Depuis quelques semaines, la France se retrouve confronté à la propagation du Coronavirus sur son territoire national.
Le 29 février 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a expliqué que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’État, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles.
Aux termes du nouvel article 1218 du Code civil issu de la reforme du droit des contrats du10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
NOTA BENE : Antérieurement à la réforme du droit des contrats de 2016, les caractères de la force s’analysaient de la sorte : l’évènement de force majeure se caractérisait à travers la réunion de trois critères : l’imprévisibilité (tout évènement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat); l’irrésistibilité (tout évènement rendant le contrat irrésistible dans son exécution) ; et l’extériorité (évènement échappant au contrôle du débiteur). Bien que non repris expressément dans l’article 1218 du Code civil, l’idée reste partiellement présente.
La jurisprudence a-t-elle déjà reconnue la force majeure en matière d’épidémie?
A ce titre; les juges ont tendance à ne pas reconnaitre la force majeure en cas de crise sanitaire; ce fut notamment le cas pour :
- le bacille de la peste (Paris, 25 sept. 1996, n° 1996/08159);
- les épidémies de grippe H1N1 en 2009 (Besançon, 8 janvier 2014, n° 12/0229);
- le virus la dengue8 (Nancy, 22 novembre 2010, n° 09/00003);
- le virus du chikungunya (Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739)
Les juges ont pu considérer que l’événement de force majeure ne pouvait être constitué étant donné que ces maladies n’étaient soit pas assez connues ou soit non létales; c’est pourquoi dans ces situations la qualification de force majeure n’a pas été reconnue.
Ainsi, une épidémie n’est donc pas nécessairement ni automatiquement un cas de force majeure.
Une exception à la règle pour le Covid-19?
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a déclaré, que le Coronavirus n’était désormais plus une épidémie mais une pandémie.
De plus, le 13 mars dernier, Tedros Adhanom Ghebreye le Directeur de l’OMS a annoncé que l’Europe était l’épicentre de la pandémie du Coronavirus.
Ainsi, l’ampleur et la gravité du phénomène du Covid-19 démontrent que la situation actuelle relève d’une crise sanitaire exceptionnelle à l’échelle mondiale.
Afin d’invoquer le Coronavirus comme un évènement de force majeure, le contractant qui l’invoque devra démontrer que les conditions de force majeure sont réunies; et notamment l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures appropriées permettant l’exécution de ses obligations, ainsi que le lien de causalité entre le Coronavirus et l’impossibilité d’exécuter ses obligations.
S’agissant de l’imprévisibilité, on peut considérer que cette condition est respectée pour les contrats passés avant la déclaration de la propagation du virus.Toutefois, pour les contrats passés à compter de ce jour, il pourrait être opposé à la partie invoquant un cas de force majeure que la condition d’imprévisibilité ne soit pas respectée au regard des mesures prises par le gouvernement, notamment depuis la restriction d’aller et venir des individus, sauf dérogations.
Par conséquent, la principale difficulté ici est de déterminer à partir de quel moment peut-on considérer que le COVID-19 pouvait être connu pour impacter le contrat : lorsque l’épidémie a commencé en Chine ? en France ? lorsque nous sommes passés au niveau 2 ou au niveau 3 ?
De plus, ce n’est pas la pandémie qui constitue l’empêchement mais les mesures prises afin de freiner la propagation du virus; restrictions qui ne cessent d’évoluer.
Demande de démonstration