Rappel de l'objet de la demande
Dans le cadre de l’activité d’un établissement, un salarié disposant de la durée d’assurance exigée pour une retraite à taux plein souhaite liquider ses droits à la retraite à 60 ans.
Quelles sont les différentes modalités de départ envisagées (mise à la retraite, congé sans solde jusqu’à l’âge légal de départ, démission etc.) ainsi que leurs avantages et inconvénients pour l’employeur ?
Textes de référence
- Code de la Sécurité sociale, articles L. 161-17-2.s, D. 161-2-1-9.s, R. 351-34.s ;
- Code du travail, articles L. 1237-5.s et L. 1237-9.s ;
- Convention collective nationale du 31 octobre 1951 (CCN51).
Réponse
Afin de répondre aux mieux à votre demande, il est nécessaire de procéder à un raisonnement en deux temps en rappelant préalablement les conditions relatives à l’âge légal d’ouverture des droits à pension (I) avant d’envisager les différentes modalités du départ à la retraite du salarié (II).
I. L’âge légal de départ fixé à 62 ans pour les individus nés à compter de 1955.
En avant propos, il apparaît opportun de rappeler que l’âge légal de départ à la retraite des salariés du secteur privé est, par principe fixé, à 62 ans pour les individus nés à compter du 1er janvier 1955. Suite à la réforme introduite par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, seuls pourront prétendre à l’ouverture d’une pension de retraite à 60 ans les salariés nés en 1951, sauf à disposer de l’une des hypothèses dérogatoires de départ anticipé à la retraite.
Cette règle est aujourd’hui reprise aux articles L. 161-17-2 et D. 161-2-1-9 suivants du Code de la sécurité sociale (CSS) :
- Art.L 161-17-2– « L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du présent code, à l’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l’article L. 24 et au 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.
Cet âge est fixé par décret dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955 et, pour ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954, de manière croissante :
- A raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;
- A raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954. »
- Art.D.161-2-1-9 – « L’âge prévu au second alinéa de l’article L.161-17-2 est fixé à :
- Soixante ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;
- Soixante ans et quatre mois pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 inclus ;
- Soixante ans et neuf mois pour les assurés nés en 1952 ;
- Soixante et un ans et deux mois pour les assurés nés en 1953 ;
- Soixante et un ans et sept mois pour les assurés nés en 1954 ;
- Soixante deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. »
Or, les indications renseignées dans votre demande précisent que votre salarié n’a pas encore atteint l’âge de 60 ans, ce qui suppose donc que l’intéressé soit né postérieurement au 1er janvier 1955. Sauf à pouvoir se prévaloir de l’une des dérogations légales de retraite anticipée (carrière longue, handicap/invalidité, pénibilité …), le salarié ne peut donc être admis à la retraite.
Quand bien même le salarié disposerait d’une durée d’assurance suffisante pour une retraite à taux plein, cette circonstance n’emporte pas à elle seule droit à liquidation des droits à la retraite avant l’âge légal : en application des dispositions de l’article L. 161-17-2 du CSS, l’âge minimal requis est de 62 ans. Ces dispositions sont d’ordre public.
A toutes fins utiles, il sera par ailleurs précisé qu’il est dans l’intérêt du salarié de continuer à travailler, nonobstant l’acquisition du nombre de trimestres nécessaires à une retraite taux plein. De fait, le montant de la pension de base en est alors augmenté (système dit de « surcote »), de même que les points de retraite complémentaire voire de retraite supplémentaire (ou « surcomplémentaire ») le cas échéant.
Ce principe a d’autant plus vocation à s’appliquer si l’intéressé a cotisé un nombre de trimestres suffisant, sans pour autant avoir atteint l’âge légal de départ – comme dans le cas d’espèce – du fait qu’il ne peut légalement être admis à la retraite.
II. Les modalités de départ à la retraite.
Au préalable, il sera rappelé que le salarié envisageant la liquidation de ses droits à la retraite doit en faire la demande à la Caisse compétente dans les formes et selon les conditions prévues aux articles R. 351-34 et R. 351-37 du CSS :
- Art. R. 351-34 – « Les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse dans le ressort de laquelle se trouve la résidence de l’assuré ou, en cas de résidence à l’étranger, le dernier lieu de travail de l’assuré, dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et, en ce qui concerne les demandes présentées pour inaptitude, par l’article R. 351-22.
Toutefois, est recevable la demande adressée à une caisse autre que celle de la résidence de l’assuré. Dans ce cas, c’est la caisse saisie qui est chargée de l’étude et de la liquidation des droits.
La caisse régionale d’assurance vieillesse de Strasbourg a compétence exclusive pour recevoir la demande, procéder à l’étude et à la liquidation des droits et servir la pension lorsque l’assuré réside dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle ou lorsque, résidant hors de ces départements, le bénéficiaire relève du régime local d’assurance maladie en vertu des 9°, 10° et 11° du II de l’article L. 325-1.
