Les professionnels de santé font régulièrement l’objet de photographies illicites, prises dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Prises comme souvenir, moyen de description ou élément de preuve d’un évènement par des patients ou personnes extérieures, les photos et vidéos prennent de plus en plus de place au sein des établissements de santé et médico-sociaux. Dans ce contexte, il est important d’aborder la question du droit à l’image des professionnels, qui sont parfois la cible de clichés pris à leur insu.
Le droit à l’image découle du droit à la vie privée
L’article 9 du Code civil pose le principe du droit au respect de la vie privée. Celui-ci est large. La jurisprudence reconnaît à toute personne son droit au respect de la vie privée, quelles que soient ses fonctions (décision de la Cour de cassation du 23 octobre 1990). Les tribunaux ont, sur ce principe, dessiné les contours du droit à l’image des individus. Dans un arrêt du 31 janvier 2012, la cour d’appel de Douai (Nord, n° 1100586**) en a ainsi fait découler le postulat selon lequel chacun a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable. Ce principe s’applique aussi bien pendant le temps de travail qu’en dehors.
La prise de photos et leur utilisation supposent donc le consentement préalable de l’intéressé. À ce titre, l’utilisation de l’image doit refléter l’autorisation donnée. Dès lors que l’image est utilisée dans un contexte différent, les juges indiquent qu’un consentement spécial doit être donné (décision de la Cour de cassation du 14 juin 2007). En revanche, lorsque la prise d’une photo ou d’une vidéo est accomplie au vu et au su de l’intéressé sans qu’il s’y soit opposé alors qu’il était en mesure de le faire, l’article 226-1 du Code pénal prévoit que son consentement est présumé. Le règlement intérieur de l’établissement peut prévoir une disposition relative au droit à l’image tant des professionnels que des usagers ou patients.
La possibilité de prendre des photos dans un lieu public
Dans un lieu public, le juge indique qu’il est possible de prendre des photos de groupe, tant que l’individu en question n’apparaît pas isolément sur le cliché grâce au cadrage réalisé par le photographe (décision de la Cour de cassation du 12 décembre 2000).
À ce titre, au sein d’un établissement sanitaire ou médico-social, les lieux de rencontre et de circulation (accueil, hall, couloirs), peuvent parfois s’apparenter à des lieux publics tandis que les chambres des patients peuvent être considérées comme des lieux privés. Par exemple, il est possible de prendre un groupe de personnes en photo ou un cliché d’illustration devant un hôpital mais il n’est pas permis de prendre un soignant en photo au sein d’une chambre sans son aval.
Des exceptions permettant de diffuser certaines images
Certaines exceptions prévues par la loi ou la jurisprudence peuvent permettre à des individus de prendre des photos ou des vidéos au sein d’un établissement de santé ainsi que de les diffuser. Tout d’abord, lorsque la personne n’est pas identifiable sur la photo, la jurisprudence considère qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée et à l’image et en approuve alors la diffusion (décision de la Cour de cassation du 21 mars 2006) .
Les juges ont pu considérer qu’un médecin était identifiable dans une vidéo alors même que son visage était masqué et sa voix déformée (décision de la Cour de cassation du 29 mars 2017). En effet, sa silhouette et sa physionomie étaient visibles, ainsi que son cabinet de consultation, rendant le praticien reconnaissable.
La liberté d’informer
En outre, la Cour de cassation autorise la publication d’images au nom de la liberté de communication des informations, lorsque les personnes sont impliquées dans un évènement d’actualité ou illustrant avec pertinence un débat d’intérêt général (décision du 20 février 2001). L’utilisation en est faite sous une forme librement définie par le journaliste. Toutefois, le respect de la dignité de la personne doit être assuré.
Pour illustration, en reprenant l’exemple de la prise en vidéo d’un médecin, la Cour de cassation a estimé, dans une décision du 29 mars 2017, que les propos tenus par les journalistes relevaient de leur liberté de la presse et étaient impropres à caractériser une atteinte à la dignité du médecin représenté.
Le droit à la preuve
Enfin, les tribunaux admettent en justice des preuves illicites. Ils considèrent que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, à la condition que celle-ci soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (décision de la Cour de cassation du 25 février 2016).
Le non-respect des principes et exceptions liées au droit à l’image peut donner lieu à des sanctions civiles et pénales (article 226-1 du Code pénal) en cas de plainte du professionnel concerné. Face aux risques de dérives, il est donc nécessaire de former les professionnels de santé afin d’adopter la bonne attitude dans les cas où ils seraient pris en photo ou en vidéo sans leur consentement.
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