« Référé-liberté : Suspension de la décision médicale de mettre en oeuvre l’arrêt des soins thérapeutiques d’un patient, au regard de l’expertise d’un médecin spécialisé en neurologie désigné par le juge des référés » – Ordonnance du 18 février 2020, Tribunal administratif de Clergy Pontoise.
Rappelant le contentieux associé à l’affaire Vincent Lambert, cette affaire ravive le débat actuel sur la fin de vie en absence de directives anticipées du patient et de désignation de personne de confiance.
Les faits
En l’espèce, le 17 janvier 2020, un homme a été hospitalisé en réanimation au centre hospitalier de Pontoise pour un coma sur accident vasculaire cérébral hémorragique. Depuis cette date, ce patient est hospitalisé au sein du service de réanimation.
Le patient est intubé sous aide respiratoire simple, dont l’aide à la ventilation ne se déclenche qu’en fonction de ses besoins.
Dès le 23 janvier 2020, une rencontre avec certains membres de la famille a eu lieu au cours de laquelle des informations leur ont été données sur l’état clinique du patient et sur la possibilité d’arrêter les traitements.
Le 29 janvier 2020 s’est déroulé un entretien avec les membres de la famille au cours duquel ils ont pu être informés de l’état défavorable du patient.
Le 30 janvier 2020, à la suite de la procédure collégiale effectuée avec l’équipe médicale, la famille a été informée de la décision du médecin en charge du patient d’arrêter les traitements. Les membres de la famille du patient forment un référé liberté et invoquent donc l’article L.521-2 du code de la justice administrative afin de faire annuler la décision médicale d’arrêt du traitement.
Dans une ordonnance du 4 février 2020, le juge des référés nomme un expert spécialisé en neurologie qui sera chargé dans le délai d’un mois de se prononcer sur l’état du patient et de conclure si l’arrêt des soins thérapeutiques du patient peut être prononcé.
La décision de l’expert médecin neurologue
Au cours de son analyse l’expert a pu considérer que :
« (…) M. T se trouve dans un coma « profond » et non dans un coma dit « dépassé » correspondant à un état de mort cérébrale clinique. L’expert précise que le pronostic vital et fonctionnel est extrêmement défavorable, mais qu’il n’est pas exclu qu’en l’absence de l’assistance respiratoire intermittente actuellement réalisée, une ventilation spontanée soit suffisante, entraînant néanmoins un risque d’aggravation rapide par encombrement et pneumopathie. »
L’Ordonnance du 18 février 2020 du juge des référés
Le juge des référés mentionne dans l’ordonnance du 18 février 2020 que : « La seule circonstance qu’un patient, âgé, soit dans un état de coma « profond » sans espoir d’amélioration ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable. L’expert désigné par le tribunal indique d’ailleurs qu’un arrêt des soins « complet », de l’alimentation et de l’hydratation est « difficile à envisager » compte tenu de l’état du patient qui n’est pas en coma « dépassé ».
Il ressort au demeurant des observations du centre hospitalier à la suite du rapport d’expertise et des propos tenus lors de l’audience par le médecin en charge du patient que l’équipe médicale est en accord avec la proposition de l’expert de sevrage de l’aide respiratoire intermittente, de façon à se placer dans des conditions physiologiques normales et naturelles, répondant ainsi au souhait de la famille de M. T d’une mort « naturelle », avec maintien d’une alimentation-hydratation et traitement antalgique».
Ainsi, en se fondant sur l’expertise du médecin spécialisé en neurologie, le juge des référés a estimé que la poursuite du traitement n’est pas injustifiée comme le préconisait a contrario le médecin et son équipe médicale.
En effet, en cas de coma profond d’un patient et même sans espoir d’amélioration de ce dernier, l’équipe médicale ne peut se fonder sur ces faits pour justifier l’arrêt des soins thérapeutiques du patient.
De même, le juge relève que le centre hospitalier est en accord avec la proposition de l’expert de procéder au sevrage de l’aide respiratoire intermittente dont bénéficie actuellement le patient de façon à le placer, avec le maintien d’une alimentation-hydratation et d’un traitement antalgique, dans des conditions physiologiques susceptibles de conduire à un décès présentant un caractère naturel, comme le désire sa famille.
Par conséquent, la décision mettant fin au traitement du patient n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie et dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable est annulée. Le juge des référés suspend la décision d’arrêt de traitement du patient prise par le médecin et son équipe médicale lors de la procédure collégiale.
Demande de démonstration