est une mesure de protection immédiate, souple et de courte durée ;
- la curatelle répond aux besoins de protection d’une personne ayant subi une altération de ses facultés mentales et qui nécessite qu’elle soit assistée et conseillée dans les actes les plus graves de la vie civile, elle consacre la semi-capacité de la personne protégée, la curatelle peut être simple ou renforcée en fonction des difficultés rencontrées par la personne ;
- la tutelle (définie par le Code civil) sera choisie pour protéger des personnes majeures ayant besoin d’être représentées de manière continue dans les actes de la vie civile, même sous tutelle, une personne peut accomplir les actes de vie courante sous réserve que son état le permette.
Comment assurer la gestion de l’argent ?
Concernant la gestion de l’argent des personnes sous tutelle, l’analyse documentaire de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm, agence intégrée depuis avril 2018 à la Haute Autorité de santé), relative aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles précise que : « Gérer son argent constitue socialement une « preuve » de sa responsabilité, de son statut de personne responsable, d’adulte. […] Gérer de l’argent, c’est à la fois prendre des risques et se projeter dans l’avenir : dilapider, placer, thésauriser, sont des manières pour un individu d’ajuster ses richesses à sa vision de l’avenir. »
Or, continue l’Anesm, pour des raisons qui vont de la protection de la personne à la protection de l’intérêt d’un tiers (famille ou établissement), il n’est pas rare que l’on assiste à des abus à ce sujet. Selon elle, « l’usage d’argent par les résidents est un facteur non négligeable de maintien de l’identité (confiance en soi, appartenance sociale, valeur personnelle, autonomie …), du maintien de la socialisation (connaître les coûts en vigueur des objets courants, prendre connaissance de nouveaux objets…), de l’entretien du plaisir de vivre (se faire plaisir, satisfaire une envie, un désir, un souhait…). Les tuteurs et familles doivent faire l’objet d’une démarche particulière en ce sens. » Il est ainsi recommandé par l’agence de concevoir des moyens pour permettre aux familles de comprendre l’importance de cet usage (détention, toucher) malgré leurs éventuelles craintes de perte, de vol, d’acte « irraisonné ».
La présence de l’argent au sein d’un établissement peut engendrer des risques tels que la perte et le vol pourtant le droit à disposer de ressources financières est un droit fondamental et assure à la personne un lien avec le réel. Aucun texte ne vient préciser le sort de l’argent de poche d’un résident placé sous tutelle, de sorte, qu’il revient au tuteur et à l’établissement de prévoir ensemble ce procédé. Libre à eux de mettre en place cette gestion quotidienne. Un règlement de fonctionnement pourra prévoir ces modalités de gestion et sécuriser juridiquement la mise en œuvre des pratiques. En revanche, dans l’hypothèse où les facultés mentales du majeur protégé le permettent, il revient au tuteur de lui donner l’information sur le procédé mis en place. Le droit à l’information du majeur protégé s’impose.
Gestion et dépôt des effets personnels en établissement
Le cadre légal et réglementaire est celui prévu aux articles L1113-1 à L1113-10 et R1113-1 à R1113-9 du Code de la santé publique et visé dans la circulaire interministérielle du 27 mars 1994. Le cas des personnes hors d’état de manifester leur volonté (applicable aux résidents sous tutelle) est en partie évoqué aux articles R1113-4 et 5 du Code de la santé publique. Ce code vise surtout le dépôt de biens à l’admission (à l’entrée) ou le retrait final (au départ de la structure) mais la circulaire étend le principe et évoque le cas du dépôt et du retrait d’objets ou sommes d’argent en cours de séjour.
Par ailleurs, l’Ehpad est responsable des biens et valeurs mobilières qui lui sont confiés. En ne se calquant pas a minima sur le cadre légal et réglementaire en vigueur pour la gestion des effets personnels, il existe un risque pour l’établissement. En cas de litige, le juge pourrait très probablement décider de faire application de ce régime juridique pour constater la défaillance de l’Ehpad et un manquement à ses obligations, même si par exemple, la remise de l’argent de poche s’est faite, en pratique, dans un cadre plus informel que la procédure de dépôt de biens.
Dans un souci de sécurité juridique, il est donc primordial de conserver l’aspect traçabilité du dépôt ou du retrait prévu par les textes (faire un reçu, dresser un inventaire, contradictoire si possible).
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