Il est donné au requérant récépissé de cette demande et des pièces qui l’accompagnent. »
À toutes fins utiles, il sera par ailleurs précisé qu’il est dans l’intérêt du salarié de continuer à travailler, nonobstant l’acquisition du nombre de trimestres nécessaires à une retraite taux plein. De fait, le montant de la pension de base
- Art.R.351-37–«I.-Chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d’un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande. Si l’assuré n’indique pas la date d’entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse.
II.-L’entrée en jouissance de la pension allouée pour inaptitude au travail ne peut être fixée à une date antérieure au premier jour du mois suivant la date à partir de laquelle l’inaptitude a été reconnue.
III.-L’assuré qui demande à bénéficier des dispositions de l’article L. 351-1-4 en fait la demande auprès de la caisse chargée de la liquidation de sa pension de retraite. Il en est accusé réception.
Lorsque la demande de pension de retraite est présentée par un assuré victime d’un accident du travail, la caisse saisit l’échelon régional du service médical dont relève l’assuré au moment du dépôt de sa demande de pension de retraite ou, si l’assuré réside à l’étranger, l’échelon régional du service médical du lieu d’implantation de la caisse chargée de la liquidation de la pension de retraite. L’identité des lésions dont souffre l’assuré avec celles figurant sur la liste prévue à l’article R. 351-24-1 est appréciée par un médecin-conseil du service médical au vu notamment des conclusions médicales figurant sur la notification de rente. Si le médecin-conseil ne reconnaît pas l’identité des lésions avec celles figurant sur cette liste, la caisse notifie à l’assuré le rejet de sa demande de pension de retraite.
Lorsque la demande de pension de retraite relève des dispositions du 1° du III de l’article L. 351-1-4, la caisse saisit, le cas échéant après accomplissement de la procédure prévue à l’alinéa précédent, la commission pluridisciplinaire.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le silence gardé pendant plus de quatre mois par la caisse vaut décision de rejet. »
Toutefois, dans l’hypothèse où l’intéressé ne serait pas à même de se prévaloir d’une hypothèse dérogatoire de départ anticipé à la retraite à 60 ans, cette demande fera ipso facto l’objet d’un rejet de la part de la Caisse d’assurance vieillesse, faute pour votre salarié d’avoir atteint l’âge légal autorisé pour l’ouverture d’une pension.
1) Départ volontaire / démission du salarié.
À ce stade, il est primordial de souligner que le départ volontaire à la retraite constitue un mode autonome de rupture du contrat, cette solution faisant l’objet d’une jurisprudence constante (en ce sens par exemple : Cass. soc., 15 janvier 2002, n°99-45335). À ce titre, le départ volontaire à la retraite se distingue de la démission du salarié (et se doit donc obéir à certaines conditions, sous peine d’encourir un risque de requalification par le juge en cas de contentieux).
Ce principe est également rappelé au point 15.03.1.2 de la CCN51 : « la résiliation du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de son âge ne constitue pas une démission mais le départ volontaire à la retraite dès lors que le salarié en cause est âgé d’au moins 60 ans. »
En application de l’article L. 1237-9 du Code du travail, le salarié quittant volontairement ses fonctions pour bénéficier d’une pension de vieillesse et disposant d’au moins dix ans d’ancienneté a droit à une indemnité légale de départ à la retraite, dont le taux varie en fonction de son ancienneté dans l’entreprise.
« Tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite.
Le taux de cette indemnité varie en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ses modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement. Ce taux et ces modalités de calcul sont déterminés par voie réglementaire. »
La CCN51 prévoit également une allocation conventionnelle de départ à la retraite ou la possibilité de convertir une partie de cette allocation en temps de repos de fin carrière (point 15.03.2.2). Toutefois, ce régime est subordonné à la présence du salarié dans l’entreprise jusqu’à son départ à la retraite. Cette circonstance fait donc obstacle à l’application de ce dispositif dans l’hypothèse où le salarié opterait pour un congé sans solde jusqu’à son départ.
Le départ volontaire ne devant pas se confondre avec une démission, le salarié sollicitant cette mesure conserve plusieurs avantages financiers que l’employeur sera tenu de lui verser à la cessation de ses fonctions, tels que :
- l’indemnité ainsi que l’allocation de départ à la retraite précitées ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés, s’il n’a pu solder l’intégralité de ses congés avant son départ (il en va de même de l’indemnisation des congés placés sur un compte épargne- temps) ;
- l’indemnité compensatrice de préavis, lorsque une dispense d’exécuter le préavis prévu à l’article L.1237-10 du Code du travail lui est imposée par l’employeur ;
- l’intégralité des primes et gratifications dont il est susceptible de bénéficier ;
- une éventuelle contrepartie pécuniaire en cas de clause de non-concurrence.
