L’expérimentation de la rupture conventionnelle se poursuit dans la fonction publique. L’occasion de dresser un bilan de la jurisprudence.
Jusqu’au 31 décembre 2025, les fonctionnaires titulaires des trois fonctions publiques ainsi que les agents ou praticiens contractuels en CDI peuvent convenir d’une rupture conventionnelle. Les agents stagiaires et ceux en CDD sont exclus du dispositif.
La demande de rupture conventionnelle
Cette procédure peut être engagée à l’initiative de l’agent ou de l’employeur, par écrit (recommandé avec avis de réception ou remise en main propre contre signature). L’administration saisie doit s’assurer que l’agent y est éligible, la rupture ne s’appliquant pas :
- pendant la période d’essai et en cas de licenciement ou démission d’un contractuel ;
- pour les fonctionnaires détachés en qualité d’agent contractuel ;
- si l’agent public est âgé d’au moins 62 ans et justifie des trimestres pour une retraite à taux plein. Cette condition s’apprécie à la date de cessation des fonctions et non à la date de la demande de rupture conventionnelle (tribunal administratif de Besançon, Doubs, 1er décembre 2022).
La jurisprudence a en revanche admis que la rupture conventionnelle était possible avec un agent en congé ou en disponibilité pour raison de santé (tribunal administratif de Melun, Seine-et-Marne, 17 août 2022 ; tribunal administratif de Rouen, Seine-Maritime, 4 octobre 2022 ; tribunal administratif de Montpellier, Hérault, 22 mai 2023). Elle reste cependant impossible en cas d’inaptitude définitive à toutes fonctions (tribunal administratif de Nancy, Meurthe-et-Moselle, 6 avril 2023).
L’organisation obligatoire d’un entretien préalable
L’employeur doit systématiquement et a minima organiser un entretien préalable, même s’il entend d’emblée rejeter cette demande (tribunal administratif de Paris, 13 juin 2022 ; tribunal administratif de Lille, Nord, 21 juillet 2022). Les entretiens complémentaires sont quant à eux facultatifs (tribunal administratif de Lille, 8 février 2023).
En dehors des règles suivantes, le formalisme de l’entretien est libre. Il peut même avoir lieu en audioconférence (tribunal administratif de Toulouse, Haute-Garonne, 9 mai 2023) :
- l’entretien doit être fixé au plus tôt dix jours francs après réception de la lettre de demande (délai de réflexion) et au plus tard un mois après. Le délai ne court pas tant que la demande est incomplète, comme lorsqu’un complément d’information a été demandé (tribunal administratif de Montpellier, 31 mars 2023) ;
- l’autorité investie du pouvoir de nomination ou son représentant doit conduire l’entretien ;
- l’agent peut se faire assister par un conseiller (représentant du personnel ou, à défaut, conseiller syndical de son choix). S’il fait usage de ce droit, il doit en avertir l’administration en amont ;
- les textes encadrent les points qui doivent obligatoirement être abordés durant l’entretien. Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle n’a cependant pas à être envisagé dès le premier entretien et peut même ne pas être évoqué si le principe même de la rupture est refusé (tribunal administratif de Nîmes, Gard, 21 avril 2023).
À la suite de l’entretien, les textes ne déterminent aucun délai d’instruction. Il ne peut donc être reproché à l’administration de ne pas s’être prononcée dans un délai raisonnable (tribunal administratif de Lille, 8 février 2023 ; tribunal administratif de Toulouse, 9 mai 2023).
L’indemnité de rupture
Les parties négocient librement le montant de l’indemnité dans le respect des bornes prévues par la réglementation. Ces montants minimum et maximum sont déterminés en fonction de deux paramètres :
- l’ancienneté de l’agent (services accomplis dans les trois fonctions publiques, peu importe le statut) ;
- la rémunération annuelle brute perçue auprès d’employeurs publics l’année civile précédente. Il n’y a pas lieu de rétablir fictivement la rémunération de référence, si celle-ci était réduite ou nulle. Pour un fonctionnaire en disponibilité, la rupture conventionnelle peut ainsi être signée mais avec une indemnité égale à zéro (tribunal administratif de Versailles, Yvelines, 19 avril 2023).
De manière générale, il revient à l’agent de dénoncer la convention de rupture si le montant ne lui convient pas.
Procédure en cas de refus
La rupture conventionnelle ne peut pas être imposée à l’autre partie. La jurisprudence rappelle surtout qu’elle ne constitue pas un droit pour les agents qui en remplissent les conditions. Pour cette raison, une décision de refus n’a pas à être motivée (tribunal administratif d’Orléans, Loiret, 11 octobre 2022 ; tribunal administratif de Dijon, Côte-d’Or, 5 janvier 2023 ; tribunal administratif de Montpellier, 31 mars 2023).
Le refus reste possible et l’administration n’est pas tenue de signer la convention, même si elle avait initialement émis un avis favorable à ce sujet, ou même si des courriels ont déjà été échangés sur l’estimation du montant de l’indemnité (tribunal administratif de Caen, Calvados, 12 mai 2023 ; tribunal administratif de Lyon, Rhône, 5 juillet 2022 ; tribunal administratif de Mayotte, 1er juillet 2022).
Chronologiquement, la date de l’entretien doit toujours précéder la décision de rejet. Organiser un entretien a posteriori pour en expliquer les raisons ne permet pas de régulariser la procédure.
Procédure en cas d’acceptation
Si les parties trouvent un accord, elles le formalisent dans une convention, dont le modèle a été fixé par arrêté, qu’elles peuvent signer au plus tôt quinze jours francs après le dernier entretien.
Chaque partie dispose ensuite d’un délai de rétractation par écrit de quinze jours francs qui a pour point de départ le jour suivant la date de la signature de la convention. Contrairement au secteur privé, aucune homologation n’est requise. En l’absence de rétractation, l’agent est radié des cadres à la date convenue dans la convention, au plus tôt un jour après la fin du délai de rétractation.
L’agent qui conclut une rupture conventionnelle reste tenu de solder ses congés annuels et jours de compte épargne temps, sans pouvoir exiger leur indemnisation en dehors des conditions de droit commun (tribunal administratif de Rennes, Ille-et-Vilaine, 2 mars 2023).
Une fois la rupture convenue, l’agent reste éligible au versement des allocations chômage, mais encore faut-il qu’il remplisse l’ensemble des conditions, en particulier celle de recherche d’emploi (tribunal administratif d’Amiens, Somme, 22 mars 2023).
Durant les six années suivantes, si l’agent est à nouveau recruté dans l’établissement avec lequel il a signé une rupture conventionnelle, il devra rembourser sous deux ans l’indemnité qui lui a été versée. À ce titre, il est exigé lors du recrutement que l’agent produise une attestation sur l’honneur comme quoi il n’en a pas bénéficié. Cette condition s’apprécie strictement. S’il ne s’agit pas du même établissement ou de la même collectivité, demander le remboursement est illégal (tribunal administratif de Strasbourg, Collectivité européenne d’Alsace, 4 avril 2023).
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