Le patient est-il privé de son consentement lors d’une hospitalisation sous contrainte ?

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 25.09.2024 par Victor Dumesnil
Article Hospimedia

Lorsque l’admission se fait sans son consentement, l’assentiment du patient à bénéficier d’un traitement durant son séjour pose débat. 

Selon l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, 1,84 million de personnes de 16 ans ou plus ont été suivies en psychiatrie en établissement de santé en France en 2021. Parmi elles, 95 500 personnes, soit plus de 5%, ont été prises en charge au moins une fois sans leur consentement. « Ce taux augmente fortement lorsque l’on considère spécifiquement les personnes hospitalisées à temps plein en psychiatrie au cours de l’année (303 658) : 26% d’entre elles (78 400) l’ont été au moins une fois sans leur consentement. »

Les soins psychiatriques en établissement de santé mentale sont régis par le Code de la santé publique (CSP). L’article L3211-1 prévoit que les soins psychiatriques, tout comme les soins somatiques sont, par principe, effectués avec le consentement du patient ou, le cas échéant, avec l’autorisation de son représentant légal. Dans certaines situations particulières, l’hospitalisation peut se faire sans le consentement du patient. Dans ce contexte, les soins psychiatriques dits « sans consentement » du patient appellent une distinction.

En effet, l’article L3211-2-2 du CSP précise que l’hospitalisation sous contrainte peut prendre deux formes différentes :

  • l’hospitalisation complète dans un établissement de santé adapté ;
  • les soins sous toute autre forme (soins ambulatoires, soins à domicile, séjours à temps partiel, séjour de courte durée à temps complet, etc.) communément appelés programme de soins.

La place du consentement du patient varie selon l’hospitalisation choisie par l’équipe médicale.

L’hospitalisation complète

D’un point de vue textuel, il convient de se référer à l’article L3211-3 du CSP, lequel précise que toutes restrictions doivent obligatoirement être « adaptées, nécessaires et proportionnées à [l’état mental du patient] et à la mise en œuvre du traitement requis« . Cet article rejoint la recommandation n° 2004/10 du Conseil de l’Europe, laquelle évoquait déjà dans son article 19 la proportionnalité, à l’égard du patient, des traitements involontaires. En ce sens, l’article 16-3 du Code civil rappelle également la nécessité du consentement de l’intéressé à partir du moment où celui-ci peut être recueilli.

D’un point de vue jurisprudentiel, les juges nationaux et européens ont eu l’occasion de se prononcer sur la contrainte thérapeutique pour les personnes malades privées de leur liberté d’aller et venir. En ce sens, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt du 12 février 2004, informe que les moyens thérapeutiques peuvent être employés, au besoin de force, pour préserver la santé physique et mentale du patient. La mesure doit cependant être dictée par une nécessité thérapeutique, si désagréable soit-elle pour l’intéressée.

L’apport de la jurisprudence française

Les juridictions françaises se sont également prononcées sur le sujet. Ainsi, ne sera pas condamné l’établissement imposant l’administration d’un traitement, tant que cette contrainte reste médicalement adaptée et que la prise en charge en hospitalisation complète est régulière (arrêt du 31 janvier 2019, de la cour d’appel de Poitiers, Vienne). L’affaire concernait un patient qui n’acceptait pas la nécessité du traitement, essayait « sans cesse de négocier » son arrêt et repoussait « assez souvent les dates prévues de son injection neuroleptique retard« . Dans ces conditions, « la mesure de contrainte est totalement indispensable pour obliger ce patient à rester dans le soin« . D’autres décisions ont été rendues en ce sens (cour d’appel de Versailles, Yvelines, 22 octobre 2013** ; cour d’appel de Paris, 3 juillet 2017).

En revanche, en dehors d’une hospitalisation complète, quand bien même le traitement serait utile et pertinent, il n’est pas possible de l’imposer au patient et de procéder à l’administration du médicament sans son accord. En effet, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 septembre 2018 rappelle que « le fait de se voir imposer un traitement médical, fut-il approprié, contre son gré constitue une atteinte à la liberté de la personne, distincte de celle résultant de la privation de la liberté d’aller et venir et doit donner lieu à une indemnisation » (voir aussi en ce sens, l’arrêt de la cour d’appel Paris du 31 octobre 2017*). Enfin, plus généralement, les juges peuvent prendre en compte, afin de prononcer ou non la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement, l’état et l’adhésion aux soins du patient (consentement aux soins, etc.). Dans une décision récente du 28 août 2024 par la cour d’appel de Reims (Champagne-Ardenne), le fait pour un patient de présenter une adhésion aux soins « fragile » selon le médecin psychiatre justifie à ce que « la mesure d’hospitalisation complète sous contrainte reste nécessaire afin de préserver sa propre sécurité« .

Le programme de soins

L’article L3211-2-1 du CSP précise que le programme de soins est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil. La rédaction et la modification de ce programme de soins s’effectuent avec l’avis du patient, lors d’un entretien au cours duquel celui-ci reçoit l’information prévue à l’article L3211-3 du CSP.

À la différence de l’hospitalisation complète, il ne peut cependant être contraint à prendre son traitement. Le patient peut, s’il le souhaite, ne pas le prendre ou ne pas respecter les obligations qui lui incombent. Aussi la Haute Autorité de santé, dans une recommandation de bonne pratique, a-t-elle relevé un paradoxe dans le programme de soins et notifié que celui-ci « peut être imposé au patient, mais il est illégal de la faire exécuter par contrainte« .

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