La question sensible du sort du corps des enfants nés sans vie se pose pour nombre d’établissements de santé.
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le taux de mortinatalité — c’est-à-dire des enfants nés sans vie par mort fœtale spontanée ou interruption médicale de grossesse — est de 8,8 pour 1 000 naissances en 2022. Avec presque 1% de mortalité, nombre d’établissements de santé se retrouvent face à la question du sort du corps de l’enfant né sans vie.
Lorsqu’un enfant décède à la naissance, l’article 79-1 du Code civil dispose que l’officier d’état civil peut octroyer à l’enfant décédé deux qualifications différentes :
- enfant décédé né vivant et viable. Le médecin pourra dès lors effectuer un acte de naissance ainsi qu’un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de naissance et de décès ;
- enfant né sans vie. En l’absence d’un certificat attestant que l’enfant est né vivant et viable mais en présence d’un certificat d’accouchement, il sera possible d’établir un acte d’enfant sans vie.
Dans le cas de l’enfant né sans vie, les parents peuvent réclamer, ou non, le corps de l’enfant.
La réclamation du corps de l’enfant par les parents
L’article R1112-75 du Code de la santé publique précise que les parents ou, à défaut, les proches, peuvent réclamer le corps de l’enfant dans un délai de dix jours. Ces derniers auront dès lors la possibilité d’organiser des funérailles, que ce soit par crémation ou par inhumation, comme le précise la circulaire du 19 juin 2009. Dans ces circonstances, le corps doit être remis sans délai par l’hôpital.
De plus, l’établissement a l’obligation d’attendre ce délai de dix jours avant d’effectuer une quelconque action. En ce sens, les juges administratifs n’hésitent pas à condamner tout établissement de santé ne respectant pas cette contrainte (décision du Conseil d’État du 29 septembre 2023 ; décision du tribunal administratif de Melun du 12 mai 2023, n° 2007562**). C’est uniquement lorsque ce délai est passé que l’établissement de santé doit prendre des mesures.
Ces règles s’appliquent lorsqu’un certificat médical d’accouchement a été dressé, permettant la qualification de l’enfant né sans vie et la possibilité, ou non, pour les parents de réclamer le corps. Si aucun certificat n’a été rédigé, les obligations des établissements quant au délai d’attente de dix jours ne s’appliquent pas. Il est néanmoins recommandé de procéder à la crémation du corps dans les mêmes dispositions que celles applicables aux pièces anatomiques d’origine humaine (PAOH).
L’absence de réclamation du corps de l’enfant
Quand aucune réclamation n’est faite, l’établissement de santé dispose d’un délai de deux jours francs pour procéder, à sa charge, à la crémation du corps de l’enfant ou, lorsqu’une convention avec la commune le prévoit, à son inhumation par celle-ci, comme le prévoit l’article R1112-76 du Code de la santé publique.
La circulaire de 2009 précise que, si aucune convention n’est prévue, la crémation de l’enfant né sans vie s’effectue selon les dispositions applicables aux PAOH. Cette pratique est encadrée par les articles R1335-9 à R1335-12 du même code et les articles 12 et 13 de l’arrêté du 24 novembre 2003.
Ainsi, concernant les modalités de l’élimination des PAOH :
- l’établissement de santé est tenu de les éliminer ;
- elles doivent être, si nécessaire, conditionnées de manière appropriée dès la production. Elles sont par la suite collectées dans des emballages rigides, compatibles avec la crémation, et homologuées ;
- les PAOH assimilées à des déchets de soins, doivent être, dès leur production, séparées des autres déchets ;
- les emballages sont fermés de façon définitive avant leur transport et portent la mention « pièces anatomiques d’origine humaine destinées à la crémation » en toutes lettres. Le nom du producteur y est également mentionné.
Concernant l’incinération, tout producteur de PAOH doit établir une convention avec l’exploitant du crématorium et, le cas échéant, le transporteur. Celle-ci doit contenir les informations listées dans l’annexe 3 de l’arrêté du 7 septembre 1999. Toute modification des conditions d’élimination doit faire l’objet d’un avenant établi dans les mêmes formes. La procédure doit s’effectuer dans un crématorium autorisé et dont le gestionnaire est titulaire de l’habilitation prévue à l’article L2223-41 du Code général des collectivités territoriales. Enfin, l’incinération doit être réalisée en dehors des heures d’ouverture du crématorium au public.
L’apport de la jurisprudence
Les juges sont également venus apporter quelques précisions relatives à l’incinération des pièces anatomiques d’origine humaine. Un établissement de santé a notamment été condamné par le juge administratif pour avoir procédé à l’incinération du corps d’un enfant mort avec les autres déchets hospitaliers (décision de la cour administrative d’appel de Lyon du 18 novembre 2003). De même, les juges européens ont condamné la Croatie à la suite de l’incinération par un établissement de santé du corps d’un enfant sans vie « en même temps que les déchets hospitaliers » (Cour européenne des droits de l’homme, 12 juin 2014, n° 50132/12).
Par ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique a apporté, dans son avis du 22 septembre 2005, plusieurs recommandations. Il estime ainsi que « le fœtus doit faire l’objet du respect que l’on doit à son origine humaine. Il ne peut en aucune façon être considéré comme un « déchet hospitalier »« . Le comité souligne également que le « désir des parents concernant le devenir du corps du fœtus ou du nouveau-né doit toujours être respecté quel qu’il soit ».
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