Toutefois, si l’intéressé ne remplit pas la condition d’âge minimal pour l’ouverture d’un droit à pension (sous réserve, là encore, des cas particuliers de départ anticipé), le départ à l’initiative du salarié constitue alors une démission. En pareille hypothèse, le salarié regardé comme démissionnaire se prive de toutes les indemnités légales ou conventionnelles prévues au titre de la rupture du contrat, parmi lesquelles figure logiquement l’indemnité de départ à la retraite (il percevra toutefois, le cas échéant, les indemnités compensatrices de congés payés et de préavis).
2) La mise à la retraite du salarié.
Cette modalité de cessation des fonctions est prévue par l’article L. 1237-5 du Code du travail. La mise à la retraite s’entend de la possibilité donnée à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié.
NOTA BENE : il est nécessaire de préciser que lorsque le salarié est âgé de moins de 67 ans, celui-ci n’est pas tenu d’accepter la mise à la retraite à l’initiative de l’employeur.
Dans ce cas de figure, le salarié ne bénéficie pas de l’indemnité de départ à la retraite prévue à l’article L. 1237-9 du Code du travail mais à une indemnité de mise à la retraite.
En pratique, les employeurs auront tendance à privilégier un départ volontaire du salarié, l’indemnité de départ volontaire étant généralement d’un montant plus faible que l’indemnité de mise à la retraite, laquelle s’aligne sur le montant de l’indemnité de licenciement (voir articles L.1234-9 et R.1234-1) :
- L’indemnité de départ volontaire correspond à un montant allant de 1/2 mois à 2 mois de salaire (selon l’ancienneté) ;
- L’indemnité de mise à la retraite correspond à une fraction du salaire de l’intéressé (1/4 ou 1/3 si le salarié justifie de plus de 10 ans d’ancienneté) multipliée par son nombre d’années de service dans l’entreprise.
Attention, de la même façon qu’un départ volontaire serait requalifié en démission, si le salarié se voyait mis à la retraite alors qu’il ne remplit pas la condition d’âge minimal prévue par les textes, la mise à la retraite se verrait requalifiée en licenciement, exposant alors l’employeur à de potentielles sanctions en cas de litige. En effet, l’article L1237-8 du Code du travail dispose expressément que « si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement. »
3) Le congé sans solde jusqu’au départ la retraite.
Pour rappel, le congé sans solde est une forme de congé non-prévu par la réglementation : il résulte de pratiques coutumières ou encadrées par voie conventionnelle. Il est donc défini par accord librement convenu entre l’employeur et le salarié (sauf dans l’hypothèse où il prend la forme d’un congé pour convenances personnelles prévu par la Code du travail : congé pour s’occuper d’un proche, congé sabbatique …).
La CCN51 ne prévoit pas de dispositions particulières visant à définir un cadre juridique spécifique propre à ce congé. Elle se contente de reprendre l’analyse jurisprudentielle classique selon laquelle le congé sans solde peut correspondre aux autres formes de congés pour convenance personnelle. Toutefois, le congé accordé dans ces conditions serait nécessairement plus restrictif quant à ses modalités de mise en œuvre (un congé sabbatique étant par exemple soumis à une condition d’ancienneté ou encore à une condition de durée maximale de 11 mois).
Le salarié placé en congé sans solde librement convenu avec l’employeur – ou sur la base d’un congé sabbatique au sens de l’article L. 3142-28 par exemple – voit son contrat de travail suspendu pendant la durée dudit congé.
La suspension du contrat de travail implique que, sauf à cotiser volontairement pendant cette durée, le salarié n’acquiert aucun droit à retraite (de base, complémentaire ou, le cas échéant, surcomplémentaire). Durant cette période, l’employeur n’est donc pas non plus assujetti aux cotisations ou contributions en lien avec la rémunération du salarié.
À l’issue du congé, le salarié est supposé être réintégré sur son précédent emploi (ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente). Il est toujours considéré comme faisant partie des effectifs de l’établissement ou entreprise. Cette circonstance emporte pour conséquence que le salarié bénéficiera donc des indemnités légales et conventionnelles pour lesquelles il est exigé que le salarié fasse partie de l’entreprise au moment de son départ à la retraite (s’y ajoutent les prestations servies au salarié dans les mêmes conditions comme la retraite surcomplémentaire/supplémentaire).
Seconde conséquence, le salarié ou son employeur devra malgré tout procéder à un départ volontaire ou une mise à la retraite (dans les conditions définies aux points II.1 et II.2 de la présente note) : le congé sabbatique ne dispense pas le salarié et l’employeur de prévoir la fin du contrat de travail selon l’une de ces deux modalités.
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