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Période de confinement et sorties demandées par la famille dans les EHPAD

Rappel de l'objet de la demande

Suite aux consignes de l’ARS Ile-de-France et du ministère les visites dans les EHPAD sont interdites.

Néanmoins pour contourner cette injonction des familles vous demandent de sortir leur proche à l’extérieur. Quelle est l’étendue du pouvoir de police du directeur d’un EHPAD public ? Peut-il restreindre la liberté d’aller et venir de ses résidents pendant cette période de confinement en leur interdisant de sortir ?

Réponse

La liberté d’aller et venir se définit comme une composante de la liberté individuelle inhérente à la personne humaine. Le Conseil constitutionnel lui reconnaît le caractère de liberté fondamentale (décisions n ° 79-107 DC du 12 juillet 1979 et n ° 2005-532 DC du 19 janvier 2006).
La liberté d’aller et venir d’une personne hospitalisée ou accueillie dans un établissement médico-social s’apprécie tant au regard de sa libre circulation à l’intérieur de la structure que de la possibilité qui lui est laissée de mener une vie ordinaire au sein d’un établissement qu’elle a choisi. Cette liberté fondamentale s’interprète de façon extensive et s’appuie sur les notions d’autonomie, de vie privée et de dignité de la personne.

I. Les restrictions à la liberté d’aller et venir sur la base d’impératifs d’ordre sécuritaire.

La restriction de la liberté d’aller et venir peut résulter de l’obligation de sécurité pesant sur les établissements. De fait, le droit à la sécurité fait partie des droits et libertés garantis aux patients pris en charge par les établissements de santé.

À ce titre, nous rappellerons que – en dehors des compétences énumérées au 1° à 15° du même texte ou partagées avec le conseil de surveillance – l’article L6143-7 du Code de la santé publique (CSP) prévoit que le Directeur dispose d’une compétence propre pour régler les affaires de l’établissement.

Bien que ce pouvoir ne soit plus expressément mentionné par les textes – celui-ci reposant antérieurement sur les dispositions de l’ordonnance du 18 décembre 1839 portant règlement sur les établissements publics et privés disposant que « le directeur est exclusivement chargé de pourvoir à tout ce qui concerne le bon ordre et la police de l’établissement » –, les missions afférentes à la gestion et à la conduite générale de l’établissement confèrent au directeur un pouvoir de police générale en interne :

CE, 17 novembre 1997, n°168606
« L’autorité compétente pour assurer le pouvoir de police général dans un établissement public consacré aux aliénés comme dans l’ensemble des établissements publics de santé est le directeur de l’établissement. En subordonnant, pour des motifs de sécurité, la visite rendue par un médecin généraliste extérieur à l’établissement à l’un de ses patients, qui y avait été placé d’office, à la présence, derrière une porte vitrée, d’un infirmier, le directeur du centre hospitalier spécialisé a pris une mesure qui doit être regardée comme relevant de la police générale de l’établissement. »

L’une des déclinaisons de cette attribution consiste justement en une obligation d’assurer la sécurité des biens et personnes (qu’il s’agisse des patients en termes de sécurité générale ou sanitaire, ou des personnels au regard de ses obligations d’hygiène et de sécurité afférent à tout employeur) dans l’enceinte de l’hôpital.

De manière plus générale, on ne pourra également que souligner le dispositif institutionnel de sécurisation des établissements articulé autour du risque terroriste (Plans nationaux de Défense, VIGIPIRATE) mais également dans une optique globale de réponse aux violences et incivilités via le plan d’action relatif à la sécurisation des établissements de santé est mis en œuvre par le ministère des solidarités et de la santé, en étroite collaboration avec le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice, les agences régionales de santé et les préfectures (Instruction n° SG/HFDS/2016/340 du 4 novembre 2016 relatives aux mesures de sécurisation dans les établissements de santé).

II. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé en matière de restriction à la liberté d’aller et venir.

