Comment attribuer une prime de fin d’année et des chèques cadeaux aux professionnels ?

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 18.12.2024 par Maxime Mathieu-Chef
Article Hospimedia

Les primes et avantages constituent des leviers d’attractivité, de valorisation et de fidélisation du personnel.

Information mise à jour : la fiche pratique est complétée par l’actualité parlementaire ainsi que par la jurisprudence des tribunaux administratifs et de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, corroborant l’état du droit sur le sujet, en particulier dans la fonction publique. Les plafonds réglementaires renseignés ont par ailleurs été actualisés.

En 2022, une proposition de loi visant à lever les freins à l’octroi d’une prime de 13e mois dans la fonction publique et améliorer ainsi l’attractivité du secteur a été déposée. Ce débat récurrent a été relancé au Sénat, fin 2024, à travers une nouvelle proposition de texte. En cette fin d’année, bon nombre d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux sont en effet désireux de récompenser l’investissement de leurs professionnels. La palette d’outils reste toutefois fortement nuancée entre employeurs de droit public et de droit privé, et accentue un contraste déjà marqué entre les deux secteurs.

Une ample marge de manœuvre dans le privé

Exception faite de certains dispositifs spécifiques — comme les primes de pouvoir d’achat ou de partage de la valeur, dites « primes Macron » —, les primes de fin d’année allouées aux salariés relevant du Code du travail ne sont pas prévues par la loi. Elles sont versées sur la base d’un accord collectif, d’une décision unilatérale de l’employeur, d’un usage dans l’entreprise ou l’établissement, voire directement prévues au contrat de travail. Ces primes peuvent prendre des formes diverses que ce soit quant à leur dénomination (prime de 13e mois, de Noël, prime annuelle, prime exceptionnelle, etc.), leur montant ou leurs modalités de versement (unique ou reconductible). Tout dépend donc du type de dispositif et du fondement juridique sur lequel il repose.

En dehors des primes qui présentent un caractère obligatoire, l’employeur privé dispose ainsi d’une relative latitude pour instaurer un dispositif indemnitaire ponctuel et exceptionnel au bénéfice de ses salariés.

En parallèle, les personnels peuvent bénéficier de bons d’achat dans le cadre de la gestion des activités sociales et économiques, par l’intermédiaire du comité social et économique ou directement par l’employeur. Il s’agit d’une simple faculté. L’attribution peut être généralisée à tous les salariés ou modulée en fonction de critères objectifs. Ces avantages sont en principe exonérés de cotisations tant que leur montant par année civile n’excède pas un certain plafond (193 euros en 2024), indique l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales sur son site. Au-delà de cette somme, une exonération reste possible sous conditions (événements identifiés, utilisation déterminée, montant).

La limitation des primes aux agents publics

Contrairement au secteur privé, les employeurs de la fonction publique se heurtent au principe de légalité qui leur interdit d’octroyer une prime ou une indemnité si celle-ci n’est prévue par aucun texte. « Les administrations ne peuvent payer les traitements et indemnités qu’en vertu des obligations résultant pour elles des lois et règlements »,  selon l’arrêt de principe du 29 novembre 1950 du Conseil d’État**.

Cette règle « pas de prime sans texte » est commune aux trois versants de la fonction publique et fait l’objet d’une jurisprudence constante (décision du Conseil d’État du 28 novembre 1990). Un établissement hospitalier ne dispose ainsi d’aucun pouvoir normatif lui permettant de créer une prime de toutes pièces, comme une prime de fin d’année. Dans une décision du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon (Rhône) a par exemple réaffirmé qu’aucune disposition légale ou réglementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière ne permet à l’établissement employeur de leur verser une prime de Noël.

Concrètement, il serait illégal pour l’établissement ou la collectivité de mettre en place, même dans le cadre d’un versement ponctuel et exceptionnel, une prime qui ne s’appuierait sur aucun texte législatif ou réglementaire. Le versement d’une rémunération accessoire aux agents ne peut se concevoir qu’en s’appuyant sur les dispositifs en vigueur qui visent à compenser certaines sujétions ou à récompenser l’assiduité et la manière de servir.

En 2023, le ministère en charge de la Fonction publique a également écarté dans une réponse écrite à un député toute possibilité de réinstaurer un mécanisme de 13e mois ou de prime annuelle, même pour remédier à la baisse d’attractivité du secteur public, en privilégiant pour ce faire le chantier de refonte des régimes indemnitaires. Cette réponse négative a réaffirmé, sans réelle surprise, la position déjà affichée par le Gouvernement, dans deux autres réponses écrites en 2017 puis 2018.

En revanche, cette restriction n’a pas vocation à s’appliquer aux prestations d’action sociale, l’article L731-3 du Code général de la fonction publique rappelant expressément que celles-ci « sont distinctes de la rémunération ». 

Les chèques cadeaux dans la fonction publique

En matière d’action sociale, le Code général de la fonction publique se borne à définir, de façon non limitative, certains champs d’action (notamment les repas, l’enfance, les loisirs, etc.) et formes de prestations (chèques emploi-service, titres-restaurant et aide aux vacances). Les cartes cadeaux accordées par l’employeur public à ses agents relèvent elles aussi de ce régime juridique : « L’attribution de chèques cadeaux ou de bons d’achat au titre de l’action sociale n’apparaît pas, par nature, contraire à ces principes », a indiqué le Gouvernement dans une réponse écrite en 2013.

L’action sociale ne s’assimile pas à une rémunération statutaire, laquelle englobe les primes et indemnités, et l’attribution de chèques cadeaux ou de bons d’achat ne peut être regardée comme la création d’un dispositif indemnitaire soumise au principe « pas de prime sans texte ». 

L’octroi de chèques cadeaux et de bons d’achat doit toutefois répondre à certaines conditions, posées par un avis du Conseil d’État du 23 octobre 2003. La qualification d’action sociale ne peut être retenue que si les prestations « présentent des caractéristiques garantissant leur vocation sociale et les distinguant des prestations à caractère marchand ; ce qui suppose notamment qu’elles ne se bornent pas à offrir des services disponibles et aisément accessibles […] et que leurs conditions d’octroi et de tarification les rendent accessibles à l’ensemble des agents, en particulier ceux à revenu modeste ». La gestion de l’arbre de Noël figure ainsi parmi les prestations traditionnelles de l’action sociale.

A contrario, toute prestation n’obéissant pas à une justification d’ordre social devra être regardée comme un avantage en nature, voire comme une prime irrégulièrement instaurée (risque de requalification par le juge). Par exemple, des chèques cadeaux alloués à diverses occasions (vacances d’été, enfants, fin d’année, départ retraite ou mariage/Pacs), pour des montants élevés (de 102 à 678 €) peuvent ainsi être regardés comme des compléments de rémunération correspondant à des primes et non à des prestations d’action sociale. Or les compléments de rémunération sont soumis au principe « pas de prime sans texte », ce qui les rendrait dès lors illégaux.

Une certaine vigilance est donc de rigueur. La chambre régionale des comptes d’Île-de-France l’a encore souligné dans un rapport de novembre 2023 s’agissant d’un établissement hospitalier qui avait souhaité remercier son personnel en complétant l’intéressement collectif par l’octroi d’une « carte-cadeau performance » de 150 €, l’intéressement individuel sous forme de primes étant prohibé. Ayant relevé le risque que cette pratique soit requalifiée par le juge administratif en complément de rémunération indu, la structure a indiqué « ne plus envisager de recourir à ce mécanisme juridiquement risqué ». 

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