Un nouveau texte a été publié au Journal Officiel le 3 août pour renforcer la prévention santé au travail. Il entrera en vigueur le 31 mars 2022, sauf disposition contraire.
TEXTE :
– Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail
La Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 vient transposer l’accord national interprofessionnel conclu le 10 décembre 2020 par les partenaires sociaux en vue de réformer la santé au travail.
Les nouvelles dispositions législatives opèrent plusieurs changements au sein des ressources humaines en santé. Par ailleurs, elles instaurent divers dispositifs visant à assurer un suivi médical renforcé des travailleurs. Pour rappel, les dispositions relatives aux services de santé au travail sont applicables aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article 2 de la Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 conformément à l’article L4621-1 du Code du travail.
Collaboration entre médecine du travail et médecine de ville
Afin de pallier à la pénurie des médecins du travail, des médecins de ville pourront, sous réserve de disposer d’une formation en médecine du travail, contribuer au suivi médical des travailleurs.
Ces nouveaux acteurs dénommés « médecin praticien correspondant » ne pourront cumuler cette fonction avec celle de médecin traitant. Cette mesure est cependant limitée à deux titres :
- Elle ne s’applique qu’aux zones caractérisées par un nombre insuffisant ou une disponibilité insuffisante de médecins du travail pour répondre aux besoins du suivi médical des travailleurs, lesquelles sont arrêtées par le directeur général de l’agence régionale de santé après concertation avec les représentants des médecins du travail ;
- Elle ne concerne pas les suivis renforcés auxquels sont soumis les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail.
Les modalités de la contribution des médecins praticiens correspondant sont définies au moyen d’un protocole de collaboration conclut avec le service de prévention et de santé au travail.
Consécration du statut d’infirmer de santé au travail
La loi du 2 août 2021 vient modifier la quatrième partie du Code du travail, laquelle traite pour partie des personnels concourant aux services de santé au travail. En conséquence, les médecins du travail ne sont plus les seuls acteurs de ces services puisque la loi consacre le statut d’infirmier de santé au travail.
Des obligations de formation sont instituées par le législateur. En effet, l’infirmier de santé au travail doit être diplômé d’Etat et disposer d’une formation spécifique en santé au travail. À défaut, son employeur doit l’y souscrire dans les douze mois suivant son recrutement et prendre en charge le coût de ladite formation. En cas de contrat d’une durée inférieure à douze mois, la formation doit intervenir avant le terme du contrat. Ces obligations de formation entrent en vigueur au plus tard le 31 mars 2023.
S’agissant des fonctions de l’infirmier, celui-ci assure les missions qui lui sont dévolues par le Code du travail et notamment la visite médicale de mi-carrière, elle-même née des dispositions de la présente loi.
Visite de mi-carrière
Suivant l’objectif de renforcer le suivi médical des travailleurs, la loi du 2 août 2021 instaure une nouvelle visite médicale dite de « mi-carrière ». La finalité de cette visite est triple :
- Etablir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travail, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnelles auxquelles il a été soumis ;
- Evaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
- Sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.
Celle-ci a lieu à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant la quarante-cinquième année du travailleur.
Santé au travail et dossier médical partagé
Dorénavant, le médecin du travail pourra, avec le consentement exprès du salarié, avoir accès au dossier médical partagé (DMP) de celui-ci.
Le DMP aura ainsi vocation à accueillir un « volet relatif à la santé au travail » au sein duquel figureront les éléments nécessaires au développement de la prévention ainsi qu’à la coordination, à la qualité et à la continuité des soins. La loi renvoie à la Haute Autorité de Santé (HAS) le soin de définir, dans ses recommandations de bonne pratique, les catégories d’informations susceptibles d’être intégrées dans ce volet. À titre d’exemple, elle mentionne les données d’exposition du travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels tel que le bruit.
Elle précise également que ces éléments ne seront accessibles qu’à des fins de consultation par les professionnels de santé participant à la prise en charge du travailleur.
Évolution du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP)
Conformément au Code du travail, l’employeur doit évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Les résultats qui en découlent sont intégrés au DUERP par l’effet d’un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’établissement.
Initialement présent au sein de la partie réglementaire du Code du travail, le DUERP va être inséré au moyen d’une nouvelle disposition, à la partie législative relative à la santé et la sécurité au travail. Le nouvel article L4121-3-1 précisera notamment la finalité de l’évaluation des risques effectuée par l’employeur. Les résultats de cette évaluation impliqueront :
- Pour les entreprises de 50 salariés ou plus, l’élaboration d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail ;
- Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés. Celles-ci seront consignées dans le DUERP.
Par ailleurs, l’accès au DUERP est élargi. En effet, si l’article R4121-5 énonce la liste des personnes pouvant avoir accès à ce document, le nouvel article L4121-3-1 empruntera une forme plus générique en énonçant que le document est « tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès ».
Une durée de conservation du DUERP est instaurée et ne pourra être inférieure à 40 ans. Cette règle permettra le recours à l’archivage en cas de maladie professionnelle y compris lorsque celle-ci se déclenche des années après la fin de l’exposition au risque. Les modalités de conservation seront fixées par décret en Conseil d’Etat.
Afin de garantir cette conservation, la Loi n° 2021-1018 prévoit un dépôt dématérialisé du DUERP au moyen d’un portail numérique. Celui-ci aura vocation à garantir la conservation et la mise à disposition du document tout en préservant la confidentialité des données qui y figurent. Aussi, une procédure d’authentification sécurisée sera intégrée pour le dépôt, la mise à jour et la consultation du document.
Nota Bene : l’obligation de dépôt dématérialisé du DUERP entre en vigueur au 1er juillet 2023 pour les entreprises de 150 salariés ou plus, et au plus tard au 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés.
Dispositifs de lutte contre la désinsertion professionnelle
Plusieurs mesures visent à assurer un meilleur accompagnement des personnes vulnérables et à lutter contre la désinsertion professionnelle. À ce titre, la loi prévoit la possibilité pour le médecin du travail de recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication (telle que la télémédecine).
Cet aménagement vise notamment les salariés dont l’état de santé physique et mentale ou les risques professionnels auxquels il sont exposés le justifient. Cette nouveauté permettra, en outre, d’associer au suivi individuel du salarié, un autre professionnel de santé tel que son médecin traitant.
Il est à noter que le législateur entoure cette pratique de plusieurs garanties : le recours à la télémédecine sera soumis au consentement préalable du salarié et la confidentialité des échanges entre celui-ci et le professionnel de santé sera respectée.
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