À titre liminaire, il importe de souligner que, tant les textes législatifs et réglementaires, les règles de bonnes pratiques envisagent le plus souvent la liberté d’aller et venir au prisme de l’approche du soin. Ce faisant, bien que le principe sécuritaire y soit communément admis comme une justification possible à la restriction de cette liberté, la sécurité y est davantage évoquée sous l’angle de « danger du patient pour lui même ou pour autrui » que dans une optique de sécurité l’établissement au sens large.

Quelles sont les raisons invoquées pour justifier des restrictions au principe fondamental d’aller et venir ? Lesquelles peut-on retenir ?

Les raisons le plus souvent invoquées pour justifier des restrictions au principe fondamental d’aller et venir peuvent être regroupées en différentes rubriques :

  • raisons tenant à la répartition et l’organisation territoriales des établissements ;
  • raisons architecturales et liées à l’urbanisme ;
  • raisons organisationnelles ;
  • raisons sécuritaires ;
  • raisons médicales ;
  • raisons financières.

→ Raisons sécuritaires
La sécurité ne saurait être systématiquement avancée pour justifier toutes les restrictions aux libertés d’aller et venir. Les pratiques sécuritaires peuvent faire peser des contraintes inutiles, qui réduisent de fait la liberté de tous et vont à l’encontre du respect du droit à la décision des personnes. […]

Les justifications à l’atteinte à la liberté d’aller et venir pour des raisons de protection de la personne contre elle-même et contre autrui ne se conçoivent que dans des conditions précises et justifiées, déclinées dans le règlement intérieur et/ou précisées après information dans le contrat de soins ou le projet individualisé. Les limitations de la liberté pour des raisons de protection recouvrent :

  • les contraintes de la réalisation des soins : évaluation, traitement ou explorations prescrits par l’équipe médicale ;
  • le contrôle de la thérapeutique et les raisons d’hygiène, variables en fonction de l’état de santé du patient (sevrage, isolement septique, isolement protecteur) ;
  • la protection de la personne quand ses comportements peuvent la mettre en danger
  • (désorientation, idées de suicide, automutilations, etc.) ;
  • la protection des tiers quand la personne peut les mettre en danger ;
  • la protection de la vie collective, quand des interdictions portent par exemple sur l’utilisation et le trafic d’alcool ou de drogues ;
  • la sécurité des lieux telle qu’elle est établie par les commissions de sécurité départementales, en notant toutefois que les délais demandés pour le passage des commissions et la sur-exigence des commissions de sécurité ou des professionnels posent souvent des problèmes concrets de mise en conformité, d’ouverture et de mise à disposition des nouveaux locaux.

Comment sont appréciées les raisons justifiant les restrictions aux libertés selon le lieu, le moment et la situation dans lesquels la personne se trouve ?

La réponse à la question posée s’articule en situations différentes, mêlant les variables suivantes :

  • les caractéristiques des personnes : i) personnes ne pouvant pas exercer seules leur liberté d’aller et venir, mais à même d’exprimer en conscience leur volonté d’aller et venir, et ii) personnes souffrant de troubles du discernement ou de troubles rendant l’expression de leur consentement difficile ;
  • les types de séjours : i) séjours de courte durée ou ii) séjours de moyenne et longue durée, nécessitant un projet de vie dans l’établissement ;
  • les étapes du séjour : i) entrée dans l’établissement, puis ii) temps du séjour.
  • […]

Dans tous les cas, toute restriction de liberté, à l’admission ou pendant le séjour, doit être expliquée et le consentement ou la participation à la décision de la personne comme de son entourage doivent être recherchés par tout moyen. […]

Informée, la personne est décisionnaire. Elle peut refuser les soins et quitter à tout moment l’établissement de santé pourvu qu’elle soit informée des risques liés à son départ et que tout ait été mis en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. L’information préalable sur le règlement intérieur et en particulier sur la préservation de la liberté d’aller et venir permet d’en apprécier les limitations éventuelles. Autant que possible, les conditions d’exercice de la liberté d’aller et venir doivent être négociées et personnalisées.

L’adéquation entre les besoins, les capacités, les souhaits de la personne et l’offre de soins et d’accueil doit être réelle. Le choix de l’établissement d’accueil par la personne et son entourage doit pouvoir se faire à partir du projet d’établissement.

Quelles doivent être les conditions d’application des raisons invoquées pour justifier des restrictions au principe fondamental d’aller et venir ?

Paradoxalement, la liberté d’aller et venir des personnes accueillies dans un établissement sanitaire ou médico-social est souvent entravée au nom du principe de protection de la personne, non seulement contre elle-même, mais encore contre autrui.

La préservation de la liberté d’aller et venir doit se fonder sur un principe de prévention individuelle du risque et non sur un principe de précaution. Elle ne saurait donc être restreinte en fonction d’un risque supposé ou appréhendé. En revanche, une fois ce risque d’ordre physique (risque de chute, de fugue par exemple) ou d’ordre psychologique (désorientation, tentative de suicide, automutilation) objectivement identifié et évalué, des réponses concrètes visant à préserver l’exercice de la liberté d’aller et venir doivent être recherchées par l’équipe, par la personne elle-même ou par sa famille et son entourage. Les conditions d’exercice de la liberté d’aller et venir doivent faire l’objet d’un accord écrit, inscrit dans son projet de vie.

Enfin, la liberté d’aller et venir étant un principe fondamental, sa limitation doit être étudiée pour chaque personne en la faisant participer par tout moyen au partage du risque, qui peut être le plus souvent théorique. De façon générale, il faut privilégier l’aspect relationnel et humain à un recours à des moyens strictement techniques.

Conclusion

En cas de conflit entre deux impératifs fondamentaux ou libertés (en l’occurrence l’obligation de sécurité incombant à l’établissement et la liberté d’aller et venir du patient), le juge recourt systématiquement aux techniques dites de « conciliation des valeurs » et de « balance bénéfices-risques ».

En d’autres termes, à niveau égal d’importance, une liberté ou un droit ne saurait systématiquement primer sur un ou une autre, ce qui suppose donc la recherche d’un juste équilibre en adéquation avec les circonstances de l’espèce (solution proportionnée au but recherché).

La préservation de la liberté d’aller et venir doit se fonder sur un principe de prévention individuelle du risque et non sur un principe de précaution. Elle ne saurait donc être restreinte en fonction d’un risque supposé ou appréhendé. En revanche, une fois ce risque d’ordre physique (risque de chute, de fugue par exemple) ou d’ordre psychologique (désorientation, tentative de suicide, automutilation) objectivement identifié et évalué, des réponses concrètes visant à préserver l’exercice de la liberté d’aller et venir doivent être recherchées par l’équipe, par la personne elle-même ou par sa famille et son entourage. Les conditions d’exercice de la liberté d’aller et venir doivent faire l’objet d’un accord écrit, inscrit dans son projet de vie.

Enfin, la liberté d’aller et venir étant un principe fondamental, sa limitation doit être étudiée pour chaque personne en la faisant participer par tout moyen au partage du risque, qui peut être le plus souvent théorique. De façon générale, il faut privilégier l’aspect relationnel et humain à un recours à des moyens strictement techniques.

Conclusion

En cas de conflit entre deux impératifs fondamentaux ou libertés (en l’occurrence l’obligation de sécurité incombant à l’établissement et la liberté d’aller et venir du patient), le juge recourt systématiquement aux techniques dites de « conciliation des valeurs » et de « balance bénéfices-risques ».

En d’autres termes, à niveau égal d’importance, une liberté ou un droit ne saurait systématiquement primer sur un ou une autre, ce qui suppose donc la recherche d’un juste équilibre en adéquation avec les circonstances de l’espèce (solution proportionnée au but recherché).

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